mercredi 6 septembre 2023

la roue tourne

" Justement parce qu'il détruit la vieille trinité État-nation-territoire, le réfugié, cette figure apparemment marginale, mérite d'être considéré, au contraire, comme la figure centrale de notre histoire politique. Il ne faut pas oublier que les premiers camps furent construits en Europe comme les espaces de contrôle pour les réfugiés et que la succession camp d'internement/camp de concentration/camp d'extermination représente une filiation parfaitement réelle.
(...) La survivance politique des hommes n'est pensable que sur une terre où les espaces auront été ainsi "troués" et topologiquement déformés, et où le citoyen aura su reconnaitre le réfugié qu'il est lui-même."
Giorgio Agamben 
 

" Il faut choisir de faire une société inégale avec des hommes égaux ou une société égale avec des hommes inégaux. Qui a quelque goût pour l’égalité ne devrait pas hésiter : les individus sont des êtres réels et la société une fiction. C’est pour des êtres réels que l’égalité a du prix, non pour une fiction. Il suffirait d’apprendre à être des hommes égaux dans une société inégale. C’est ce que veut dire s’émanciper. "
Jacques Rancière


T'es beau comme un vélo jaune
et si tu t'appelles bicyclette
alors, t'es belle
comme la roue qui tourne.


"Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s'annonce comme une immense accumulation de spectacles. Tout ce qui était directement vécu s'est éloigné dans une représentation"
Guy Debord


"Comme dans un film américain
Elle est descendue à 9 heures
De sa voiture décapotable
Elle a dîné d'un hamburger
Et d'un ice-cream jambon-banane
Comme dans un film américain
Je me suis allumé du cigare
J'ai travaillé sous mon chapeau
En me disant mon vieil Edgar
Cette nana tu l'as dans la peau
Comme dans un film américain
Comme dans un film américain

Comme dans un film américain
Dans son rocking-chair Ségalot
Elle a pris un cocktail indien
En croisant les jambes si haut
Qu'on lui voyait le bout des seins
Comme dans un film américain
Je m'approchai d'elle à pas de loup
Je lui dis baby I love you
Elle m'a répondu :
Mais moi j't'emmerde
Tout comme dans un film français."
Hubert-Félix Thiéfaine-"Court-métrage" 



 Possédants en espérance
 
 
Les porte-paroles sont fatigués
La voix enrouée.
On ne les entend plus,
ou à peine
derrière les mobiles du vent.
 
Les rideaux bougent à peine
 

 

"Le nihilisme fait le jeu des barbares. Mais il y a deux types de barbarie, qu'il importe de ne pas confondre: l'une irréligieuse, n'est qu'un nihilisme généralisé ou triomphant; l'autre, fanatisée, prétend imposée sa foi par la force.
Le nihilisme mène à la première, et laisse le champ libre à la seconde."
La barbarie nihiliste est  sans programme, sans projet, sans idéologie. Elle n'en a pas besoin. Ceux-là ne croient en rien: Ils ne connaissent que la violence, l'égoïsme, le mépris, la haine. Ils sont prisonniers de leur pulsions, de leur bêtise, de leur inculture. Esclaves de ce qu'ils prennent pour leur liberté. Ceux-là sont barbares par défaut de foi ou de fidélité: ce sont les spadassins du néant.
La barbarie des fanatiques a une autre allure. ils ne manquent pas de foi, bien au contraire!
Ils sont plein de certitudes, d'enthousiasme, de dogmatisme: ils prennent leur foi pour un savoir. Ils sont prêts, pour elle, à mourir et à tuer. Ils ne doutent pas. Ils n'hésitent pas. Ils connaissent leVrai et le Bien. Qu'ont-ils besoin de sciences?  qu'ont-ils besoin de démocratie?
Tout est écrit dans le Livre. Il n'y a qu'à croire et obéir. Entre Darwin et la Genèse, entre les droits de l'homme et la charia, entre les droits des peuples et la Thorah, ils ont choisi leur camp, une fois pour toutes. Ils sont du côté de Dieu. Comment pourraient-ils avoir tort? Pourquoi devraient-ils croire en autre chose, se soumettre à autre chose? Fondamentalisme. Obscurantisme. Terrorisme. Ils veulent faire l'ange; ils font la bête et le tyran. Ils se prennent pour les Chevaliers de l'Apocalypse. Ce sont les janissaires de l'absolu, qu'ils prétendent posséder en propre et qu'ils réduisent à la dimension, singulièrement étroite, de leur bonne conscience. Ils sont prisonniers de leur foi, esclaves de Dieu ou de ce qu'ils prennent- sans preuve- pour sa Parole ou sa Loi, Spinoza sur eux a dit l'essentiel: "Ils combattent pour leur servitude comme s'il s'agissait de leur salut." Libre à eux, tant qu'ils n'empiètent pas sur notre liberté. Mais qu'ils n'essaient pas de nous soumettre.

Ce que nous pouvons craindre de pire? La guerre des fanatismes. Ou bien (ce pourrait être les deux) que nous n'ayons rien d'autre à opposer, aux différents fanatismes des uns, que le nihilisme des autres.
La barbarie, alors,  ne pourrait que l'emporter, et peu importe qu'elle vienne du Nord ou du Sud, d'Orient ou d'Occident, qu'elle se réclame de Dieu ou du Néant. Il est douteux, dans tous les cas, que la planète y survive.
.../..."
André Comte-Sponville -extrait de: "L'esprit de l'athéisme."





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