IAN MOAKS
Biologie
"Je suis sorti du seul ventre possible: celui de ma mère. Je me souviens plus comment c'était à l'intérieur: il faisait chaud, comme dans toutes les mères. Dans les pères en général il fait plus froid: on viendrait au monde enrhumé.
Ce n'était ni une bonne ni une mauvaise mère: une simple mère, toute bête, biologique et humaine, qui fait des grimaces à la clinique, vous impose des manies, vous façonne une vie pour la vie.
Je ne suis pas mort à la naissance, du coup je mourrai à la mort. mon nom est Ian Moaks. Johann Mohaqs. Yan Moixe. Hans Moïse. Jean Moâ. Igrékem. Johannes Climaxus...Yannemoixe, Ian Moax, Johannes Moixus, Johann Mohaks...Pas facile de trouver un pseudo: si ça continue je vais prendre "Yann Moix"
Je n'ai pas d'enfants; je ne me suis pas fait avoir par eux non plus. D'un strict point de vue biologique, je sais que j'ai la capacité de donner vie à un embryon humain. C'est psychologiquement que je suis pas "cap". Je ne suis pas assez adulte pour fabriquer de futurs adultes.
"Tant que je n'aurai pas d'enfant, je serai toujours un fils" (Sacha Guitry). Alors mes enfants sont là, bloqués dans la glotte de mon corps, à l'état de latence imbécile, ils habitent une hésitation.
Je n'ai pas eu d'enfants, j'ai eu des parents-deux. une fille (ma mère) et un garçon (mon père). ils m'ont pas beaucoup changé." J'ai cent fois répété à mes amis que j'étais un adepte de la morale d'Epictète, explique François Mitterand au micro de France Inter le vendredi 14 octobre 1977. Ce sur quoi je peux agir, j'agis. Ce sur quoi je ne peux agir, je n'agis pas."
A la clinique, ils m'ont tellement tiré sur la tête que je: hurle encore. Quand tu viens, c'est mauve et attaché. Les bébés arriveraient sans cordon, une fois hommes ils penseraient peut-être moins à se pendre. Naître, ça donne des idées qu'on n'aurait pas eues sinon.
-Il a pas l'air bien beau.
Moi, je n'ai pas été mauve, j'étais bleu en sortant; bleu outre-mère. Puis j'ai repris des couleurs. j'ai pris ma couleur. je suis devenu rose moi. (En réalité), je n'ai pas crié tout de suite. Alors ma mère:
-Il m'a pas l'air bien futé non plus.
-Sgruiuhahauuuahhahharrahh.
-Et un con de plus sur terre.
Dans les ventres de mères on a tendance à être un peu coupé des réalités; il faut sortir au plus vite: on aurait la tentation de rester.
A la sortie
Si on passait sa vie dans les mères, il n'y aurait plus de place pour les suivants. Et plutôt crever que de naitre à plusieurs! On meurt un par un: je ne vois pas pourquoi je serais né en groupe. on naît mieux à l'unité.
- ça va être un con tu vas voir;
Des mains te tirent par la tête en faisant la grimace, ta mère gémit en faisant la grimace, tu hurles en faisant la grimace: il n'y a que ton père qui rigole. C'est parce que ton père (excuse-moi) mais parce que ton père (tu le sais bien), c'est parce que ton père, (réfléchis-y), c'est parce que ton père ( c'est pas ta mère qui dira le contraire), c'est parce que ton père: est un con.
-Gggarraaauuhhuuuiiiiiiiiaaahhh.
Tu es sorti. Te voilà donc à l'abri de: rien. Parmi tous les hommes déjà nés. Te voilà avec une vie devant. Le ventre de ta mère n'est pas vide: il est rempli par ton absence. Barbouillé. Saturé. Tu es encore dedans, mais en négatif. Tu existes en contour. elle est enceinte de ton emplacement. il lui faudra faire le deuil de ta masse (gravitationnelle). Tu remplissais bien. tu rendais son ventre important. La voilà avec une existence en moins sous son pull.
- Il est carrément laid tu veux dire.
Mais ça y est, c'est fait, tu es: né. Félicitations. (A chaque fois que tu nais, tu as remarqué: ce sont tes parents qu'on félicite; alors que c'est quand même toi qui viens au monde.) ça y est, c'est fait, tu es né. La prochaine étape, c'est la mort. entre les deux, tu te demanderas pourquoi tu es né et quand tu vas mourir.../..."extraits de "Panthéon"- un roman de Yann Moix- Editions Grasset-