mardi 31 mars 2020

mardi pris


"Je n'ai jamais aimé apprendre l'Histoire  mais cet embêtement n'est rien auprès de l'obligation de la vivre."
Tristan Bernard 







 Depuis chez le nécessaire Marquis de l'Orée:

   " C'est la nuit, mon meilleur moment, voici venir l'heure des esprits que j'ai inventés et de ceux qui sont réels et qui me cherchent patiemment dans la pyramide des étoiles et des planètes."
Tadeusz Konwicki





 Envoyé par Myriam:

Le gouvernement gère l'épidémie comme il peut… mais les postures guerrières sont souvent inefficaces en face des forces de la nature. Les virus sont des êtres puissants, capables de modifier notre génome, traitons-les sinon avec respect, du moins avec modestie.  
  Apprenons à survivre parmi eux, à s'en protéger en faisant vivre l'espèce humaine dans des conditions sanitaires optimales qui renforcent son immunité et lui donnent le pouvoir d'affronter sans dommage les microbes et virus dont nous sommes de toute façon entourés massivement, car nous vivons dans la grande soupe cosmique où tout le monde doit avoir sa place. La guerre contre les virus sera toujours perdue, mais l'équilibre entre nos vies et la leur peut être gagné si nous renforçons notre système immunitaire par un mode de vie non mortifère. 
 Dans cette crise, ce qui est stupéfiant c’est la rapidité avec laquelle l'intelligence collective et populaire se manifeste. 
  En quelques jours, les français ont établi des rites de remerciement massivement suivis, un des plus beaux gestes politiques que la France ait connus et qui prolonge les grèves contre la réforme des retraites et l'action des gilets jaunes en criant haut et fort qui et quoi sont importants dans nos vies. 
  Dans notre pays, ceux qui assurent les fonctions essentielles, celles qui font tenir debout une société sont sous-payés, méprisés. Les aides-soignantes, les infirmières et infirmiers, les médecins qui travaillent dans les hôpitaux publics, le personnel des écoles, les instituteurs, les professeurs, les chercheurs, touchent des salaires de misère tandis que des jeunes crétins arrogants sont payés des millions d'euros par mois pour mettre un ballon dans un filet. 
  Dans notre monde le mot paysan est une insulte, mais des gens qui se nomment "exploitants agricoles" reçoivent des centaines de milliers d'euros pour faire mourir notre terre, nos corps et notre environnement tandis que l'industrie chimique prospère. 
  Et voilà que le petit virus remet les pendules à l'heure, voilà qu'aux fenêtres, un peuple confiné hurle son respect, son amour, sa reconnaissance pour les vrais soldats de notre époque, ceux qui sont prêts à donner leur vie pour sauver la nôtre alors que depuis des décennies les gouvernements successifs se sont acharnés à démanteler nos systèmes de santé et d'éducation, alors que les lobbies règnent en maîtres et arrosent les politiques avec le fric de la corruption. 
  Nous manquons d'argent pour équiper nos hôpitaux, mais bon sang, prenons l'argent où il se trouve, que les GAFA payent leurs impôts, qu'ils reversent à la société au minimum la moitié de leurs revenus. Car après tout, comment l'ont-ils gagné cet argent ? Ils l'ont gagné parce qu'il y a des peuples qui forment des nations, équipées de rues, d'autoroutes, de trains, d'égouts, d'électricité, d'eau courante, d'écoles, d'hôpitaux, de stades, et j'en passe, parce que la collectivité a payé tout cela de ses deniers, et c’est grâce à toutes ces infrastructures que ces entreprises peuvent faire des profits. Donc ils doivent payer leurs impôts et rendre aux peuples ce qui leur est dû. 
  Il faudra probablement aussi revoir la question de la dette qui nous ruine en enrichissant les marchés financiers. Au cours des siècles passés les rois de France ont très régulièrement décidé d'annuler la dette publique, de remettre les compteurs à zéro. 
