mardi 24 mars 2020

mortels, nous sommes immortels








[...]
19 juin 1939 au matin, retour à Saint-Nazaire, notre point de départ. Ou presque. C'est sans compter sur les éléments naturels. Marée basse.
Nous sommes massés à l'avant du vapeur, à portée de vue de notre port d'attache, résignés au point d'espérer la montée des eaux.
L'attente est insoutenable. il faut que je sorte, peu importe si les latitudes atlantiques n'ont pas le charme des ciels rosés des Caraïbes vantés par la compagnie.
L'Amérique nous ferme les bras et l'Europe se fait désirer.
Le protocole est sommaire. A défaut d'orchestre, un sas forcé. Comme si les réfugiés que nous sommes devenus et les habitants de la cité portuaire se jaugeaient à distance.
Réacclimatation à l'humanité avant que la marée ne nous déverse sur le Vieux Continent.
J'ai lu, des années après, ce qu'un journaliste du Phare avait écrit à propos de notre arrivée. "A bord, les réfugiés étaient, malgré tout, d'excellente humeur." Non monsieur, nous étions dignes. Et reconnaissants, en dépit de notre profond désespoir, à la France de nous accueillir. un permis de séjour valide au sein de la patrie des droits de l'homme valait mieux que les vaines promesses d'une Amérique.
Indiscutablement, notre échappée, à mille cinq cent kilomètres de Berlin, prenait des airs de fugue ratée mais notre bateau fantôme trouvait enfin un sanctuaire. On ignorait que le piège se refermait.
Une bande de juifs errants, des proscrits à la dérive sur un vaisseau pestiféré, voilà comme les autres nous considéraient. on voyait bien que les gens d'ici avaient du mal à y croire. A leur décharge, il faut reconnaître que le gros de nos troupes présentait bien.
Je me suis retrouvé, à juste titre dans le groupe des indigents. Dîner au buffet de la gare. Je me souviens seulement des grands saucissons et des carafes de vin rouge. Et puis transfert à l'hôtel des célibataires à Penhoët.les riches, eux, avaient fait sécession. De toutes les pensions de la ville, il fallait que les autorités nous dégotent une auberge miteuse avec un nom à coucher dehors. La maison du célibat pour des laissés-pour-compte, repoussés de touts parts.
Quand le vieux Altman m'a traduit le mot en allemand, je suis parti dans un fou rire incontrôlable.

La grande bâtisse, posée à deux pas des chantiers navals, était sordide. Les ouvriers n'avaient pas l'air ravis de notre débarquement. c'est le moins qu'on puisse dire. Ils nous dévisageaient. Certains, à notre passage, crachaient par terre;  ça devait être la première fois qu'ils voyaient des Allemands.
quand à savoir ce qu'était un juif...
[...]"
Stanislas Mahé- extrait de: "Traversées" Editions Joca Seria





Une douce friandise offerte par Danièle:








Boite à outils:




 LE FORUM

 La plateforme collaboratrice contre la désinformation


Ligne en test et lycée de Versailles

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Blogueurs en éveil:

Chez: "Je hais les journaux intimes": 



"Je n’ai pas de fièvre.
Les jours se suivent et se ressemblent. Cellule de crise, entre angoisse, mauvaises nouvelles et solidarité, vaille que vaille. Des masques, toujours des masques : il faut se protéger et protéger ceux qui travaillent. Il faut trouver des solutions pour les commerçants, pour l’après, pour qu’on puisse se relever quand tout sera fini, pour ne pas que tout s’arrête complètement : comment ferions-nous si le marché couvert s’arrête, seuls commerces alimentaires du centre ville, seuls accès facile pour les personnes à pied. Si cela dure des semaines - et cela durera des semaines -, il faudra bien continuer de manger.

Cours pour mes élèves. Trouver au moins une bonne idée par jour, pour qu’ils se cultivent, pour qu’ils apprennent, pour qu’ils ne s’ennuient pas intellectuellement, pour qu’il ne régressent pas. Aujourd’hui, pour les troisièmes, leur faire découvrir le musée du Louvre, par le biais du clip de Jay-Z et Beyoncé et le site de visite virtuelle. Succès mitigé. Une élève a reconnu la Joconde. Et puis la proposition d’un journal du confinement, en commun, sur un padlet, en parallèle de la lecture du Journal d’Anne Frank. On verra ce que ça donne. Les faire écrire, les faire lire, les faire s’évader grâce à la culture.

Pour les 6e, L’Odyssée, les voyages d’Ulysse, les monstres, le cyclope, à dessiner, un monstre à créer aussi avec le site de la BNF. Et puis faire le portrait de sa création en une quinzaine de lignes. L’imaginaire pour oublier le réel déprimant.

