Nous rapetissons
"On s'aventure dans les choses et on en fait déjà partie.
Nous a-t-on déjà dit que les mollusques sont les ongles de la mer
que nos ongles aussi deviennent des mollusques
lorsque nous y plongeons
que notre ventre est une tortue de mer quand nous nageons
nos seins des méduses
que nos yeux sont des petits poissons séparés du banc
tout au bord du rivage
nos cheveux se transformant en algues sitôt mouillés
notre peau est la mousse, nos poils sont les herbes sur les galets
qui se balancent comme au vent au gré des flots.
Nos oreilles sont des hippocampes, nos doigts des tentacules d'octopodes
proposés dans les spécialités des menus gastronomiques
Nous rapetissons
comme les étoiles de mer qui sèchent dans les ports
qui seront suspendues quelque part pour orner un mur
comme une lueur brisée, un souvenir signé."
Nikolina Andova Shopova
"Sois toujours attentif, frappe avant d'entrer.
Sache que das les antres qui sont en toi
il y a toujours quelqu'un.
Reste le plus longtemps dans celles ou tu seras accueilli sans mot dire
dans lesquelles tu pénètreras et là où vous resterez assis
dans un long silence;
Certaines d'entre elles te demanderont ton nom,
t'inviteront à t'asseoir
te proposeront des gâteaux, t'aideront à endosser ta veste
courront derrière toi si tu oublies ton parapluie.
il en est d'autres que tu n'apercevras qu'à travers l'oeil du silence
des portes à jamais fermées
et souvent tu ne sauras pas si elles sont tes invitées ou si tu n'es pas tout simplement à la maison."
Nikolina Andova Shopova
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"Tout exilé connaît au début les affres de l'abandon, du dénuement et de la solitude. Déchiré entre la nostalgie du passé et la dure condition du présent, il expérimente une souffrance plus "muette ", plus humiliante, qui le tenaille : n'ayant qu'une connaissance rudimentaire de la langue de son pays d'adoption, il se voit réduit à être un primaire aux yeux de tous. Baragouinant des mots ou des phrases parfois approximatives, incapable d'un récit clair et cohérent, il donne l'impression d'être dépourvu de pensées, voire de sentiments."
merci Cruella Regard
illustration source: Toile
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L'Homme au chien sans chien
illustration source: Toile
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L'Homme au chien sans chien
"Quand
l'inspiration faisait défaut à Albert, c'est-à-dire environ sept
fois par semaine, il aimait aller se ressourcer au Parc Montsouris
non loin de chez lui, flâner un peu, saisir des tranches de vies,
les enfants, les clodos célestes, le jardinier ramassant les
feuilles à l'automne, les culs lycra des belles joggeuses sans
visage. Au fond, ce qu'il manquait à son écriture, c'était la
palpable odeur du vrai, un geste, une posture, une intention… alors
qu'en fait, il le savait sans se l'avouer, tout n'est que mensonge.
La vérité est un mensonge qui dure plus longtemps que les autres
voilà tout. De ces innocents bambins qui jouent au bac à sable, la
petite brunette deviendra putain, le poulbot châtain toxico, la grande
bringue avec les nattes mariera un homme d'affaires et se fera chier
toute sa vie. Au fond les clodos pour la plupart, sont des dictateurs
qui ont raté leur vie, des capitaines d'industrie à la
dérive…donnez-leur deux sous, un peu de pouvoir, vous verrez !
Le culs des joggeuses, c'était la même chose, que resterait-il du
désir un fois passé à la douche, pour leur cul flasque dans des
culottes de coton ?
Tout est mensonge, tout meurt et même si nous nous efforçons à faire tenir la vie du bout de nos souvenirs ou au fond de nos mémoires, tout mourra un jour sans plus personne pour s'en souvenir. Alors la vérité comme le mensonge iront se mélanger jusqu'à ne plus être qu'une, dans une façon de partouze universelle pour les siècles et les siècles à venir…ah merde !
