vendredi 11 janvier 2008

dans mon fort intérieur





























"ah! ben dame" me dis-je, dans mon fort intérieur! j'aime beaucoup les expressions comme celle-là : "mon fort intérieur" on imagine tout de suite le truc, genre quartier de haute sécurité, avec miradors, chiens chiens au regard profond et intelligent (comme ceux qui lâchent des bouses devant la maison mais là ce sont leurs maîtres qui ont le regard profond et intelligent...) et super-gardiens croisés bovidés et habillés au dernier chic kaki. Mais forcément je plaisante, "dans mon fort intérieur" y'a rien de tout ça, et c'est même pas fermé à clé en plus, pas besoin, vu que je suis le seul (et encore pas toujours) à comprendre ce qui s'y joue- mais comme j'ai vu la pièce un paquet de fois, au bout d'un moment on finit par piger la "subtilité" de l'histoire- "Dans mon fort intérieur" y'a une ptite brise style alizés des caraïbes, pas un vent qui décoiffe non, juste un léger souffle pour ne pas trop sentir le renfermé ou la classe d'ados à la fin des cours (ah je vois qu'il y a des connaisseurs ) Dans mon fort intérieur il y a aussi une immense bibliothèque en bois massif, qui contient tous les bouquins que j'ai pu lire depuis que je suis en âge... de lire certes, mais aussi de fréquenter tout seul la bibliothèque-paroissiale au début et au choix forcément limité... j'aimais bien la collection" signe de piste" et puis municipale dès que j'ai pu m'affranchir des obligations pastorales...et là forcément on découvre bien vite tout seul comme un grand, les auteurs qu'on ne doit pas lire... et ça vous change drôlement des quelques ringards très à droite (voir plus...) et au style ampoulé que les frères de ploermel nous imposaient du haut de leurs certitudes bénites et crasses dans les classes de collège de l'école saint louis- version années 70- je me souviens d'un en particulier, repérable alors à sa fleur de lys qu'il portait fièrement à la boutonnière, lui son truc c'était radio vatican et aussi les émissions en français de radio madrid, j'vous parle de cela bien sur à l'époque de franco -c'est dire la délicatesse du personnage- mais revenons bien vite à "mon fort intérieur" où il n'y a plus de haine depuis longtemps, ni pitié non plus; des colères sans doutes pour ne pas m'endormir, et une certaine propension à la révolte pour ne pas finir conserve en tête de gondole. Et puis il ya aussi de la musique et des mots en pagaille et dans tous les sens comme dans le scrable mais ce ne sont pas forcément les plus compliqués qui comptent le plus. Dans mon fort intérieur j'y ai rangé tous les rêves en couleur, les sourires croisés, les parfums d'inconnu, les idées généreuses qui poussaient près du feu, les repas solidaires et leurs bouteilles à s'en mettre plein de bulles dans la tête..."Dans mon fort intérieur" on trouve aussi en cherchant un peu, un jardin des souvenirs, sans croix, ni indices particuliers, non juste une grande prairie au printemps avec ses coquelicots et autres fleurs des champs, on peut s'y allonger et regarder les nuages ou les étoiles selon les humeurs et la température; "dans mon fort intérieur" il ya aussi des doutes que je trimballe depuis que j'en ai -presque- fini avec les croyances du prêt à porter; ils me tiennent les yeux ouverts et la mémoire fertile pour ne pas oublier que l'essentiel est toujours ailleurs et surtout jamais à la place toute désignée par les penseurs pour les autres, les arrangeurs du grand bazard planétaire et autres donneurs de leçons collectives. "Dans mon fort intérieur", je suis seul à me tromper, à rêver, à sentir, à me faire du cinéma, à connaitre la musique, je suis "l'unique et sa propriété" je suis perdu et rassuré, minuscule et géant, si proche de la terre et des vagues qui m'emporteront un jour dans leur étreinte conjuguée, j'en serais ptêt coquillage ou crustacé, comme une rengaine pour l'été que fredonnent des enfants amoureux qui s'essayent à l'éternité. "Dans mon fort intérieur" rien n'est vraiment sérieux et le rire fait pirouette, les peurs apprivoisées, jusqu'à la prochaine marée.

mardi 8 janvier 2008

complètement jetée
























































- Henri Michaux, "La Jetée"










"Depuis un mois que j’habitais Honfleur, je n’avais pas encore vu la mer, car le médecin me faisait garder la chambre. Mais hier soir, lassé d’un tel isolement, je construisis, profitant du brouillard, une jetée jusqu’à la mer. Puis, tout au bout, laissant pendre mes jambes, je regardais la mer, sous moi, qui respirait profondément. Un murmure vint de droite. C’était un homme assis comme moi, les jambes ballantes, et qui regardait la mer. "A présent, dit-il, que je suis vieux, je vais en retirer tout ce que j’y ai mis depuis des années." Il se mit à tirer en se servant de poulies. Et il sortit des richesses en abondance. Il en tirait des capitaines d’autres âges en grand uniforme, des caisses cloutées de toutes sortes de choses précieuses et des femmes habillées richement mais comme elles ne s’habillent plus. Et chaque être ou chaque chose qu’il amenait à la surface, il le regardait attentivement avec grand espoir, puis sans mot dire, tandis que son regard s’éteignait, il poussait ça derrière lui. Nous remplîmes ainsi toute l’estacade. Ce qu’il y avait, je ne m’en souviens pas au juste, car je n’ai pas de mémoire mais visiblement ce n’était pas satisfaisant, quelque chose en tout était perdu, qu’il espérait retrouver et qui s’était fané. Alors, il se mit à rejeter tout à la mer. Un long ruban ce qui tomba et qui, vous mouillant, vous glaçait. Un dernier débris qu’il poussait l’entraîna lui-même. Quant à moi, grelottant de fièvre, comment je pus regagner mon lit, je me le demande."


















arthur rimbaud

"Les chars d'argent et de cuivre. Les proues d'acier et d'argent battent l'écume, soulèvent les souches des ronces. Les courants de la lande, et les ornières immenses du reflux, filent circulairement vers l'est, vers les piliers de la forêt, vers les fûts de la jetée, dont l'angle est heurté par des tourbillons de lumière."
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