mercredi 1 mars 2023

j'en ai besoin

 


   "Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
    d'un ami qui me comprend
                                                   c'est Robocop
  il ne marche pas très vite on dirait
                                          un escargot indestructible imputrescible
  un escargot luisant comme le firmament
   avec un morceau de peau de visage de tête d'homme
                                                                 tapissé sur le devant
On passe des jours entiers à rien foutre lui et moi
au bord du canal
en buvant des canettes
de bière brune au caramel
                                         Il me dit qu'il aime bien les canards
ça lui rappelle quand il était humain
il me dit souvent comme ça
"les canards c'est comme quand j'étais humain"
                      et lorsque ses circuits surchauffent
                                                                 un peu
lorsque ses piles se glacent
que ça lui remonte au ciboulot
parce que les souvenirs de canards et les idées tièdes de pain au raisin et les douches brûlantes
                                                                                         que ça lui martèle le cortex
souvent il active son turbo jet
et s'envole dans les airs suaves
et je ne sais pas trop où il se casse où il prend le large
                                                                    la tangente
                        en solo sans se retourner
j'imagine qu'il veut juste planer un peu
se vidanger dans les nuages
mater ce que font les humains les gens
                                                chez eux
et gribouiller des ACAB
dans le ciel bleu
avec son carburant."
Anaël Castelein  extrait de: "Poèmes tristes pas mauvais et poèmes joyeux presque bons" Editions Vanloo
 

 

"Je n'ai pas envie de solitude, j'en ai besoin."
 Roland Barthes

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  Illustration Tanri Cocuk pour Kedistan

Mon dieu est un enfant

- bonjour, quel est ton nom ?
— appelles-moi “vie” ou “ami”…
— quel est ton pays ?
— la Terre, la Nature, l’Univers…
— me dirais-tu ton âge ?
— insectes, bébêtes sont mes pairs…
— quel est ton métier, ton savoir faire ?
— je suis un peu sable, un peu oiseau…
— comment vis-tu ?
— lorsque je vois un hérisson
ah, pouvoir sourire
c’est ça la richesse
s’élever à la vie
— as-tu beaucoup de dettes, d’arriérés
— je me suis endetté auprès d’un écureuil
— que lui dois-tu ?
— j’ai envié sa vie…
— combien d’heures dors-tu ?
— moi, je ne sais pas, c’est mon chat qui le sait…
— où sont tes amis, tes proches ?
— toujours autour de moi, tout près…
— m’en citerais-tu quelques uns ?
— les chevaux, les ruisseaux et le ciel…
— est-ce pour nous cette pierre ?
— tant qu’on la serre sur la poitrine…
— comment t’entends-tu avec l’humain?
— désolé, pas très bien…
— que t’a‑t-il fait l’humain ?
— ce qu’il a fait à ce lac…
— il n’y a pas de lac ici
— ici, il y avait un lac
ce qu’il en reste derrière
sur mon petit doigt
une fraîcheur mouillée…
— mais tu es humain, toi aussi
— je suis vie, pas humain…
— tes mains, ton visage, ton corps ?
— pas supérieurs à la rivière…
— si tu me décrivais la paix ?
— larme dans l’œil de la lune…
— pourquoi la lune pleure-t-elle ?
— pour l’ambition, la vanité et la persécution…
— chantes-tu parfois ?
— dans la langue du vent…
— n’as-tu jamais été humain?
— de temps à autre selon mon gré…
— racontes-moi ton enfance,
as tu élevé des poussins ?
— élever ? Comme c’est honteux…
la raison de ma sérénité 
c’est le partager avec les animaux
ce monde de trois jours…
— de qu’elle religion serais-tu ?
— les roseaux n’ont pas de religion…
— ne pries-tu même pas ?
— mon dieu est un enfant…

— où est cet enfant maintenant?
— dans le rêve d’un chat…
— que fait-il là bas ?
— il rêve
de l’amour et de la liberté
il murmure doucement
“un autre monde est possible”