De la vérité ou du mensonge, Albert s'en foutait comme de sa première dictée de Mérimée, il était là pour écrire des histoires et c'était quand même plus important que ces concepts en toc à trois sous qu'on achète comme les bagues à la foire dans les distributeurs…
Albert était là sur un banc à côté du kiosque à musique dans les premiers frimas de septembre. Septembre, une année meurt, une autre renaît. Septembre était toujours un moment douloureux pour lui, la saison de la perte et de l'oubli.
Tiens, le vieil homme au chien sans chien passait devant lui !
Le vieil homme au chien sans chien était une énigme vivante. Plusieurs années qu'il se baladait Parc Montsouris avec une laisse et un collier…mais sans chien au bout, un genre d'anomalie mais qu'on arrive aisément à reconstituer dans notre imaginaire, un homme sans tête, un sourire sans visage….
L'homme au chien sans chien tourna la tête, s'arrêta de promener son chien qui n'était pas et s'adressa à Albert.
- Monsieur, vous permettez que je vienne m'asseoir à côté de vous, c'est mon anniversaire ?
- Euh, bien entendu, fit Albert
-Monsieur, continua-t-il, puisque la glace est rompue d'une certaine manière, puis-je m'essayer à vous poser une question indélicate ?
-Vous avez de la chance, je ne répond aux questions justement que le jour de mon anniversaire.
-Où est le chien…
-Évidemment la même question chaque année…
L'homme, un poil farfelu prit une grande respiration et commença.
Voyez-vous, nous n'avons pas eu d'enfants avec ma femme, puis me femme est morte elle aussi, alors j'ai eu des chiens. J'ai eu toutes sortes de chiens, des gros, des petits, des intelligents, des idiots, il en va des chiens comme des humains vous savez. Le dernier en date était exceptionnel, une sorte de prolongement de mon esprit, une source infinie d'affection et de réconfort, ni trop collant, ni trop distant. J'étais ma propre conscience et en même temps celle de mon chien, un supplément d'âme…et bizarrement un surcroît d'humanité. Aussi quand il est mort, quelque chose est mort en moi aussi, paradoxalement quelque chose de mon chien vit encore en moi, une sorte de devenir animal. Je vieillis et je perds un peu la tête, et bien conscient que ce chien-là serait indépassable, j'ai décidé qu'il serait le dernier. Parfois j'allais me blottir près de lui, sur son tapis bien trop grand pour lui seul, en chien de fusil pour ainsi dire et j'entendais battre son cœur, s'allonger sa respiration. Parfois il venait me présenter sa gueule, la posait lourdement sur l'une de mes jambes et je le caressait pendant des minutes entières, les crâne, les joues, l'oreille, il en ronronnait de bonheur…
- Oh vous savez, le bonheur chez les chiens…
Fit Albert, l'air inspiré et le menton haut d'un professeur au Collège de France. Mais il n'eut pas le temps d'exposer sa fumante théorie car l'homme au chien le coupa net.
-Parce que vous, vous savez peut-être ce qu'est le bonheur pour les hommes ?
Un ange passa…l’ange des coups de pieds cul.
- Quand il est mort, ce fût un grand vide. Il est mort dans mes bras, et mes bras n'ont jamais pu combler cette béance. Un matin, quelques semaines après sa mort, alors que la douleur s'estompait un peu, je suis allé machinalement à la porte d'entrée, récupérant la laisse qui traînait là encore et j'ai dit « allez le chien on va promener ! ». Je suis resté là quelques minutes l'air triste et bête, surtout très seul…puis j'ai décidé d'aller le promener quand même. Les longues balades matinales me manquaient, celles de l'après-midi aussi…
Un jour que je le promenait, alors qu'évidement il n'était plus là, je me suis dit : au fond, qui de nous deux promène l'autre ? Les petits matins pluvieux, il devait parfois en avoir marre de ma manie de toujours sortir… Je porte sa laisse à son cou, mais qui est attaché au fond ? Tout autant moi que lui.
