Il rêvait de lys blancs,
D’un
rameau d’olivier,
Des seins de son aimée épanouis le soir.
Il rêvait, il me l’a dit, d’un oiseau
Et des fleurs de
l’oranger.
Sans compliquer son rêve, il percevait les choses
Telles qu’il les ressentait… et les sentait.
Une patrie,
il me l’a dit,
C’est savourer le café de sa mère,
C’est
rentrer à la tombée du jour.
Et la terre ? Je lui demandais.
Il répondit : Je ne la connaissais pas.
Je ne sentais pas
qu’elle était ma peau et mon cœur,
Ainsi qu’il est dit dans
les poèmes.
Mais soudain je la vis,
Comme on voit une
boutique… une rue… des journaux
Je lui demandai : L’aimes-tu
?
Il répondit : Mon amour est une brève promenade,
Un verre
de vin… une aventure.
— Donnerais-tu ta vie pour elle ?
—
Non !
Je ne suis lié à cette terre que par un éditorial… un
discours enflammé !
On m’a enseigné à aimer son amour.
Mais
je n’ai pas senti son cœur se fondre avec le mien.
Je n’ai
pas humé l’herbe, les racines et les branches…
— À quoi
ressemblait son amour ?
Brûlant comme les soleils… la
nostalgie ?
Il fît front :
— Ma voie à l’amour est un
fusil,
Des fêtes revenues de vestiges anciens,
Le silence
d’une statue antique
D’époque et d’origine indéterminées
!
II me parla de l’instant des adieux,
De sa mère
Pleurant en silence lorsqu’on l’envoya
Quelque part sur
le front…
De sa voix éplorée,
Gravant sous sa peau un
souhait nouveau :
Ah ! si seulement les colombes grandissaient au
ministère
de la défense…
Ah ! si les colombes !…
…Il
fuma une cigarette, puis il me dit
Comme s’il s’échappait
d’un marécage de sang :
J’ai rêvé de lys blancs,
D’un
rameau d’olivier…
D’un oiseau étreignant le matin
Sur
la branche d’un citronnier…
— Qu’as-tu vu ?
— Mes
actes,
Ronces rouges explosées dans le sable… les poitrines…
et les entrailles.
— Combien en as-tu tué ?
—
Difficile de les compter…
Mais je n’ai été décoré qu’une
fois.
Je lui demandais, me faisant violence :
S’il en est
ainsi, décris-moi un seul cadavre.
Il rectifia sa position,
caressa son journal plié
Et me dit comme s’il me chantait une
ritournelle :
Tente de vent sur les gravats,
L’homme
enlaçait les astres brisés.
Une couronne de sang ceignait son
large front
Et sa poitrine était sans médailles,
Puisqu’il
s’était mal battu.
Il avait l’aspect d’un paysan, d’un
ouvrier ou d’un marchand ambulant.
Tente de vent sur les
gravats… Il mourut
Les bras jetés comme deux ruisseaux à sec.
Et lorsque j’ai cherché son nom dans ses poches,
J’ai
trouvé deux photos,
L’une… de sa femme,
L’autre… de
sa fille…
Je lui demandai : En as-tu été attristé ?
Il
m’interrompit : Mahmoud, mon ami,
La tristesse est un oiseau
blanc
Étranger aux champs de bataille. Et les soldats
Commettent un péché, s’ils s’affligent.
Je n’étais,
là-bas, qu’une machine crachant un feu rouge
Et changeant
l’espace en un oiseau noir.
Plus tard,
II me parla de son
premier amour,
De rues lointaines,
Des réactions après la
guerre,
Des fanfaronnades à la radio et dans les journaux.
Et
lorsqu’il dissimula sa toux dans son mouchoir,
Je lui demandai
: Nous reverrons-nous ?
Il me répondit : Dans une ville
lointaine.
Au quatrième verre,
J’ai dit, taquin : Ainsi tu
partirais… Et la patrie ?
Il me répondit : Laisse tomber…
Je rêve de lys blancs,
D’une rue qui gazouille et d’une
maison éclairée.
Je quête un coeur bon, non des munitions,
Un
jour ensoleillé, non un instant de folle victoire… fasciste.
Je
quête un enfant souriant au jour,
Non une place dans la machine
de guerre.
Je suis venu ici vivre le lever des soleils,
Non
leur coucher.
Il me fit ses adieux… Il était à la recherche
de lys blancs,
D’un oiseau accueillant le matin
Sur un
rameau d’olivier.
Il percevait les choses
Telles qu’il
les ressentait… et les sentait.
La patrie, il me l’a dit,
Et rentrer, à la tombée du jour, rassuré."
"Pourquoi écrivez-vous ? , il répondait : "Pour que quelqu'un n'aille pas travailler le lendemain. "
"L'univers n'a pas de centre" (en plein dans le poste)