dimanche 23 février 2020

objectif terre



"Dans la première pièce-un mouchoir de poche servant tout à la fois de chambre, de cuisine et de "salon" - s'entasse un invraisemblable bric-à-brac recouvert uniment d'une épaisse couche de poussière comme celle que la Belle au bois dormant a dû trouver à son réveil. Par une anfractuosité étroite (le mur a été éventré sans grand souci esthétique) qui nous oblige à passer en crabe, nous arrivons dans l'antre sacré de notre homme des bois: son bureau.
Un pupitre, qui porte de façon incongrue un ordinateur et un téléphone, trois chaises et des étagères de livres. Voilà pour le mobilier.
On sent que l'homme dans cette pièce est un roi. il explique que depuis un an il a confié sa parcelle de forêt à un ami.
Celui-ci l'exploite et lui verse la moitié des bénéfices qu'elle rapporte. C'est un ami de travail. Ses vrais amis, ceux de coeur et d'esprit, s'appellent Nietzsche, Hegel, Héraclite, Socrate. C'est avec eux qu'il vit, pour eux qu'il part en stop à Istanbul à la recherche de nouveau ouvrages qui lui parleront d'eux.
Sélim est un fou. Ou un sage. C'est souvent la même chose. Il n'a cure des apparences, ayant compris, tout au long de ses années solitaires dans la forêt, que ce qui est digne d'être vu est ce qui est caché, que rien n'existe en soi qui n'ait pas le besoin d'être interrogé.
"je veux sublimer ma vie par mon travail de recherche!" nous lance t-il comme un cri de victoire.
"Tout peuple doit avoir des héros qui le transcendent. Robin des Bois, Nelson Mandela, Jeanne d'Arc!" Et il lève, en disant cela, de grands bras que l'on devine noueux sous le chandail élimé.
Sélim n'est pas en colère contre le monde, ce n'est pas un tempérament agressif.Il est juste indigné par la veulerie qui partout semble régner. Ainsi, nous dit-il, la langue de son pays, qui s'est déjà sombrement abâtardie sous le règne de l'Empire ottoman, est en train de courir à sa perte.
Pas un journaliste, déplore t-il, n'est pas capable de la parler correctement. Même les travaux du professeur Höksalan l'ont déçu. A en croire notre ami, depuis Mehmet II, rien ne va plus pour ce qui est du langage. Plus de cinq siècles de dégénérescence linguistique! Il adresse, nous raconte t-il, ses remontrances aux signataires d'articles syntaxiquement fautifs. On pourrait sentir poindre chez un tel don quichotte une propension à devenir un affreux redresseur de torts...Mais non, nul venin ni aigreur chez cet homme innocent. Un côté Saint-Bernard plutôt, animé par une ferveur ardente, de celles qui vous transportent haut et peuvent vous faire devenir visionnaire. Car Sélim est un ermite qui aime les hommes. Alors, il estime de son devoir de leur crier: "Attention! vous empruntez un mauvais chemin! La langue, c'est le langage! Le langage c'est la pensée! La pensée, c'est le signe distinctif de l'humanité! Massacrer la langue revient à favoriser la part d'animalité qui est en l'homme..."
Bernard Ollivier- extrait de: "Carrnets d'une longue marche-Nouveau voyage d'Istanbul à Xi'an"




 





                                           illustration source: Toile





"Le Printemps des Poètes"




"Il faut avoir le courage de se faire face,
De regarder son âme dans cette glace,
Au travers de ses fissures et blessures,
De ses brisures et de toutes ses ratures.

Il faut trouver le courage de se faire face,
Tous les jours oeuvrer, demeurer coriace,
Chercher un moyen de relever le regard,
Se relever et avancer, sans rester hagard.

Il faut avoir le courage de se faire face,
Malgré ses échecs et ses disgrâces,
Essayer d’oblitérer son abjecte lâcheté,
Agir, réagir et ne jamais laisser tomber.

Il faut trouver le courage de se faire face,
De se pardonner ses mauvaises passes,
Ses fautes monumentales et ses erreurs,
Avec bienveillance, patience et sans peur.

Le courage est une bataille quotidienne,
Il n’est jamais acquis, et ainsi se construit,
En nous modelant; à chaque jour sa peine,
À chaque détour, le coeur se révèle et éblouit."

Nashmia Noormohamed, 


"Ces mains bonnes à tout même à tenir des armes
Dans ces rues que les hommes ont tracées pour ton bien
Ces rivages perdus vers lesquels tu t´acharnes
Où tu veux aborder
Et pour t´en empêcher
Les mains de l´oppression

Regarde-la gémir sur la gueule des gens
Avec les yeux fardés d´horaires et de rêves
Regarde-là se taire aux gorges du printemps
Avec les mains trahies par la faim qui se lève

Ces yeux qui te regardent et la nuit et le jour
Et que l´on dit braqués sur les chiffres et la haine

Ces choses "défendues" vers lesquelles tu te traînes
Et qui seront à toi
Lorsque tu fermeras
Les yeux de l´oppression

Regarde-la pointer son sourire indécent
Sur la censure apprise et qui va à la messe
Regarde-la jouir dans ce jouet d´enfant
Et qui tue des fantômes en perdant ta jeunesse