  Je ne vois pas comment à la sortie de cette crise, quand les comptes en banque des petites gens seront vides, quand les entreprises ne pourront plus payer leurs employés qui ne pourront plus payer les loyers, l'électricité, le gaz, la nourriture, comment le gouvernement pourra continuer à gaspiller 90% de son budget à rembourser une dette qui ne profite qu'aux banquiers. 
  J'espère que le peuple se lèvera et réclamera son dû, à savoir exigera que la richesse de la France, produite par le peuple soit redistribuée au peuple et non pas à la finance internationale. Et si les autres pays font aussi défaut de leur dette envers nous, il faudra relocaliser, produire de nouveau chez nous, se contenter de nos ressources, qui sont immenses, et détricoter une partie de la mondialisation qui n'a fait que nous appauvrir. 
  Et le peuple l'a si bien compris qu'il crie tous les soirs son respect pour ceux qui soignent, pour la fonction soignante, celle des mères, des femmes et des hommes qui font passer l'humain avant le fric. 
  Ne nous y trompons pas, il n'y aura pas de retour en arrière après cette crise. 
  Parce que malgré cette souffrance, malgré ces deuils terribles qui frappent tant de familles, malgré ce confinement dont les plus pauvres d'entre nous payent le plus lourd tribut, à savoir les jeunes, les personnes âgées isolées ou confinées dans les EHPAD, les familles nombreuses, coincés qu'ils sont en ville, souvent dans de toutes petites surfaces, malgré tout cela, le monde qui marchait sur la tête est en train de remettre ses idées à l'endroit.  
 Où sont les vraies valeurs ?
 Qu'est-ce qui est important dans nos vies ? 
  Vivre virtuellement ? Manger des produits issus d'une terre martyrisée et qui empoisonnent nos corps ? 
  Enrichir par notre travail ceux qui se prennent des bonus faramineux en gérant les licenciements ? 
  Encaisser la violence sociale de ceux qui n'ont eu de cesse d'appauvrir le système de soin et nous donnent maintenant des leçons de solidarité ? 
  Subir une médecine uniquement occupée à soigner les symptômes sans se soucier de prévention, qui bourre les gens de médicaments qui les tuent autant ou plus qu'ils ne les soignent ?
 Une médecine aux ordres des laboratoires pharmaceutiques ? 
  Alors que la seule médecine valable, c’est celle qui s'occupe de l'environnement sain des humains, qui proscrit tous les poisons, même s'ils rapportent gros. Pourquoi croyez-vous que ce virus qui atteint les poumons prospère si bien ?
 Parce que nos poumons sont malades de la pollution et que leur faiblesse offre un magnifique garde-manger aux virus. 
  En agriculture, plus on cultive intensivement sur des dizaines d'hectares des plantes transformées génétiquement ou hybrides dans des terres malades, plus les prédateurs, ou pestes, les attaquent et s'en régalent, et plus il faut les arroser de pesticides pour qu'elles survivent, c’est un cercle vicieux qui ne peut mener qu'à des catastrophes. 
  Mais ne vous faites pas d'illusions, on traite les humains les plus humbles de la même façon que les plantes et les animaux martyrisés. 
  Dans les grandes métropoles du monde entier, plus les gens sont entassés, mal nourris, respirent un air vicié qui affaiblit leurs poumons, plus les virus et autres "pestes" seront à l'aise et attaqueront leur point faible : leur système respiratoire.  Cette épidémie, si l'on a l'intelligence d'en analyser l'origine et la manière de la contrer par la prévention plutôt que par le seul vaccin, pourrait faire comprendre aux politiques et surtout aux populations que seuls une alimentation et un environnement sains permettront de se défendre efficacement et à long terme contre les virus. 
  Le confinement a aussi des conséquences mentales et sociétales importantes pour nous tous, soudain un certain nombre de choses que nous pensions vitales se révèlent futiles. Acheter toutes sortes d'objets, de vêtements, est impossible et cette impossibilité devient un bonus : d'abord en achetant moins on devient riches. 
