mercredi 30 décembre 2009

La vie commence au deuxième verre



".../... J'avais commandé un canon de rouge, et je m'étais installé au comptoir. Puis dans ce "Bar t'abat" j'avais eu l'occasion de vérifier combien exacte est cette loi que j'avais observée souvent: La vie commence au deuxième verre.
Soyez dans la campagne flamande ou au Portugal, ouvrez une porte où l'on consomme des alcools: Cette loi se montre, avec sa validité, son passeport dans toutes les langues. Je l'ai rencontrée dans le port d'Anvers et dans le V arrondissement de Paris, et de Barcelone à l'Ecosse à la Pologne. Cette loi est une propriété du genre humain, mais il reste à la vérifier au-delà d'autres océans car je n'ai pas encore mis les pieds en Chine.
Ouvrez cette porte, approchez-vous du bar, et dites le nom d'une boisson fermentée: bière tchèque, vin rouge, cognac, en fonction de votre préférence et de l'endroit. Le patron sert votre commande sans vous regarder, puis il se consacre à d'autres nécessités qui ne sont pas faites pour vous concerner. Il importe, pour cette loi, de procéder avec aussi peu de hâte que possible:  de boire peu à peu, de rouler puis d'allumer une cigarette (je rédigerai plus tard une autre loi qui prévaut dans le domaine du tabac que l'on fume) et de bien paisiblement habiter ce coin de comptoir que l'on occupe. Je recommande que vous adressiez aux consommateurs certains regards qui indiquent un contact, mais en vous gardant de manifester cette curiosité d'observateur qu'on apparente à la sociologie, car le buveur qui se sent regardé redressera des murs de Berlin sur la distance qui le sépare de vous, et le patron sera solidaire de son buveur.
Au bout d'un temps bien mesuré, appelez à vous le patron et faites intervenir ces mots en indiquant votre verre vide: "S'il vous plait, Monsieur, la même chose."
Goûtez, alors, la valeur de cette loi. Le patron s'avance, il vous regarde, il remplit votre verre. Il ajoute une petite assiette d'olives, des carrés de fromage au sel de céleri, des petits poissons frits dans l'huile au piment, des chips à l'oignon. Il vous adresse trois mots, et peut-être commence à vous raconter sa vie. Parce que, si le premier verre vous sert à ne plus avoir soif, le deuxième indique au patron que vous aimez sa province, et que vous êtes heureux d'y rester. ça lui plaît
La vie commence et la frontière s'ouvre. Ce qui peut arriver au-delà de ce deuxième verre se nomme le nouveau, l'inconnu, et celui qui devinera un jour l'inconnu et le nouveau sera si fort qu'il aura le droit franchement de se présenter aux élections pour devenir Dieu.../...

Xavier Deutsch- "La vie commence au deuxième verre" -Le Cri-édition-

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...