Ces lois qui t´embarrassent au point de les nier
Dans les couloirs glacés de la nuit conseillère
Et l´Amour qui se lève à l´Université
Et qui t´envahira
Lorsque tu casseras
Les lois de l´oppression



Regarde-la flâner dans l´œil de tes copains
Sous le couvert joyeux de soleils fraternels
Regarde-la glisser peu à peu dans leurs mains
Qui formerons des poings
Dès qu´ils auront atteint
L´âge de l´oppression

Ces yeux qui te regardent et la nuit et le jour
Et que l´on dit braqués sur les chiffres et la haine
Ces choses "défendues" vers lesquelles tu te traînes
Et qui seront à toi
Lorsque tu fermeras
Les yeux de l´oppression."
Léo Ferré-"L'Oppression"



                                        illustration source: Toile

 

samedi 22 février 2020

un petit coin du coeur




"Ce coin de bleu,
ce pan de couleurs si proches du bleu
n'est que cela: un coin de bleu,
 le vent vert de gris souffle comme prévu.
On dirait un tableau envoyé avant mariage
les gens sont arrivés près de l'eau, se sont arrêtés
papillons heurtant un mur de verre
face à l'abîme, ont gardé le silence
pour ne pas se perdre, ont sombré dans un plus grand vertige
ce n'est qu'un petit coin du monde, un petit coin du coeur

en Bretagne
à Saint-Nazaire

la mer, jamais tu ne l'avais aimée, jamais n'avais songé
à saisir les traces du vent
qui dérive avec elle
tu as pensé à ce mariage un samedi
à la façon de plier les serviettes sur la table du banquet
qui serait livrée le lendemain
de disposer cette table dans l'espace dégagé
où les marins avaient levé les couleurs

la mer et l'estran sont territoires voisins
sur la ligne qui les sépare, tu ne pourras trouver ton nom
ces sous-marins disparus au fond de l'eau
ces empreintes sans cesse momifiées 
es gens qui s'embrassent sur la plage
ces cartes dansantes, ces étals de maïs grillé,
ces manèges de chevaux de bois, ces accordéonistes se sont volatilisés,
seul un clown gauche est allongé sur la plage
désemparé

au matin la mer portait des bas blancs
le flux labial des vagues contait ses secrets
sa gorge allait s'enrouant
c'était une planète inconnue
vieille ou jeune tour à tour
tu as oublié les noms des dieux
mais te souviens de la respiration du phare
c'est suffisant, la vie est trop courte
pour qu'on éprouve de la honte

ce n'est pas Saint-Nazaire
ce n'est pas la Bretagne"
Wang Yin "Parce que"  traduit du chinois par Chantal Chen-Andro  Meet-2016- 


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DETAILS


"Je suis celle qu'on ne voit pas
Je suis celle qu'on n'entend pas
Je suis cachée au bord des larmes
Je suis la reine des drames

Quand tu veux dormir, je viens pour t'embrasser
Si tu veux courir, je rampe à tes côtés
Tu apprends, tu apprendras je sens ton cœur
Tu comprends, tu comprendras comment t'y faire

Je suis celle qu'on ne voit pas
Je suis celle qu'on entend pas
Je suis cachée au bord des larmes
Je suis la reine des drames

Là sous ta poitrine, je cogne pour t'abimer

Quand tu me devines, j'essaie de résister
Tu apprends, tu apprendras je sens ton cœur
Tu comprends, tu comprendras comment t'y faire

Je suis celle qu'on ne voit pas
Je suis celle qu'on entend pas
Je suis cachée au bord des larmes
Je suis la reine des drames

Avant de partir, de te laisser tomber
Je ne peux pas mourir et tout recommencer
Je t'attends, je t'attendrais toujours derrière
Mais va-t'en, va-t'en fais le détour soit fière

Je suis celle qu'on ne voit pas
Je suis celle qu'on entend pas
Je suis cachée au bord des larmes
Je suis la reine des drames"























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"Au fond avec quel organe rêvez-vous vraiment d'écrire vos textes? 

Avec l'oeil. L'oeil-burin. L'oeil-ciseau ( je songe bien sûr au ciseau du sculpteur).
Cet oeil qui interroge, fouille, force, palpe, dévore-puis ne retient que la quintessence de ce qu'il a absorbé.
Cet oeil qui s'emploie à sonder l'invisible, et qui, armé de sa vision, entreprend de l'inscrire ans la pierre du langage. une pierre pourrie, qui s'effrite, at qui pourtant, à considérer la résistance qu'elle m'oppose, semble être d'une dureté de granit.
Mais l'oeil ne saurait sculpter sans qu'interviennent la voix et l'oreille. (Ne seraient-ils ps tous trois un seul et même organe?) Ecrire, pour moi, c'est tenter de restituer ce que je sens, ce que je vois, ce que j'écoute. Le plus souvent, c'est donc m'apliquer à capter cette voix qui cherche à se faire entendre. et puisqu'il y a voix, il y a rythme.
Ecrire, c'est aussi me soumettre à un rythme. Un rythme dont les exigences sont absolument impérieuses.
En conséquence, et à l'inverse de ce que vous écrivez, je pense que l'oeil entend parfaitement ce que scande la voix qui sourd du sac des sons. Et j'aimerais conclure en affirmant qu'oeil et oreille travaillent la main dans la main." 
Charles Juliet extrait de: Accueils" 


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                                  LE GARAGE




                            

 
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