  Et comme on ne perd plus de temps en transports harassants et polluants, soudain on comprend combien ces transports nous détruisaient, combien l'entassement nous rendait agressifs, combien la haine et la méfiance dont on se blindait pour se préserver un vague espace vital, nous faisait du mal.  
 On prend le temps de cuisiner au lieu de se gaver de junk-food, on se parle, on s'envoie des messages qui rivalisent de créativité et d'humour.  Le télétravail se développe à toute vitesse, il permettra plus tard à un nombre croissant de gens de vivre et de travailler à la campagne, les mégapoles pourront se désengorger. 
  Pour ce qui est de la culture, les peuples nous enseignent des leçons magnifiques : la culture n'est ni un vecteur de vente, ni une usine à profits, ni la propriété d'une élite qui affirme sa supériorité, la culture est ce qui nous rassemble, nous console, nous permet de vivre et de partager nos émotions avec les autres humains. 
  Quoi de pire qu'un confinement pour communiquer ? Et pourtant les italiens chantent aux balcons, on a vu des policiers offrir des sérénades à des villageois pour les réconforter, à Paris des rues entières organisent des concerts du soir, des lectures de poèmes, des manifestations de gratitude, c’est cela la vraie culture, la belle, la grande culture dont le monde a besoin, juste des voix qui chantent pour juguler la solitude.
  C’est le contraire de la culture des officines gouvernementales qui ne se sont jamais préoccupées d'assouvir les besoins des populations, de leur offrir ce dont elles ont réellement besoin pour vivre, mais n'ont eu de cesse de conforter les élites, de mépriser toute manifestation culturelle qui plairait au bas peuple. 
  En ce sens, l'annulation du festival de Cannes est une super bonne nouvelle. Après l'explosion en plein vol des Césars manipulés depuis des années par une maffia au fonctionnement opaque et antidémocratique, après les scandales des abus sexuels dans le cinéma, dont seulement une infime partie a été dévoilée, le festival de Cannes va lui aussi devoir faire des révisions déchirantes et se réinventer.
 Ce festival de Cannes qui déconne, ou festival des connes complices d'un système rongé par la phallocratie, par la corruption de l'industrie du luxe, où l'on expose complaisamment de la chair fraîche piquée sur des échasses, pauvres femmes porte-manteaux manipulées par les marques, humiliées, angoissées à l’idée de ne pas assez plaire aux vieillards aux bras desquels elles sont accrochées comme des trophées, ce festival, mais venez-y en jeans troués et en baskets les filles, car c’est votre talent, vos qualités d'artiste qu'il faut y célébrer et non pas faire la course à qui sera la plus à poil, la plus pute ! 
  Si les manifestations si généreuses, si émouvantes des peuples confinés pouvaient avoir une influence sur le futur de la culture ce serait un beau rêve ! 
 Pour terminer, je voudrais adresser une parole de compassion aux nombreux malades et à leurs proches, et leur dire que du fin fond de nos maisons ou appartements, enfermés que nous sommes, nous ne cessons de penser à eux et de leur souhaiter de se rétablir. Je ne suis pas croyante, les prières m'ont toujours fait rire, mais voilà que je me prends à prier pour que tous ces gens guérissent.
 Cette prière ne remplacera jamais les soins de l'hôpital, le dévouement héroïque des soignants et une politique sanitaire digne de ce nom, mais c’est tout ce que je peux faire, alors je le fais, en espérant que les ondes transporteront mon message, nos messages, d'amour et d'espoir à ceux qui en ont besoin.
Coline Serreau
[...]
 "Quand les jeunes soldats sont partis à la guerre de 1914, ils ont été applaudis, couverts de fleurs et menés au massacre sous les vivats. Comparaison n'est pas raison, mais nous applaudissons aussi les soignants parce qu'ils se sacrifient pour nous.Un certain nombre d'entre-eux vont attraper le virus. Le moins possible, espérons-le. il faut donc les applaudir, mais en se souvenant bien qu'ils risquent de payer."
Boris Cyrulnik extrait d'un entretien accordé à Sylvain Courage pour l'Obs n°2890
 


"Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose,
 qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre."
Blaise Pascal 




source: Lundi Matin:











"Le Soleil, seul Soleil, surplombe tout.
Le Soleil, seul Soleil, survole nous.

Le Soleil me dévore quand vient l'aurore, il m'appelle.
Le Soleil sait encore comment faire à présent, me réveille.
Le Soleil chassera la peine, m'envoler à même dans le vent.
Mais, prise dans mon grand cerf-volant viendra de temps en temps me perdre.

Le Soleil, seul Soleil, surplombe tout.
Le Soleil, seul Soleil, survole nous.
Le Soleil, seul Soleil, surplombe tout.
Le Soleil, seul Soleil, survole nous.

Le Soleil est moins fort depuis que tu dors, il sommeille."

Laura Cahen

lundi 30 mars 2020

A l'union nationale nous préférons l'entraide générale


Psychanalyse du moi
de mars
Introspection du moi 
D'avril
Mai
 où est-il donc?
Qui sait
peut-être en observation,
ou approfondissement des fonda-manteaux.
Aussi graine de lundi
qui pousse, qui pousse vers la sortie:
Sors tes couverts
quand la bise fut venue.

J'aime beaucoup votre regard intérieur,
savez-vous?



« À quoi bon bouger, quand on peut voyager 

si magnifiquement dans une chaise ? » 

(Huysmans, À Rebours)
source: "Hors les clous"



"Je n' ai pas peur de la route
faudra voir, faut qu'on y goûte
des méandres au creux des reins
et tout ira bien (là)
Le vent nous portera
Ton message à la Grande Ourse
et la trajectoire de la course
un instantané de velours
même s'il ne sert à rien (va)
Le vent l'emportera
Tout disparaîtra mais
le vent nous portera

La caresse et la mitraille
et cette plaie qui nous tiraille
le palais des autres jours

D'hier et demain
le vent les portera
Génétique en bandoulière
des chromosomes dans l'atmosphère
des taxis pour les galaxies
et mon tapis volant dis ?
Le vent l'emportera
Tout disparaîtra mais
le vent nous portera
Ce parfum de nos années mortes
ce qui peut frapper à ta porte
infinité de destins
on en pose un et qu'est-ce qu'on en retient ?
Le vent l'emportera
Pendant que la marée monte
et que chacun refait ses comptes
j'emmène au creux de mon ombre
des poussières de toi


Le vent les portera
Tout disparaîtra mais
le vent nous portera"

Noir Désir


Et bien
CHANTONS MAINTENANT
Tous ensemble tous ensemble...




"Ah la la quelle vie qu'cette vie
Ah la la quelle vie qu'cette vie-là

Des pions, des j'tons, des trous dans la gamelle
Des r'tours de manivelle pour les gras du bidon
Des claques et des plaques d'immatriculation
Des bordels à Cosaque, des claques dans les roustons

Ah la la quelle vie qu'cette vie

Des fatalistes
Des pessimistes
Des arrivistes
Qui vont nulle part


Des loufs, des braques, des pignoufs et des maniaques
Qui s'attaquent au steak des lopettes en pantoufles
A grands coups d'arnaque les mâchoires dans l'cou
A genoux sur la moquette tâte-moi la peau du mou

Ah la la quelle vie qu'cette vie
Ah la la quelle vie qu'on vit là

Des ectoplasmes
Et des fantasmes
Dans le marasme
Economique

Baby foot, baby foot,
Rien à foutre, rien à foutre


Baby foot, baby foot,
Rien à foutre, rien à foutre

Salut mes loulouttes
Vas-y shoote
Gamelle !

