Des cris le réveillent mais il garde les yeux fermés. Deux hommes se querellent dans l'escalier en une langue qu'il ne connaît pas. une porte grince puis claque. L'immeuble semble vibrer soudain, résonner de toues ces respirations qui s'activent, de voix étouffées, de raclements de gorge, de toux, de musiques. Une femme rit, un petit enfant pleure. De l'eau cataracte dans une canalisation. Il écoute au plus loin qu'il peut l'écoulement épais et croit pouvoir suivre sa chute jusqu'à l'égout. Il imagine à cet instant toutes ces saletés qui sortent des corps, retenues pendant la nuit, et il sait bien que les humains se défont de leur fange, se purgent de ce qu'ils ont accumulé des heures durant, résultat de toutes leurs activités de la journée, puisque c'est à ça qu'ils se résument, de molles machines à fabriquer de la merde, il sait bien, lui, que tout le jour ils vaqueront sous leur masque avenant, drapés, enrobés dans leurs habits, déguisés en êtres civilisés, travestis pour le grand carnaval sordide, grands singes savants,, guenons rusées, tâchant de dominer leur état de rut permanent, leur violence, leurs rêves de puissance, leurs envies de meurtre, ces pulsions d'animaux qu'ils nomment amour, désir, ambition, ces mots qu'ils utilisent comme du papier hygiénique pour torcher leurs turpitudes. Tous les matins ils vidangent la fosse septique qu'ils s'appliquent à remplir chaque jour, heure après heure, en feignant d'ignorer ce qui macère en eux.
"Un jour ils sont venus te chercher toi aussi ils ne pouvaient pas te pardonner d’être la compagne d’un poète insoumis d’aimer un paria et de le soutenir de ta propre résistance Tu connus la nuit du bandeau Le souterrain de la Question tu entendis ces voix d’outre-humanité tonitruant menaces et sarcasmes tu sentis devant toi d’autres hommes (ô si peu hommes) que tu savais tortionnaires et assassins tu sentis près de toi d’autres hommes (un peu plus qu’hommes ordinaires) triés d’électrodes et de fouet mais le cœur intact ; Voilà il n’y plus rien à te cacher des multiples contrastes du pays du soleil et puis tu me revins
tu étais un peu pâle, amaigrie mais dans tes yeux il y avait une grande tache incandescente où se noyait un petit grain d’inquiétude Et quand tu es partie et que la nuit enleva les couches superficielles de ma fureur