Je l’imagine, leur réel. Des petits appartements, toute la famille, un seul ordinateur, une connexion chancelante, pas de livre. Pas de balcon, pas de jardin. Je ne sais pas comment ils ressortiront de tout cela. Je veux croire à la résilience de la jeunesse, je veux croire qu’ils en sortiront plus forts. Qu’ils aimeront l’école ensuite, qu’ils aimeront la vie, qu’ils voudront rattraper le temps perdu.

Et puis la maison. Je suis une privilégiée : j’ai tout ce qu’il me faut et je ne suis pas seule. J’ai de la ressource intellectuelle. J’ai de la lecture pour la vie entière et au-delà. J’ai un balcon, je joue de la musique, je chante et j’écris. J’ai une belle lumière, l’après-midi, qui baigne agréablement mon espace de travail : mon canapé. J’ai de la musique dans les oreilles, autant que je veux, tout ce que je veux. Conseil de lecture : la collection Tracts de crise de Gallimard. Des textes nouveaux chaque jours, pour penser ce moment avec des intellectuels. Et mes collègues blogueurs de toujours qui ont repris du service : Elodie, Nicolas, Seb. Je ne m'ennuie pas. C’est une prison dorée.

On n’est pas égaux devant le confinement. Comme toujours. Comment ne pas penser aux SDF. Comment ne pas penser aux réfugiés. Comment ne pas penser gens seuls. A ceux qui passent sous mes fenêtres en errant, ceux que les hôpitaux psychiatriques ne prennent pas en charge…

L’humanité nue. Je suis obligée de rester chez moi, ce qui ne doit pas vouloir dire que je suis obligée de ne pas aider mon prochain. Notre société cultive, depuis bien trop longtemps, l’individualisme. Nous devons pourtant réapprendre à vivre en société, malgré l’isolement.

C’est une leçon bien paradoxale que nous inflige ce virus."



Chez: "L'entresort":



Le désarroi

"Fabriquer 
des objets des histoires des rendez-vous pour se protéger
                                                                 affronter
l’énigme de l’invisible
ses bords"

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dimanche 22 mars 2020

dimanche: manche

          photo source Toile


Du grand parc
où mes roues  réquisitionnées glissent,
les ombres s'échappent peu à peu.
Ce n'est plus tout à fait la nuit
ni encore le jour.
 Entre-deux
 mer
pas très loin
vide de ses marins
 vide de ses promeneurs au front,
un peu comme un sas paisible
dans l'un connu
et
 l'autre pas.










Blogueurs en éveil-3- 


Chez "Dune":



 Photo source: Dune

"...

la chandelle du soir n'éclaire

qu'un halo contraint

dehors le noir tient tête

chaque jour un peu plus 

l'obscurité mord à belles dents

dérobe le pas de l'homme qui passe

dévore jusqu'à son ombre

demain 

aujourd'hui 

fondus dans une même heure qui s'étire un même soupir suspendu à l'attente

Dis-moi

pourquoi la musique de la nuit

résiste-t-elle à la lumière ?

..."

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Chez Erby:
 Revue des dessinateurs de la presse étrangère




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Lu chez Kedistan:




Coronavirus • Dans quel Etat j’erre ?

"Je poursuis mon jeu de mikado, en phrases mêlées à propos du coronavirus. Et puisque l’Etat insiste pour reprendre la main…