Je promène quelque chose qui n'est plus, et cette chose me promène tout autant, cette chose qui n'est plus; je suis son prolongement. Je pourrais promener sans laisse ni collier, mais à quoi bon, ce serait comme aller à la plage sans qu'il y ait la mer…et puis, il a souvent tendance à s'échapper…
Mon docteur me l'a dit, pour ce que vous avez, l'exercice de la marche est très bon, et très souvent, ce sont les chiens qui maintiennent les personne d'un certain âge en bonne santé.
Alors voilà, je promène mon chien sans qu'il soit là, ça peut paraître bizarre mais c'est comme ça, certains vont bien chercher Dieu dans les églises…
Ils restèrent là un long moment sans parler et à regarder ce chien qui n'était plus. L'homme au chien sans chien avait les yeux qui partaient dans le vide, il ne lui prêta plus attention.
Un peu gêné, car il devait retourner écrire, Albert ajouta
- Alors la balade est finie ?
L'homme se retourna vers lui le regard perdu et dit, un peu confus
- Bonjour monsieur, pardon je ne vous avais pas vu… Oui j'attends qu'il sorte du petit buisson d'en face le fugueur. Il aime bien aller creuser là-bas pour dénicher des pierres qu'il ramène en cachette à la maison, mais il va revenir, il revient toujours…
Alors Albert se leva du banc sans faire de bruit, il esquissa un geste que l'homme au chien ne vit pas. Il s'éloigna lentement sur la pointe des pieds, tout était à sa place. L'homme avait perdu son chien, et lui…gagné une histoire."
F.L
source: "Avec les pieds" scolioses textuelles
illustration source: CINEMAGRAPH
Tout est mensonge, tout meurt et même si nous nous efforçons à faire tenir la vie du bout de nos souvenirs ou au fond de nos mémoires, tout mourra un jour sans plus personne pour s'en souvenir. Alors la vérité comme le mensonge iront se mélanger jusqu'à ne plus être qu'une, dans une façon de partouze universelle pour les siècles et les siècles à venir…ah merde !
De la vérité ou du mensonge, Albert s'en foutait comme de sa première dictée de Mérimée, il était là pour écrire des histoires et c'était quand même plus important que ces concepts en toc à trois sous qu'on achète comme les bagues à la foire dans les distributeurs…
Albert était là sur un banc à côté du kiosque à musique dans les premiers frimas de septembre. Septembre, une année meurt, une autre renaît. Septembre était toujours un moment douloureux pour lui, la saison de la perte et de l'oubli.
Tiens, le vieil homme au chien sans chien passait devant lui !
Le vieil homme au chien sans chien était une énigme vivante. Plusieurs années qu'il se baladait Parc Montsouris avec une laisse et un collier…mais sans chien au bout, un genre d'anomalie mais qu'on arrive aisément à reconstituer dans notre imaginaire, un homme sans tête, un sourire sans visage….
L'homme au chien sans chien tourna la tête, s'arrêta de promener son chien qui n'était pas et s'adressa à Albert.
- Monsieur, vous permettez que je vienne m'asseoir à côté de vous, c'est mon anniversaire ?
- Euh, bien entendu, fit Albert
-Monsieur, continua-t-il, puisque la glace est rompue d'une certaine manière, puis-je m'essayer à vous poser une question indélicate ?
-Vous avez de la chance, je ne répond aux questions justement que le jour de mon anniversaire.
-Où est le chien…
-Évidemment la même question chaque année…
L'homme, un poil farfelu prit une grande respiration et commença.
