dimanche 29 avril 2012

bord de mère



"Dire l'enfance est loin d'être une sinécure. Cette enfance-là tout particulièrement, celle qui n'a pas été mise à l'abri des besoins essentiels. C'est l'enfance des foyers, de la famille d'accueil. De la "deuxième maison", nous dit-on. Pudiquement. Celle de l'isolement et de la séparation. Des souvenirs à fleur de peau. Et d'autres pères et d'autres mères que les siens pour faire le chemin.
Grandir est une aventure bien souvent plus romanesque que le meilleur des romans, c'est l'affaire d'une vie et l'on apprend tout autant des autres que de soi. C'est ce qui m'a le plus touché dans le récit de ces hommes et ces femmes que je ne connaissais pas, leur étrange familiarité. Et l'amplification subtile d'une résonance intime que chacun pourra retrouver dans ses propres souvenirs."
-Sylvain Coher-


"Des portes quelque part
l'une après l'autre
on l'a toujours fait entrer
toujours sortir aussi.


Une mère ça pleure
dans l'escalier
et le père dans le silence
muré à double tour.


La voiture en bas
qui attend et démarre.
son bruit surtout
qui grince, gronde et claque.


Elle ouvre sur une vie
qui se referme sans cesse
ailleurs et qui repart.


C'est un garçon comme un autre
pas pire que ses frères
pareil que toute la bande.


Très tôt il est sorti des rails
il a franchi la ligne
et pour trouver l'issue
un juge décide
lui fait quitter sa maison
et sa famille en morceaux.


Le Foyer comme destination
le mot lointain d'un lieu
inconnu peu importe
on l'enlève d'ici
pour le placer là.


Avant c'étaient le caves
et le froid des caravanes
parfois tout un mois
le squat il s'en souvient.


Quand dehors il fait nuit
on dort tout seul en hiver
et on vérifie cinquante fois
le verrou au cas où 
quelqu'un voudrait ouvrir;


Le défi sans le cran ni la sécurité
on frime la trouille au ventre
et la buée sur les vitres
ne vous cache pas tant que ça.

Le pont aussi c'est quelque chose
la forte pente et le brouillard
ou bien c'était dans sa tête
un pont comme ça
presque pour l'image
un pont ça vous rattache
et ça sépare aussi.

Derrière c'est le chaos
et l'ordre qui va venir
devant c'est l'autre bord
ça lui fait tantôt du mal
et tantôt du bien
de basculer pour tourner la page.

Plus tard c'est dedans
du chaud sans chaleur
un bureau où on s'assoit
il n'en mène pas large
la porte joue dans son dos.

La pièce plus grande
d'un directeur qui explique
les lois et les codes à respecter
un cadre on sait ce que ça veut dire.

Ils étaient venus  vivre en ville
ses parents et eux tous
dans un appartement neuf
une vie propre, des lieux clairs
donnant sur les arbres
et la mer plus loin.

Et puis ça part en vrille
aux Chantiers c'est le portail
qui s'ouvre et les bistrots
tournent autour de lui
il entre comme son père
pas pour longtemps.

Un autre homme
 le traite comme un fils
et l'aide à ouvrir les yeux
c'est du cordial, brutal
mais il s'en trouve bien.

Il trouve alors son vrai chemin
il entre dans une équipe
et les barrières tombent
il a des jeunes à guider
avec eux des ateliers
des cinémas et des gares
il les sort de là.

Rien n'est clos mais les portes
mettent un bail à s'ouvrir
les bonnes en tout cas
celles qui lorsqu'on les pousse
débouchent sur autre part.

L'échappée belle c'est l'horizon
possible depuis l'enfance
un contact au monde
une dose de chance ouverte
et toujours pas de hasard."


 -"Des portes quelque part..."extrait  de "Bord de mère"- livre réalisé dans le cadre d'ateliers d'écriture Enfance et Famille/Centre de Culture Populaire de Saint-Nazaire.
-Editions Cénomane-






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