3• Et puisque l’Etat insiste pour reprendre la main

J’ai entendu ces jours-ci une phrase se répéter : “On jugera un homme d’Etat à sa façon de surmonter la crise actuelle”. Encore une porte ouverte en période de confinement. Mais pas que.
Ce coronavirus questionneur interroge justement tous ces vocables, de “l’unité nationale” aux “civisme républicain” , passant par un mélange des genres entre “services publics“, “services de l’Etat“, Etat protecteur, Economie nationale, Nation tout court …etc.
Il n’a jamais été aussi facile politiquement pour un dirigeant de revêtir justement le costume de père protecteur de la Nation, pour peu qu’il s’appuie sur une cohorte de sachants, puisque les “sujets” se tournent vers lui à la fois pour demander des comptes, et en même temps pour qu’il exerce son “autorité”. Ce faisant, on se retourne vers l’Etat.
Avant d’aller plus loin, je dois faire un pas de côté, non pour nier la pandémie et sa réalité, mais pour revenir sur le début de ces chroniques, en rappelant que la réaction apeurée mondialisée face à cette pandémie n’a d’égale que l’exacerbation de toutes les contradictions internes au système capitaliste mondialisé et de son poisson pilote financier. C’est une réaction de panique. Réaction à laquelle pourrait succéder des dérives et des remises en cause profondes du peu que ce système n’a pas encore détruit ou détourné à l’échelle mondiale.
Pourquoi le capitalisme deviendrait-il bientôt un système de philanthropie, alors qu’il y a quelques semaines encore, ses Etats répondaient par la violence, la torture, la mort, à celles et ceux qui se dressaient en résistance sur 3 continents, ou par la guerre. Je rappelle le Moyen-Orient. Et, justement, dans cette crise, les financiers du néo-libéralisme pourrait bien faire redécouvrir les vertus d’un Etat et de l’autoritarisme, en apprenant de fâcheuses habitudes aux populations mises en danger, et en confinement. Néo-libéralisme et Etat en réalité n’ont jamais été ennemis, et ont même prospéré ensemble sous la dictature chilienne du siècle dernier.
Un des prototypes de l’Etat-nation propulsé à travers le monde, tantôt à la force des baïonnettes, tantôt à la canonnière, s’incarne dans le modèle français par exemple. Et comme il se confond largement avec l’histoire des siècles passés, et pour les générations vivantes, s’imbrique avec les notions de République, d’Etat providence, de services publics, de “modèle social”. Plus personne ne sent sa “violence légitime“, sauf quand elle s’exerce à coup de matraque, de tirs de LBD, de grenades et de lacrymos. Une bonne part de la société française a pris pour habitude de dénoncer les matraques chez les voisins et de louer l’efficacité du maintien de l’ordre à domicile, en défense des “valeurs républicaines“. Même la gauche française est cocardière, comme elle fut coloniale, et elle fait en permanence confondre systèmes sociaux acquis dans des luttes passées, services, biens publics et communs et… Etat.
Voilà donc que tout naturellement, dans la panique entretenue autour de l’épidémie de coronavirus, on se tourne vers cet Etat, ses structures de gouvernement, sa police, voire son armée, pour “mener la guerre“.
Constater “en même temps” que ce même Etat, et ses gouvernements successifs, menaient une politique d’austérité, rognait et détruisait les biens communs au profit “des plus riches“, et le slogan “Président des riches” fit florès, est une contradiction que les politiciens républicains nous résumeront sous le vocable “débat démocratique utile à l’unité de la Nation“. Fermez les guillemets. On attendra donc l’alternance, comme chez Beckett, ou le retour de bâton de fin de pandémie.
Alors, quand arrive dans la République un virus à couronne qui semble menacer la Nation toute entière, la rente, le profit et la poursuite des “réformes”, c’est Carmagnole.
Le mot de “confiance” est lâché, tout comme les exemples d”‘incivilité”… Les vieux réflexes de classe qui surgissent d’un côté et vont remplir des résidences secondaires ou des plages avant les beaux jours et de l’autre les images de marchés très fréquentés dans les quartiers populaires parisiens passent en boucle, en opposition avec la “sagesse et le civisme” de rues désertées et de laissez-passers “contrôlés” par la police. Ces gouvernements n’ont aucune confiance dans la résilience des populations mais l’exigent pour eux-mêmes, sanctions à l’appui.
Restez chez vous, chacun chez soi, telle est la consigne “collective”. S’y ajoute en même temps les appels frénétiques à “continuer le travail”, pour éviter “l’effondrement économique”. Il est sûr que fabriquer en ce moment des chariots de supermarché, vendre des voitures ou bâtir des immeubles de bureaux  sont des activités essentielles contre le coronavirus… Toute cette cacophonie méritera un nouvel article, sous forme d’inventaire à la Prévert. Tout comme ce qu’il serait possible de faire, collectivement, hors d’un cadre d’obéissance aveugle. Les résiliences communes ne recoupent pas forcément un garde à vous d’en temps de guerre.
Les gestes barrière, les confinements, les masques sont indispensables et nécessaires face à cette crise sanitaire du coronavirus, et tout autant que l’auraient été de vrais biens communs en nombre autour de la santé. Dire le contraire n’est pas de mise. Ce qui ne l’est pas, c’est que les Etats s’en saisissent comme police sociale, au nom de leurs intérêts supérieurs, en vue de leurs propres sorties de crise.
Et des lignes de fond persistent, qui n’augurent rien de bon pour la suite. Si en même temps des verrous austéritaires sont débloqués par nécessité, tous les boulons du système d’exploitation sont resserrés, et des mesures gouvernementales pourraient bien jouer sur la “confiance”, pour finir de nettoyer des acquis de lutte du “monde du travail”, en passant. Ce système, après avoir un temps fait le gros dos à l’approche de la crise sanitaire, cherchera à se sauver lui-même en “récupérant” ce qu’il va y perdre. Faites lui confiance pour cela. Et ne nous attendons pas à la chute de régimes autoritaires non plus…
Rien ne sera comme avant, mais en pire peut être.
(A suivre…)"

 Daniel Fleury

Lire les articles précédents : 
1• Le coronavirus agit aussi comme révélateur sociétal
2• La bulle financière dope l’effet du virus



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