lundi 9 mai 2016

une bonne fugue


".../...
Si on doit résumer la situation, tu lis toute la journée et à part ça, rien ne t'intéresse et tu ne mets plus les pieds à l'école...
-C'est exactement ça , docteur.
-Madame, c'est à votre beau-fils que je pose la question.
Qu'est-ce que tu peux me dire, Dennis?
-Euh...J'adore lire et ça l'enrogne, mon père.
-Tu penses que tu pourrais passer combien de jours sans lire et sans te sentir en manque?
-Ch'pourrais pas t'nir un jour."
Le belle-mère de Dennis a poussé un cri, précipitant ses mains couvertes de bagues sur ses lèvres qu'un docteur de la même clinique avait copieusement regonflées un mois plus tôt.
"C'est incompréhensible, docteur! Y a pas un livre à la maison! J'vous jure sur la vie de Rusty! Pas un livre!
On est des gens réels, nous! On r"garde la télévision! On fait des beignets de maïs! On fait du sport! J'ai fait trente-troisième au semi-marathon du désert de Tahoneck! Mais ç'gamin...c'est impossible de lui faire prendre un bout d'muscle! Ys'fiche de son corps! Y's fiche même de plaire aux filles. Alors qu'son père a été sacré Mister Saleens en première année d'fac!
 On a les pieds sur terre, nous! Dick est dans l'maïs! Il est même tout en haut d'l'échelle du maïs! Dennis a que des bons exemples sous les yeux! On est d'bons chrétiens et quand Dennis était p'tit j'l'emmenais à l'église et il adorait ça! Mais l'autre jour, y m'a dit que Dieu et l'maïs ça lui donnait la diarrhée."
Marilyn s'est pincé les lèvres pour ne pas pleurer;
"Son père et moi, on a très peur que ça s'termine mal...Si on fait rien, y va finir en prison ou y va finir homosexuel, mais en tout cas y va mal finir! Faut qu'il arrive à décrocher, docteur.
Faut plus qu'y touche à ça. Plus un sul livre...C'est une question de vie ou d'mort pour notre famille."

Le docteur s'est pincé les lèvres, exactement comme Marilyn l'avait fait.
"Est-ce que vous pourrez nous attendre à l'extérieur, madame Mahoney? Je vais avoir une conversation avec Dennis;
-Merci du fond du coeur, docteur! Je vous paierai le prix qu'il faudra...Vous m'avez bien entendue."

Marilyn a claqué la porte et son parfum saoulant de muguet a fait éternuer le psychiatre qui est parti dans un fou rire aigu, le front cramoisi. Dennis ne voyait plus qu'une masse vibrante de cheveux noirs dépasser de la table derrière laquelle le docteur était, au sens propre, plié en deux, le nez écrasé contre le velours côtelé de son pantalon; A chaque fois qu'il se calmait et s'apprêtait à dire quelque chose, le fou rire lui retombait dessus.
 "Droguez-vous,  jeune homme! Droguez-vous!" 
Il a montré d'un geste désabusé la vue par la fenêtre. "Qu'est-ce qu'on peut faire d'autre, de toute façon?
-Y'a drogue et drogue quand même...
-Ah non, mon p'tit Y a qu'une seule drogue!
-Pour la santé, j'veux dire...
-C'est pour les emmerdeurs, la santé! Faut vivre, Dennis! Mais dans un sens, t'as raison...
Y a drogue et drogue...C'est la lecture qu'à les plus beaux effets secondaires...Alors lève la main droite et jure-moi d'continuer à t'droguer.
-Je l''jure."
Le psychiatre a retrouvé son sérieux et a avoué à Dennis que malheureusement, les parents étaient une variété inconsistante.
"C'est comme les abricots. Parfois on tombe bien, parfois c'est déguelasse."
Il a conseillé à Dennis de n'écouter que son coeur, et de prendre le large dès qu'il en aurait l'occasion.
Sur l'ordonnance, il n'a écrit que trois mots: "une bonne fugue".
.../..."
Emilie de Turckheim
 extrait de"Popcorn Melody"

 
                                        ...........................///////////////////////22/29/35/44/56........

 

Jeudi 19 mai c'est la Saint-Yves
Crénom
prénom pour fêter la Bretagne
et ses bretons
de toutes les manières 
et cent façons.

LE SITE qui va AVEC


samedi 7 mai 2016

envisager



.../...
Lecteur d'abord, on l'aborde comme un monde nouveau en quittant le sien.
A son fauteuil, sur sa chaise, sur son lit, à son bureau, celui qui lit n'est pas là.
Le lecteur est, tout entier par là.
Il est dans son livre comme on est dans une île.
Il est là-bas. Et ceux qui le regardent lire, le voient comme on regarde l'île, du continent.
Le continent c'est ce qui contient tout, qui est tout, sauf ce qu'il y a dans le livre et ce qui se passe entre le livre et le lecteur.
Le continent c'est aussi bien ce train avec des enfants qui jouent, ce contrôleur qui passe, un voyageur qui tente de rester debout en revenant du wagon-bar avec son gobelet de café à la main, cette dame bouche ouverte que le sommeil abandonne à la rame qui ronronne;
que cet avion d'hôtesses et de plateaux repas, d'écrans minis pour un film programmé, de messieurs qui prennent un autre whisky, de va-et-vient vers le placard aux commodités, de nuages aux hublots;
que ce salon où la télé éteinte n'oblige plus au programme et aux informations, enfin voilà, tout ça.
Tout ça est le continent.
A chaque lecteur absorbé par son ouvrage, le reste, tout l'entourage, voilà le continent.
Le continent qui contient tout, sauf lui, le lecteur.
Le lecteur est ailleurs, au loin, là-bas, dans le livre.
 Le lecteur est le séparé, le coupé, le retiré, le loin.
On lit dans ses yeux, le lecteur est ailleurs.
Ce serait d'ailleurs un beau sujet de photographie, que de prendre en gros plan des visages de lecteurs. Juste les visages. Des visages ailleurs.
Des visages pas là,
 Pas là dans ce train, cet avion ou ce salon.
Des visages loin. Des visages de loin, d'un loin, là-bas, ailleurs;
.../..."
Henry le Bal-"l'Ile ultime"


                                                photo source Toile




"J'ai l'impression d'être un imbécile a qui on offre des vérités qui ne sont pas les miennes."

"Les quelques pas que l'on fait après avoir croisé un sourire sont plus aériens" 



Richard Borhinger chez Trapenard sur Inter




"Etre résistant en temps de paix, pour ne jamais être un ancien combattant."
Gérard Gautier



sur proposition de Brigitte:



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"Quand les écrivains redécouvrent le monde."

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