"La révolte c’est, avant
tout, une grande colère, une magnifique colère, un formidable mouvement
vers l’émancipation de la tutelle qui en est cause, qui l’a
provoquée. C’est un mouvement de refus ; refus de ce qui fini
par maintenir en apnée, sous le poids de leur verdict oppressif, ce
qui fait croire être tout d’abord une protection, les lois sociales
reconnues, ces lois qui doivent à l’arbitraire de la domination,
leur rigueur. La révolte, c’est le désir de rompre d’avec
ce qui empêche d’évoluer sous le joug des lois sociales reconnues;
le désir de ruiner ce qui interdit d’être ; fonder les lois qui
ne sauraient appartenir à l’autorité arbitraire des lois sociales
reconnues, mais à l’émancipation des individus. C’est pourquoi,
dans la révolte, il y a de la joie, de la joie qui s’exprime bruyamment.
C’est ce que les visages manifestent, même lorsqu’ils arborent
une façade austère, parce que derrière cette austérité apparente, il
y a le sérieux de la colère contenue dans cette révolte, et non l’attente
angoissante d’un jugement sans appel. Et lorsque les sourires
s’affichent, il faut y voir le plaisir de vaincre l’instant,
contre la permanente suprématie de l’autorité hypocrite de l’adversaire.
La révolte est chargée de confiance,
contre l’énergie du désespoir qui s’empare de l’âme,
lorsque la soumission quotidienne dicte l’emploi du temps qui
prend la forme du labeur salarial. La révolte est une force, et non
ce qu’il reste lorsque tout ce qui devait l’éviter a été
épuisé, parce qu’elle est un enthousiasme et non une fatalité.
Elle est ce qui arrive lorsque, lassé d’obéir aux principes et
aux systèmes qui maintiennent en apnée sous le poids de leurs verdicts
oppressifs, à commencer par le plus torve d’entres ces systèmes,
l’Etat, elle se charge, non plus de mémoire, cette mémoire qui
n’est que celle des vaincus, et qui véhicule la peur de reproduire
l’échec, mais d’avenir, cet avenir qui donne à l’espoir
l’assurance d’être, qui fait du désespoir le plus profond,
la certitude d’être la plus intense.
Dans la révolte, n’est
pas contenu un programme qu’il reste à appliquer, mais bien le
refus des programmes qui sont appliqués, parce que de tels programmes
s’avèrent néfastes à tout ce qui cherche à vivre en dehors des
systèmes d’obéissance, en dehors des normes admises, c’est-à-dire
néfaste à ce qui fait l’homme libre. La révolte contient son propre
programme, celui qui donne à la conscience son caractère : l’être
libre, pour lequel la conscience de la vie est l’étoffe de l’âme,
sa responsabilité.
La révolte, c’est vouloir
exhumer une oasis là où le désert a recouvert la vie."
Gilles Delcuse "Des troubles de ce temps"
illustration: Veselye Babki
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Rencontre
"Le pic des Trois Seigneurs culmine à 2200m.
Soit un dénivelé de 700 m en partant du pont de l'Hers
Une fois au sommet, j'écroule mon sac à dos au hasard et me pose sur le premier rocher, auprès d'un costaud barbu très absorbé à contempler la ligne bleue des Pyrénées.
"Ha la montagne, que c'est beau!...Et puis, cet air vif et léger, un peu piquant !"
Oui, je sais,... j'égrène banalité sur platitude, mais c'est du Tintin!
Au Tibet , première page, mot à mot. Vérifiez.
Mon voisin, du tac au tac:
-La montagne comme paysage ça ne me dérange pas trop...mais il faut toujours finir par redescendre!"
Mais il répond le bougre!
Avec la réplique d'Haddock, même page!
Rêvé-je?
Je le dévisage, curieux de découvrir quel être improbable se mêle de proposer répliques à mes insinuations.
Une grosse barbe très blanche lui dévore le visage, il sourit, amusé à l'idée de m'avoir surpris.
