samedi 9 juin 2012

vacances d'été



"/finalement, un guichet de départs volontaires dans une société, cela peut être une vraie opportunité, ce n'est pas un licenciement, moi, par exemple, j'avais 47 ans au moment du guichet d'alcatel-Lucent, toi c'est un licenciement économique, c'est autre chose/ De quoi parler? De quoi parler?/ Faites attention, si le vent se relève, le parasol pourrait tomber dans la piscine et briser le revêtement, provoquer une fuite, c'est embêtant, j'ai des amis à qui c'est arrivé/ Qu'est-ce que tu racontes? Gérard s'est bien débrouillé, quatre mois après, il montait sa boite de conseil/ De quoi parler? De quoi parler?/ A Deauville, des amis ont retrouvé une vache dans leur piscine, un tracteur pour l'enlever, une grue, c'est arrivé/ Elisabeth, tu savais que Pierre-Olivier a eu un voilier, autrefois?/ Vous avez remarqué que la lumière était allumée toute la nuit au cabanon?/ Je le trouve pas mal, non? Comment vous le trouvez?/ Mais où était-il hier soir?/ Il a été gardien pendant sept ans chez les Desmaret, tu sais cette belle maison, un petit château en fait/ Il avait un Catamaran, moi je préfère les monocoques, j'ai loué un Arpège pendant des années/ A une vingtaine de kilomètres d'ici, ils me l'ont recommandé, ils voulaient un couple, pour la cuisine, oui, désolée, ici ce n'est pas le même standing, mais j'adore cuisiner, il me donne un coup de main/ Qu-est ce qu'il peut fabriquer? Il s'endort la lumière allumée? Il regarde des DVD?/ C'est vrai qu'en y pensant, il a un certain charme. C'est un bel homme, je ne l'avais pas remarqué. Il a quel âge?/ Vous devriez éloigner ce parasol, croyez-moi/ L e tour de la corse, moi aussi je l'ai fait, en bateau, des croisières, il faut assurer. Autrefois, il n'y avait pas de GPS et pas de moteur sur les voiliers/ 44 ans, il parle couramment anglais/ Quand les du Monthaniel seront arrivés, on pourrait se faire inviter par les Desmaret/ Oui, moi aussi, je suis parti dans un guichet. Tu as raison François. Cela peut-être un vrai coup de chance. Moi, j'ai acheté ma maison à côté avec les indemnités, cash/ Pierre-Olivier, s'il vous plaît, vous pouvez débarrasser, nous prendrons le café au bord de la piscine, merci, très bien, merci/ 

Fin du déjeuner. Elisabeth se lève, légèrement excédée par cette histoire de guichet et de parasol, mais rassérénée par les propos échangés sur Pierre-Olivier. Elle en ressent un vrai contentement. Elle a bien fait de le prendre. elle avait hésité, elle le trouvait un peu, ce n'est pas si facile de se faire une idée, mais finalement, elle en est de plus en plus convaincue, elle a bien fait.Pendant qu'ils prennent le café, Pierre-Olivier déplace le parasol, il le tire, le pied en métal pèse une tonne, on ne peut pas le faire rouler, il est octogonal, il faut le renverser, impossible de le porter. Soudain, François se lève de son transat pour aller l'aider, Elisabeth ne sait que penser, les invités posent leur tasse, s'étendent au soleil et regardent de l'autre côté, s'il faut aider le gardien cela devient compliqué, regarder de l'autre côté, ce n'est pas grave, on est là pour se reposer. Mais comment se fait-l que dans cette douceur exquise, enveloppante, qu'après ce tennis qu'on a gagné, ce bain, ce repas sous la tonnelle de la terrasse sud, glycine, comment se fait-il qu'on ne se sente pas dans un état parfait, d'où vient ce désagrément? Gérard sourit mais fulmine, il n'a pas apprécié que François parle de son licenciement. Celui-ci les rejoint, s'assied et se demande s'il faut se taire ou parler, il se tait."

extrait de: "Les vacances d'été" de Emmanuelle Heidsieck- Editions Léo Scheer-

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