"Lors de la conférence de rentrée de la FNSEA, le syndicat majoritaire du monde agricole est revenu sur les problèmes auxquels font face les agriculteurs - que le modèle productiviste défendu par la fédération contribue à renforcer.
On n’est jamais déçu avec la FNSEA. Jeudi 31 août, le syndicat agricole, majoritaire dans la profession, tenait sa conférence de presse de rentrée. Au programme : l’état des lieux de la « ferme France », selon l’expression d’Hervé Lapie, secrétaire général du syndicat, polyculteur et producteur de porcs dans la Marne. Pour résumer le propos, on peut dire que la récolte 2023 est « beaucoup plus en tension » qu’en 2022, mais pas si pire que ça non plus.
Mais, comme il est de bon ton de gémir pour mieux se faire entendre des pouvoirs publics, Hervé Lapie a rapidement entamé la litanie des difficultés du monde agricole : aléas climatiques – le Nord qui s’est pris trop de pluie, le Sud qui meurt de soif –, tensions sur les prix, charges des exploitations agricoles qui explosent… Des problèmes bien réels pour le monde paysan dans son ensemble, et que le modèle productiviste, horizon indépassable de la FNSEA, renforce au lieu de régler.
Mais, pour Hervé Lapie, les coupables sont ailleurs : les menaces sur les agriculteurs et l’horrible « convoi de l’eau », qui a pourri l’été des agro-industriels malheureux de ne pas pouvoir irriguer en paix, voilà le danger. Heureusement, le grand « syndicat républicain » qu’est selon lui la FNSEA a su gérer au mieux la manifestation des activistes de l’eau grâce à « la capacité [du syndicat] à maintenir [ses] troupes ». Manière de dire que s’il n’avait pas contenu les velléités de certains agro-industriels, l’été aurait pu être marqué par de violentes confrontations entre militants écolos alertant sur les canicules récurrentes et professionnels du siphonnage des nappes phréatiques.
Le loup, coupable facile
Après le constat est venue l’heure de la vision politique. À la modeste tribune, devant deux kakemonos clamant fièrement « Ma nature, mon futur, l’agriculture », Arnaud Rousseau, le tout nouveau président de la FNSEA, prend la parole. L’homme a l’allure d’un chef d’entreprise. Ce qu’il est, d’ailleurs. Diplômé d’une école de commerce, producteur d’oléagineux, maire du village de Trocy-en-Multien, en Seine-et-Marne, où il exploite près de 700 ha de culture1, Arnaud Rousseau creuse le même sillon que Xavier Beulin, l’un de ses prédécesseurs.
Comme lui, il est aussi à la tête du puissant groupe agro-industriel Avril. Autant dire que lorsque Arnaud Rousseau prend la parole, ce n’est pas pour parler des abeilles ou des lombrics qui disparaissent. Compétitivité, souveraineté alimentaire, refus des taxes supplémentaires pour les agriculteurs et lobbying politique forment le corpus de sa pensée. Entre deux données chiffrées sur le « déclin de l’agriculture », « le besoin du volontarisme de l’État », « l’importation de 55 % de la viande ovine en France », il s’énerve subitement contre le loup, coupable tout trouvé des malheurs des éleveurs.
De même, quand il discourt sur la santé et le renforcement des sols, c’est pour vanter les vertus des herbicides pour la terre qui, « selon tous les spécialistes, a besoin d’un litre et demi de glyphosate par an ». Bref, fidèle à elle-même, la FNSEA. Dans son grand numéro de lobbying aussi. Au programme : un rendez-vous dans la foulée avec la nouvelle secrétaire d’État à la Biodiversité pour discuter du « sujet loup » puis, le 7 septembre, avec le président de la République en personne pour que la France porte, devant l’Union européenne, la nécessité de la réhomologation du glyphosate. Qui veut parier sur les prochaines grandes lignes de la politique agricole française ?
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