Puis avisant au loin un gros nuage noir, il ajoute:
"Dans moins d'une demi-heure, on va prendre un gros grain. J'habite à vingt minutes, tu devrais me suivre.
-A vingt minutes! impossible! A part le refuge rouge, y'a pas foyer à une heur à la ronde.
-Hé bien moussaillon, si tu connais Tintin aussi bien que cette montagne, tu as encore de fortes lacunes à combler!"
Me voilà vexé comme un pou : j'ai consulté la carte IGN au 25 000ième et j'affirme qu'il n'y a pas l'ombre d'un toit de maison décente avant une bonne heure, et quand à Tintin, saperlipopette! je me pique d'en connaître un rayon sérieux!
Par bonheur, ma moitié débarque en faisant diversion.
"Laissez-moi vous présenter Laïlah, ma compagne. Ma douce schtroumpfette, pas trop essouflée?
-Keuf keuf, cof, reuh, roaaaarrh !"
Laïlah s'affaisse à terre à son tour !
"Tiens ma chère, je t'ai déniché un érudit comme tu les aimes.
Ce rude montagnard m'a cloué sur Tintin. Permettez, Monsieur, que je me présente, Bernard lassablière, bédéphile amateur, sans prétention.
-Philippe Lecarré, botaniste à la retraite.
M'est avais que dès que Leïlha aura repris souffle, nous aurons intérêt à regagner ma demeure au plus tôt, si on veut éviter une rude saucée."
Peu après nous pénétrons dans une vraie maison, toute proche du lac d'Arbus, ce qui semble impossible, tant l'isolement et l'accès rendent la vie humaine ici problématique;
La magie du lieu nous frappe...un confort, un espace, et même, même une familiarité d'aménagement pour le moins troublant.
Mais Philippe ne nous laisse guère l'occasion de nous extasier, nous conviant à un repas alors que l'orage éclate, violent.
La foudre claque aux alentours faisant sursauter Laïlah sur son banc, tandis que Philippe me demande à brûle-pourpoint :
"Alors p'tit gars, tu t'es intéressé d'un peu près aux aventures de Tintin?
-Ho, comme tout le monde, j'ai lu et relu les albums et puis j'ai creusé un peu en tâtant quelques ouvrages critiques...mais de là à connaître par coeur les répliques, là je me sens surplombé par un connasseur de haut vol;
-Je suis passionné par Tintin depuis l'enfance. Pas un jour sans lire au moins un extrait. Chaque album est d'une telle richesse ! Pour moi, Tintin, c'est le héros majuscule, audacieux, gagneur, à l'éthique impeccable, généreux, accrocheur, c'est le modèle à offrir pour les jeunes générations à toutes les époques!..."
Je plonge alors le nez dans mon assiette afin d'écraser un sourire gêné;
Détail qui n'échappe guère à la vigilance d'aigle de Laïlha.
Notre jovial Lecarré interrompt son éloge pour passer à un interrogatoire en règle qui me déstabilise encore plus.
"Vois-tu moussaillon, tu permets que je t'appelle moussaillon?...
-Je vous en prie au contraire!
-...ça me fait tellement plaisir d'affecter le ton bourru d'Haddock...
on croit connaitre Tintin parce qu'on l'a lu gamin, et on a tous conservé quelques scènes qui nous ont marqués, n'est-ce pas?
-Sûr ! Dans Coke en stock la scène où Haddock panique à bord du Ramona sous les torpilles de Rastapopoulos m'a toujours fait hurler de rire.
-Or je vais te prouver que tu n'as pas lu Tintin attentivement, que ta mémoire de Tintin est fragmentaire.
-C'est bien possible, je n'ai pas la prétention de connaître Tintin comme vous.
-Ne te défends pas, moussaillon, je veux juste te familiariser avec Tintin au plus près. Prenons l'oreille cassée, au hasard, et dis-moi combien il y a de fétiches."
Sentant le piège à cent mètres, je démine le terrain.