Gonocoques, jeunes coqs et paire de boucs en rut
Des femelles en chaleur qui te roulent une gamelle
Quelle époque, qu'elle est belle, la belle au coeur de pute
Loufoque elle m'affûte la flûte et le valseur

Ah la la quelle vie qu'cette vie

Rentrée des classes
Luttes des classes

Sortie des classes
L'école est finie

Baby foot, baby foot,
Rien à foutre, rien à foutre

Des gros, des petits, des pauvres et des nantis
Des ramasse-ton-oseille et des ras du gazon
J'bosse pour peau d'balle, pot d'colle et bol de riz
Lâche-moi la banane ou j'te fais sauter les boulons

Baby foot, baby foot,
Rien à foutre, rien à foutre
Hey biloutte
Ecoute-ça

Y'a un rat dans la soute

Baby foot, baby foot,
Chapeau les cuivres
Rien à foutre, rien à foutre

Plein la hotte, plein le dos,
Plein les bottes et l'apéro
Des clous dans ma roulotte
Et des bâtons dans les roues
Rase-motte, casse-cou
Qui rote et qui s'en fout
Des clodos qui radotent,
Capotes et sacs à poux

Baby foot, baby foot,
Rien à fout', rien à fout'

Ah la la quelle vie qu'cette vie

De la névrose
Des over-doses
Et des cirrhoses
Crise de foi

Des bérets, des cabas
Des baguettes et des bibinnes
Des radines et des bougnats
Qui retroussent leurs babines
Gueule de fouine,
Castrats scarlatine et choléra
Des steaks à la vaseline,
Des combines et des combats

Baby foot, baby foot,
Rien à fout', rien à fout'

Baby foot, baby foot,
Rien à fout', rien à fout'

Ah la la quelle vie qu'cette vie
Ah la la quelle vie qu'on vit là

La joie dans la douleur
Des rats au fond d'la cale
Et des poêles à mazout
Baby foot, rien à fout'
La joie dans la douleur
En noir et en couleur
Et des poêles à mazout"

Jacques Higelin


A l'union nationale nous préférons l'entraide générale

L’entraide et l’auto-organisation doivent fleurir en période de confinement, affirment les signataires de cette tribune, pour que le néolibéralisme ne reprenne pas ensuite sa domination comme avant.