Voyez-vous, nous n'avons pas eu d'enfants avec ma femme, puis me femme est morte elle aussi, alors j'ai eu des chiens. J'ai eu toutes sortes de chiens, des gros, des petits, des intelligents, des idiots, il en va des chiens comme des humains vous savez. Le dernier en date était exceptionnel, une sorte de prolongement de mon esprit, une source infinie d'affection et de réconfort, ni trop collant, ni trop distant. J'étais ma propre conscience et en même temps celle de mon chien, un supplément d'âme…et bizarrement un surcroît d'humanité. Aussi quand il est mort, quelque chose est mort en moi aussi, paradoxalement quelque chose de mon chien vit encore en moi, une sorte de devenir animal. Je vieillis et je perds un peu la tête, et bien conscient que ce chien-là serait indépassable, j'ai décidé qu'il serait le dernier. Parfois j'allais me blottir près de lui, sur son tapis bien trop grand pour lui seul, en chien de fusil pour ainsi dire et j'entendais battre son cœur, s'allonger sa respiration. Parfois il venait me présenter sa gueule, la posait lourdement sur l'une de mes jambes et je le caressait pendant des minutes entières, les crâne, les joues, l'oreille, il en ronronnait de bonheur…
- Oh vous savez, le bonheur chez les chiens…
Fit Albert, l'air inspiré et le menton haut d'un professeur au Collège de France. Mais il n'eut pas le temps d'exposer sa fumante théorie car l'homme au chien le coupa net.
-Parce que vous, vous savez peut-être ce qu'est le bonheur pour les hommes ?
Un ange passa…l’ange des coups de pieds cul.
- Quand il est mort, ce fût un grand vide. Il est mort dans mes bras, et mes bras n'ont jamais pu combler cette béance. Un matin, quelques semaines après sa mort, alors que la douleur s'estompait un peu, je suis allé machinalement à la porte d'entrée, récupérant la laisse qui traînait là encore et j'ai dit « allez le chien on va promener ! ». Je suis resté là quelques minutes l'air triste et bête, surtout très seul…puis j'ai décidé d'aller le promener quand même. Les longues balades matinales me manquaient, celles de l'après-midi aussi…
Un jour que je le promenait, alors qu'évidement il n'était plus là, je me suis dit : au fond, qui de nous deux promène l'autre ? Les petits matins pluvieux, il devait parfois en avoir marre de ma manie de toujours sortir… Je porte sa laisse à son cou, mais qui est attaché au fond ? Tout autant moi que lui.
Je promène quelque chose qui n'est plus, et cette chose me promène tout autant, cette chose qui n'est plus; je suis son prolongement. Je pourrais promener sans laisse ni collier, mais à quoi bon, ce serait comme aller à la plage sans qu'il y ait la mer…et puis, il a souvent tendance à s'échapper…
Mon docteur me l'a dit, pour ce que vous avez, l'exercice de la marche est très bon, et très souvent, ce sont les chiens qui maintiennent les personne d'un certain âge en bonne santé.
Alors voilà, je promène mon chien sans qu'il soit là, ça peut paraître bizarre mais c'est comme ça, certains vont bien chercher Dieu dans les églises…
Ils restèrent là un long moment sans parler et à regarder ce chien qui n'était plus. L'homme au chien sans chien avait les yeux qui partaient dans le vide, il ne lui prêta plus attention.
Un peu gêné, car il devait retourner écrire, Albert ajouta
- Alors la balade est finie ?
L'homme se retourna vers lui le regard perdu et dit, un peu confus
- Bonjour monsieur, pardon je ne vous avais pas vu… Oui j'attends qu'il sorte du petit buisson d'en face le fugueur. Il aime bien aller creuser là-bas pour dénicher des pierres qu'il ramène en cachette à la maison, mais il va revenir, il revient toujours…
Alors Albert se leva du banc sans faire de bruit, il esquissa un geste que l'homme au chien ne vit pas. Il s'éloigna lentement sur la pointe des pieds, tout était à sa place. L'homme avait perdu son chien, et lui…gagné une histoire."
F.L
source: "Avec les pieds" scolioses textuelles
illustration source: CINEMAGRAPH
illustration source: CINEMAGRAPH
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photo source: LE GARAGE
Samedi 28 et dimanche 29 octobre au GARAGE
premier salon des écrivains locaux de Saint-Nazaire
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