"Une multitude de fétiches, dans l'atelier du frère du sculpteur. Le frère plus industrieux et plus commerçant les fabrique quasiment à la chaîne;
-Bien sûr, mais combien l'artiste en a t-il fait?
-Hé bien, il y a l'original dérobé par Rodrigo Tortilla au musée ethnographique et puis le faux, la copie sculptée par Balthazar et substituée au premier.
Rodrigo en tuant Balthazar le sculpteur élimine un témoin gênant, le seul à connaître la vérité;
-Hé bien, c'est ce que je crois aussi. (ajoute Laïlah.)
-Grave erreur ! claironne notre hôte à ma vive surprise ; car Tintin va trouver un second fétiche faux dans les bagages de Tortilla assassiné sur le paquebot Ville de Lyon.
-Saperlipopette, c'est juste!
-D'après vous mes agneaux, pourquoi le gentil sculpteur aurait-il façonné deux fétiches faux alors que la combine n'en requiert qu'un?
Pourquoi le bandit Tortilla qui convoite le diamant se balade t-il avec un exemplaire de fétiche faux?
Et la question qui tue : Comment le fétiche authentique a t-il atterri dans une vieille malle du sculpteur, dont son frère Jacob héritera?"
Frappé par la justesse de ces questions, je m'impose un effort de mémoire bien au-dessus de mon régime habituel pour enfin répondre :
"Balthazar a voulu conserver le vrai fétiche, sans doute par amour de l'art, car il ignorait qu'il conbtenait une pierre précieuse et sacrée. Du coup, il a remis à Tortilla deux faux fétiches.
-Hé oui, nous devons renoncer au gentil sculpteur victime du vilain Tortilla ! Il nous faut revenir sur le naïf portrait que nous fait la concierge."
Philippe saisit l'album et se met à lire :
"il était si poli et il avait tant d'instruction...et propre qu'il était, je le revois encore avec son éternel costume de velours noir...et quel talent !...regardez ces fleurs, comme elles sont naturelles, on dirait qu'elles vont rire."
Oui, oui, notre sculpteur est propre, instruit et talentueux, mais il a délibérément trompé son commanditaire."
Fort de cette première incursion dans mon ignorance, Philippe enchaîne aussitôt :
"Passons à un autre album
Le Tibet.
Vous vous souvenez du moine Foudre Bénie qui lévite au-dessus du commun des mortels quand il a des visions...
Quand on pense qu'il est myope comme une taupe de Weï-Pyiong!...
-Combien de fois le voit-on s'ascensionner?
-Deux fois, dit Laïlah sans hésiter, une première fois, il prédit l'arrivée d'étrangers en difficulté, et c'est là qu'il appelle Tintin "Coeur Pur", une seconde fois, l'écharpe jaune de Tchang en mains, il remet Tintin sur la piste du Yéti, ilo crie "Oooh ! le migou!" en lui indiquant où il se trouve, au museau de yack.
Bravo très chère, une réponse très précise. Hé bien Capitaine Lecarré, qu'avez vous à rajouter ?
-Presque rien, à part la première image de la dernière page, où on voit très distinctement un moine au loin qui lévite au-dessus de la lamasserie pour saluer nos héros;
-Ha ça, dis-je carrément scotché, je demande à voir."
Là dessus, Mr Lecarré se lève, passe dans une pièce adjacente et revient chargé d'une pile de BD : la collection complète des aventures de Tintin.
La pose sur la table, bien au milieu, les albums rangés par ordre chronologique.
La vérification est immédiate, incontestable, trois lévitations donc."
.../..."
extrait de: "On a marché sur la gueule à Tintin"- de Bernard Lassablière- Editions Vas-y, etonne-moi !"
pour commander le livre:
envoyez un chèque de 22 euros par exemplaire plus 3 euros pour les drais de port (et 1,50 euros par exemplaire supplémentaire ) à l'ordre de Bernard Lassablière, Fraymene, 09400 Saurat, en n'omettant pas de préciser votre nom et adresse;
Pour les conférences téléphoner à l'auteur au 05-61-05-20-79
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