vendredi 2 février 2018

ici et ailleurs





chez: "J'écris pas":

"M'sieurs dames, bonjour, je m'excuse de vous importuner comme on dit, je m'appelle Wenceslas, j'ai 41 ans et si je suis dans le métro c'est que j'ai perdu mon travail et que je dors dehors. Ca devient pas facile de manger c'est vrai, mais je viens pas vraiment pour faire la manche. Je sais pas lancer des appels au secours. Je viens côtoyer des gens juste. Croiser des visages. Si c'est pas légal, dites-moi. Je veux pas déranger. Et puis ça me fait plaisir de parler avec vous. Là je me sens pas très bien, comme dans une grande bassine d'eau qui m' attire vers le fond. Un poisson ferré. Mais je souris. Je veux pas arrêter de sourire. Ça veut dire quelque chose. Ça veut dire que le navire a pas encore complètement sombré. Je dis ça parce que j'étais dans la marine quand j'étais jeune. J'étais élégant. Une certaine classe. Là je me sens pas très bien. J'ai peur. Une grande bassine. Et puis faut pas trop que je reste dans la même position. A cause de mon épilepsie. Mes crises. Ca me prend des fois. Et j'ai mal.
Je sais pas vraiment pourquoi je suis là. Personne ne sait. Y a pas de réponse. Plutôt des non-réponses. Une absence. C'est ce que je ressens. C' est ça le pire, tu peux tout perdre en fait. Les trucs matériels et puis aussi les photos de tes enfants. Ce qui revient à perdre tes enfants. Et puis tes cheveux. Tes dents. Et y a pas de réponse.
Qu'est-ce que je faisais avant d'être là? J' étais chez moi avec ma famille. Je vivais là. Normal. Repas de Noël. Réveilllon. Tout ça quoi. En général le 31 à minuit tout le monde crie dans les rues. Les gens sont contents. Mais moi maintenant à minuit c' est plié. Et à minuit deux ben je suis toujours dans la même merde. Voilà.
Je viens pas vous réclamer d' argent.C'est juste que j'ai passé une sale nuit. Des gamins m' ont foutu des coups de pied. Je crois qu'ils étaient ivres ou juste pas bien élevés. J'ai encore la faculté de voir arriver les gens. J'arrive encore à me méfier si c'est nécessaire. Exterminer le clochard qu'ils disaient. Il sert plus à rien le pauvre vieux. Parce qu'il faut servir à quelque chose tu comprends. A quelqu'un. Pas juste être. Servir. Mais je souris. Je veux pas arrêter de sourire. Ça veut dire que le bateau tient encore un peu le cap.
Des fois je vais près du canal. Juste pour voir les canards.Quand j étais petit je pêchais la nuit avec mon tonton. Ensuite on dormait à la belle. Mais là c' est une autre sorte de sommeil. Tout s éteint. Tout se rallume. Tu rêves pas. T'es juste un fantôme dans l' ombre. Y a des matins je suis prêt à 4h37. Je pars à la recherche de bouffe. D'objets. De bouquins. De trucs pour tenir. Mais y a rien de palpable qui soit source de bonheur. Le bonheur c' est regarder les animaux. Capter leurs émotions. La technologie peut pas faire le taf.
Je viens pas vraiment vous demander de l'argent. Paraît qu'on peut pas : faire la manche c est pas bien, dormir sous les ponts c' est pas bien, voler c' est pas bien, du travail j' en ai pas...bon. Je sais pas trop quoi faire du coup.
Des regrets? Non, je peux pas dire que j' en ai. Juste quelques trous. Quelques douleurs. Le corps tire pour que j'abdique. Et c'est pas vrai que les gens deviennent fous dans la rue. Simplement ils disparaissent.
Faudrait juste, je sais pas moi, que l' humanité redevienne forte, solide, simple, qu' elle retrouve sa voie. Je suis pas philosophe. Je suis un clodo. J' ai les pieds mouillés. J'ai juste envie de parler.
Je suis venu là, je sais pas trop pourquoi. Pétez-moi les doigts que je sente si j'ai encore un corps. Gueulez moi dessus je sais pas. Appelez-moi par mon prénom. Un truc vivant. Un truc pour de vrai. Peut-être que le navire a pas encore complètement sombré. Je souris. Je veux pas arrêter de sourire. Ca veut dire quelque chose. Le monde fait la gueule mais je me dis que c' est pas une raison pour s'aligner.
En vous remerciant m'sieurs dames et en vous souhaitant une belle journée."
( Inspiré du doc " Au bord du monde" de Claus Drexel)



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merci Ingeborg:





le temps qui passe:








en vitrine:








5 commentaires:

  1. ce texte que tu viens denous offrir suivi lde la suite
    merci de ton oeil aigu
    ne lâchons pas .
    merci j'ai des frisonsqui courent sur mes bras
    et ...
    merci d'être là et de nous tirezles oreilles
    nous ne devons pas nous endormir.Merci à toi
    à ton regard sur le monde
    à ta vigilance
    qui invite etsouffle sur la notre
    gros bisous
    je suis heurese de t'avoir comme ami de blog
    Baisers de reconnaissance
    et le sourire encore .

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  2. Comment te dire merci Frankie?
    Ben alors MERCI
    Pour le vent des mots qui s'éparpillent
    pour la folie et dérision qui nous guettent
    pour l'écriture sans les poncifs
    les académies
    sauf l'académie de PAIN
    bien entendu!
    parce que celle-là elle me va
    elle m'interpelle, elle me fait rire et trouble aussi
    puisqu'elle est libre et sans fards
    sauf le phare breton
    forcément
    que dis-je: évidemment.
    Plein de douceurs
    Belle Dame
    :-)

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  3. Oui, des mots aiguisés, et tellement vrais.
    Les gens, oui, nous avons vite fait de les cataloguer, les gens, mais n'oublions pas que nous en faisons partie des gens...
    Et nous ne sommes pas non plus à l'abri de l'imprévisible, comme ce que vit cet homme. Ne l'oublions pas non plus...
    Magnifique cette photo d'arbre, la beauté de la Nature, celle-ci elle ne trompe pas.
    Belle fin de journée, Jean-Jacques. :-)

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  4. Bonsoir Françoise
    Naturlich! que je mets dans la liste des gens, et d'ailleurs comment en serait-il autrement?
    et même à double titre :-)Jean qui rit Jean qui pleure.
    Mais nos petits problèmes existentiels ne sont sans doute pas grand chose par rapport à l'immense détresse humaine.
    Mais c'est aussi cela qui parfois nous empêche de dormir...
    Chez moi c'est une seconde nature puisque je bosse la nuit
    :-)
    Merci pour tes mots Françoise.
    Bonne nuit

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  5. "que je me mets" disais-je
    c'est dommage que l'on ne puisse pas corriger.

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