mercredi 2 octobre 2013

quelque part






"Un homme, quoi que légèrement égaré, erre, la tête nue, vers ce qui lui nuit (à la manière d’un éphémère), en pensant le moins possible. Quand bien même il pense peu, il se sent assailli, ne serait-ce que par les agitations automatiques, palpitations nocturnes de la ville qu’il aime tant, croyant la haïr ; l’aimant, malgré ses faiblesses inhérentes, et pensant, énormément, malgré les silences intérieurs qu’il s’inflige. C’est par automatisme qu’il s’agite dans la nuit et qu’il passe ; les autochtones qui le regardent ne voient guère autre autre chose en lui qu’un passant comme il y en a tant d’autres. Les uns, bruyants, cherchent par on ne sait quelles techniques habilement maîtrisées, à multiplier les bruits qu’ils génèrent. D’autres, comme lui, ont rendu les armes devant la stérilité du combat. Des luttes de cloportes, se dit-il, tandis qu’il patiente et observe, avec mélancolie, le signal lumineux construit et pensé pour les piétons comme lui, qui attendent leur tour avant de franchir les passages cloutés. C’est une zone libre, pense t-il, avant de vérifier que son téléphone portable était toujours correctement positionné dans sa poche gauche. La principale utilité des objets est de nous rassurer, se dit-il. C’est pourquoi leur absence nous inquiète. C’est pourquoi je vérifie. Des réflexions vaines et sans fondements émergeaient là où il avait juré de taire ses pensées. Il sentait bien une inquiétude, mais n’ayant jamais pu mettre le doigt sur la cause primitive de ses anxiétés , il avait laissé tomber. Il s’était mis à se laisser vivre et, de fait, commençait à aimer ces objets, lesquels, de façon lancinante le rapprochaient d’une petite mort lente, silencieuse et désuète. À la lumière des réverbères, les murs anciens prenaient une teinte orange qu’ils ne possédaient pas le jour. Ils auraient pu être verts, ou bleus, ou de couleurs variées, mais il fallu qu’ils soient tous oranges. Dans son esprit, la nuit désormais ne pouvait prendre une autre teinte que l’orange et la mélancolie suivait le pas de ses rêveries, multiples et non dénuées de profondeur. Une marée montante de petites douleurs insignifiantes mais en grand nombres se hissaient jusqu’en haut du mur qu’il s’était jurer de défendre, de garder sain, sans colères ni réflexions inappropriées. Il ne pouvait se taire au-dedans. Il ne pouvait plus parler non plus, n’ayant plus personne à l’écoute. Il sentait bien pourtant que la clef de son bonheur résidait dans le silence."
-François Corvol-

entrée en Décadences


 

"Serions-nous voués à rebondir de parabole en parabole, acteurs sans paroles ou locuteurs sans lieu, pendant qu'alentour se déchaîne "la mer immobile des inattendus" ?
-Edouard Glissant-


"Changer nos imaginaires, changer nos suffocations en souffles, souffler dans les Isthmes et les Grands Passages."
-Edouard Glissant-



" Tout-Monde :
La totalité  réalisée des données connues et inconnues de nos univers,
le sentiment qu'elles nous occupent infiniment,
comme sur un plateau de théâtre que nos postures se partagent et où nous grandissons
sans limites.
La certitude aussi que la plus infime de ces composantes nous est
irremplaçable.
Nous mettons en scène celles de ces offrandes du monde qui,
proches de nous,
pourtant nous emportent au vrac des horizons.
Elles créent des différences consenties,
et le plateau de ce théâtre touche à la mer sans fin."
-Edouard Glissant- "La cohée du Lamentin"- Poétique V -Editions Gallimard-




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