Ergür Altan source: KEDISTAN
 
 
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"Sécheresse, pesticides, sexisme...les cinq défis de l'agriculture française"
    à lire chez REPORTERRE



vendredi 24 février 2023

d'ailleurs elle n'est pas là

 

 "Nous voulons juger de nous, nous en sommes trop près;
 nous voulons juger des autres, nous en sommes trop loin.
Qui serait entre la Lune et la terre, ce serait la vraie place pour les bien voir.
Il faudrait simplement être spectateur du monde et non pas habitant.
[...]
si d'ailleurs nous habitions la Lune, nous imaginerions-nous bien qu'il y eût ici-bas cette espèce
bizarre de créatures qu'on appelle le genre humain?
Pourrions-nous bien nous figurer quelque chose qui eût des passions si folles, et des réflexions si sages;
une durée si courte, et des vues si longues, tant de science sur des choses presqu'inutiles et tant
d'ignorance sur les plus importantes; tant d'ardeur pour la liberté, et tant d'inclinaison à la servitude; une si forte envie d'être heureux et une si grande incapacité de l'être?
Il faudrait que les gens de la Lune aient bien de l'esprit, s'ils devinaient tout cela.
Nous nous voyons incessamment nous-mêmes,
et nous en sommes encore à deviner comment nous sommes faits.
.../..."
Bernard de Bovier de Fontenelle extrait de:" Entretien sur la pluralité des mondes-Second soir que la Lune est une Terre habitée."
 
 "Ne nous flattons pas d'assimiler les moeurs, les rêves, les actions des autres, mais au contraire réjouissons-nous de ne le pouvoir jamais, nous réservant ainsi la perdurabilité du plaisir de sentir le Divers."
Victor Segalen extrait de: "Notes sur l'exotisme"





"Celui qui habite une tour est un touriste."
Erik Satie
 

 "Dans le bus, un sexagénaire à l'allure classique se tourne vers sa fille et lui demande d'une voix innocente: "Dis-moi, ma chérie, ça veut dire quoi "chemsex"?
Silence dans les rangs, la fille rougit, on la sent très embarrassée. Le père attend...
Et la voilà contrainte, sous le regard ahuri des passagers de se lancer dans une explication pas simple sur la sexualité sous drogue, tandis que son paternel revient à la charge pour savoir ce qu'elle entend par "plug anal" et "GHB".
A ce moment, il devient évident que quelque chose s'est produit entre une information de départ, l'histoire d'un homme qui percute une voiture et plonge ses occupants-femme, homme, enfant- dans le drame, et ce qu'il en reste à l'arrivée: des avis nauséabonds sur l'homosexualité, des débats sur l'âme de foetus, des témoignages de gens qui ne connaissent ni la famille ni le conducteur, mais qui ont tous quelque chose à dire sur l'état psychologique des uns et des autres. Un véritable cas d'école qui pourrait illustrer, à lui seul, ce que devient le journalisme quand il court après les réseaux sociaux.
Et chacun de partir dans une chasse au témoin le plus spectaculaire, celui qui certes, n'aurait rien vu mais saurait tout.
Et hop! un expert à la spécialité floue qui affirme: je connais le conducteur, j'ai mangé un pot-au-feu avec lui et je le sentais sur le fil." Une autre qui dit: "Il s'est adonné à des orgies sous coke, c'est surement lié à son enfance." Un autre encore qui se définit comme "ex", tout en précisant n'avoir eu qu'une liaison dont la brièveté confine à la non-existence, confie: "Je ne veux pas dire de mal, mais c'est vrai qu'avant lui je n'avais jamais pris de drogue."
Tout ça a-t-il un rapport avec l'accident? Absolument pas, mais ça n'a visiblement aucune importance."
Tania de Montaigne " Franc Tireur" n°67



 
"Nous rêvons la terre que nous n'habitons pas."
Roberto Veracini

 

 

 
« .../...D’ailleurs, elle n’est pas là
Mais dans la tête d’un fou
Qui s’prend pour un hibou
À regarder la nuit
Habillée de souris
Comme sa bonne amie
La Poésie .../... »
Léo Ferré
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