jeudi 7 décembre 2017

le poème qui refuse de sortir de ma vie







  Sapho-"La page est claire" "La mort tenaille le mot juste"
 "Les mains fertiles" Editions Bruno Doucey









"Les pensées déposées sur le papier ne sont rien de plus que la trace d'un piéton sur le sable.
On voit bien la route qu'il a prise mais, pour savoir ce qu'il a vu sur la route, on doit se servir de ses propres yeux."
Arthur Schopenhauer


 "J'allais écrire dans l'ombre toute ma poésie
mais avec de l'encre noire, c'était préférable.
Car je ne voulais pas trahir mon ombre.
Sinon, elle allait me réduire toute l'énergie.
Je trempais ma pluie devant ma bougie...
Celle-ci me rappelait notre voyage ensoleillé
de couple...si amoureux, le désert de sable.
Cette forme du feu le danseur me dégelait.
Ma plume ne tenait pas longtemps de l'encre
pour tracer ma poésie sur ma feuille incolore.
Je la trempai à nouveau et j'oubliais la lumière
je fis tomber le pot d'encre et...ma longue bougie!
L'encre, l'encre, l'encre...tout fit perdre l'ancre noire
pour chavirer la lumière dans la mer de la nuit!
Le bateau de mon coeur se perdit dans l'ombre...
L'encre noire envahit...le jour, les étoiles, même la nuit!
Mes mains furent crispées et tout à coup vieillies...
Commères, elles racontèrent toute cette histoire noire...
Même mes yeux sombrèrent...dans tout l'espace noir.
L'arbre massif fana avec ses branches sèches et noires...
Les douces herbes nous étaient chères, sèches et noires...
La rivière éblouissante de la couleur...plus douce et noire.
.../..."
Mathilde Chabbey extrait de "l'encre noire" 
"Les mains fertiles -50 poètes en langue des signes- Editions Bruno Doucey




"Trois nuits, et je ne parviens toujours pas à écrire le poème.
Il ne marche pas.
Je mets le mot "explosion", et il n'est d'aucune utilité pour lui donner l'impulsion.
Je le trouve sans force, alors que j'y ai mis tout mon suc.
je l'ai fabriqué selon des critères exacts, j'y ai mobilisé toute mon expérience, et il ne marche pas.
Tous les soirs j'entends ses roues patiner sur les rails, et le matin je trouve une ferraille froide.

Ma capacité de jugement aurait-elle faibli comme ma vue a baissé?
ou bien est-ce mon désir de mettre ma densité en ce lieu?
De trouver un moteur unique à toutes les choses qui s'envolent dans mon esprit?
J'ai mis beaucoup de poésie, beaucoup de coeur dans le poème, et il est devenu bancal.

Le poème s'arrête et je reste sur son dos, attendant qu'il manoeuvre vers l'arrière.
Je tourne avec ma lampe et mon manteau, et je dis c'est moi le conducteur, je peux le faire reculer.
J'y ai mis mon âme et mes grands os, il sera mon chargement.
S'il regimbe, c'est parce qu'il est assiégé dans mon corps.
J'y ai mis beaucoup de poésie, beaucoup de coeur.
Je l'ai alourdi de moi-même, et il eût mieux valu pour moi que je le vole, il eût mieux valu pour moi être un voleur et non un juge.
Le poème ne bouge pas, parce que j'y ai visé directement la vérité.
Il eût été plus convenable de faire d'abord un tour au Lunapark, de jouer sur les numéros rouges et verts, avant de trouver une longue ligne de décombres à côté de moi.
Le poème suspendu à mes vertèbres, le poème qui refuse de sortir de ma vie."
Abbas Beydoun "Pöème bancal"





mardi 5 décembre 2017

du dehors à l'intérieur



Je dois l'avouer sans trop me vanter
j'ai une certaine célébrité
dans mon entre-soir.
Le lundi 
(Sainte lessive)
alors que je balayais quelques coquilles vides
larguées sans vergogne 
et à tire d'aile,
je pris conscience que j'étais surveillé
par les nuages
ou plutôt ce qui se cachait derrière.
Croyez pas que je fasse une subite fièvre mystique
Je sais bien, c'est arrivé à d'autres
qui pour la peine firent construire des parcs d'attraction dédiés à leurs illuminations.
...
Non merci.
il s'agissait d'autre chose
comme si 
en flânant dans mes 0,002 ha
je risquais de déranger la suite de l'histoire
au point d'être observé
par je ne sais qui
couvert par son fond de teint.

Doré-navrant
 Il fallait que je devienne prudent










"Soûle, soûle, soûle
J'ai sous le capot
Des chevaux qui s'emballent,
Des rêves d'Amérique
Soûle, soûle, soûle,
J'ai sous le coude
Un remède à mon mal,
Aux courants de panique
Décor planté
Deux corps planqués
Là sous mon oreiller
Leurs soupirs reviennent me hanter
Hanter, hanter, hanter et rire
Soûle, soûle, soûle
J'ai sous le voile
Un double diabolique,
Un visage étranger
Soûle, soûle, soûle
J'ai sous l'évier
De la prose en opale,
Des rêveries nacrées,
Des rêves nécrosés,
Des envie tyranniques
J'ai des idées bancales,
Des élans pacifiques,
Des océans, des océans,
Des rêves olé olé
Des amours angéliques, auréolées,
Couronnées d'arsenic
Désarçonnées
Soûle, soûle, soûle
J'ai sous le manteau
Des combines en pagaille,
Au plafond l'araignée
Foule, foule, foule
Les plaines infernales
Que je foule en ermite
Regorgent de dangers,
De cabanes de paille,
De cavales héroïques
Sous le regard oblique,
Doucement dérangé
Fuyant, fuyant, fuyant le trac
Des rêves osés, osés
Des amours angéliques, auréolées,
Couronnées d'arsenic
Désarçonnées."

Maissiat "Soûle"






"Et mon visage encore est dans le vent. Avec l’avide de sa flamme, avec le rouge de son vin !… Qu’on se lève avec nous aux forceries du vent ! Qu’on nous donne, ô vivants ! la plénitude de notre dû… / Je t’interroge, plénitude ! — Et c’est un tel mutisme…"

 Saint-John Perse


Un mardi 
et galets
à lui-m'aime.
Des rondeurs pour pacifier les angles
morts.
Jeu de construction évolutif
en fonction des capacités
et de l'heure de la marée.

Prendre en main les choses
qui nous échappent,
page vingt-quatre.






Ici et maintenant
retrouver cette odeur du dehors
ce parfum
qu'on relie à avant
alors
qu'il a toujours été là
à ce moment
ou presque
mais 
dans un coin de l'oubli.
l'odeur fait ressurgir
des images
et plus encore
l'émotion de l'intérieur
...
du dehors à l'intérieur.






photos: Camille/Mireille
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...