Cette tribune est publiée simultanément sur plusieurs médias indépendants, Bastamag, Lundi Matin, Mediapart, Politis et Terrestres.
Près de 230 médecins, infirmier.e.s., psychologues, réanimateurs, enseignant.e.s, comédien.ne.s, paysan.ne.s, artistes, chercheuses, scientifiques, musicien.ne.s, syndicalistes, éditeurs, libraires et autres personnalités appellent à s’auto-organiser face à la pandémie de Covid-19 et à rejoindre le réseau de solidarité COVID-ENTRAIDE FRANCE.
Depuis une semaine la France est entrée dans une nouvelle réalité vertigineuse. Le Covid-19 n’est plus une « petite grippe », selon nos gouvernants, mais la « pire crise sanitaire depuis un siècle ». Un choc intime qui nous fait trembler pour nos proches et toutes les personnes particulièrement fragiles. Une secousse géopolitique qui fait s’effondrer la mondialisation néolibérale comme un château de cartes. 2019 avait été une année d’incendies ravageurs en Australie, Amazonie et ailleurs, et d’immenses soulèvements populaires. 2020 a d’ores et déjà les traits d’une paralysie totale, une crise systémique majeure.
Cette pandémie achève de rendre irrespirable la vie dans un système politique et économique délirant, néfaste, mais surtout inutile au moment où un immense besoin de soin se fait sentir. Après être resté attentiste pendant un mois et demi, Emmanuel Macron a promis, pour ne pas perdre la face, que « l’État paiera […] quoi qu’il en coûte ». La « mobilisation générale » est décrétée. « Nous sommes en guerre », paraît-il, contre un « ennemi invisible ». « L’entraide que nous construisons n’est pas l’auxiliaire d’un État néolibéral défaillant »
Face à cette rhétorique militariste, nous affirmons une autre logique. À « l’union nationale », nous préférons l’entraide générale. À la guerre, nous opposons le soin, de nos proches jusqu’aux peuples du monde entier et au vivant. En France, comme dans les autres pays, nous allons tenir ensemble pour faire face à l’épidémie. Nous allons transformer l’isolement imposé en immense élan d’auto-organisation et de solidarité collective.
Avec nos voisin.e.s, nos ami.e.s, nos familles, nos proches, nos collègues ; dans nos immeubles, nos rues, nos quartiers, nos villes et nos villages ; notamment en utilisant les réseaux sociaux, nous allons construire l’entraide à la base. Pour aider les plus fragiles qui ne peuvent pas sortir à obtenir de la nourriture. Pour garder les enfants de celles et ceux qui doivent continuer de travailler. Pour partager des informations vérifiées sur la situation. Pour se donner des nouvelles et se réconforter dans cette situation déchirante. Pour soutenir les plus précaires dans leurs luttes pour vivre. Pour faire face à une crise économique, bancaire et financière qui s’annonce dévastatrice malgré les annonces faussement rassurantes des banques centrales. En restant chez nous pour le moment, mais dans la rue dès que possible.
Face à l’ampleur du bouleversement, même Emmanuel Macron appelle à « innover dans la solidarité ». Mais nous ne sommes pas dupes du fameux « en même temps » : l’entraide que nous construisons n’est pas l’auxiliaire d’un État néolibéral défaillant. Elle ne sera pas le cheval de Troie d’une future « stratégie du choc » à base de télétravail, de « volontariat citoyen » dans des services publics détruits, et de poursuite dans la destruction des acquis sociaux au nom de « l’état d’urgence sanitaire ».
Notre solidarité est celle du peuple, de ceux d’en bas, qui se serrent les coudes pour survivre et pour vivre dignement. Elle n’a rien à voir avec celle des élites mondiales – facilement dépistées, elles -, qui se retranchent dans leurs palais dorés, protégés et désinfectés pendant que les soignant-e-s sont « au front » sans moyens et fabriquent leurs propres masques de protection en prenant tous les risques.
Pendant que les travailleurs sociaux et les institutrices gardent leurs enfants, sans consigne officielle pour se protéger, s’exposant à une contamination. Pendant que les plus précaires, les sans-logis, sans papiers, sans réseaux sociaux, les intérimaires sans chômage partiel, les « indépendants » contraints au travail en danger ou sans activité, seront encore plus frappé.e.s par la crise. Pendant que les personnes âgées dans les Ehpad, les personnes handicapé-e-s à mobilité réduite, les personnes internées en hôpital psychiatrique se voient encore plus privées de liens sociaux. Pendant que les « déjà confiné.e.s », les migrant.e.s enfermé.e.s en centres de rétentions et les prisonnier-e-s voient leur situation encore aggravée. Pendant que les habitant.e.s des quartiers populaires et les personnes racisé.e.s sont parmi les premier.e.s visé.e.s par la répression liée au confinement. « Nous jouons notre vie pendant qu’eux gèrent l’économie »
Jamais l’alternative n’a été si claire, le scandale si palpable : nous jouons notre vie pendant qu’eux gèrent l’économie.
L’entraide que nous allons construire s’inscrit dans le sillage du soulèvement des peuples partout dans le monde au cours des derniers mois, du Chili au Liban, de l’Algérie au Soudan. Cette vague a répandu sur la planète la nécessité de mettre nos corps en jeu. Le Covid-19 rend indispensable, pour l’heure, leur confinement. Mais révoltés ou confinés, nous mourrons d’un système qui recherche le profit et l’efficacité et pas le soin, le pouvoir et la compétition et pas l’entraide.
Cette épidémie ravageuse n’est pas une simple réalité biologique. Elle est amplifiée par les politiques néolibérales, la destruction méthodique de l’hôpital et de l’ensemble des services publics. Si ce virus tue autant, c’est aussi parce qu’il n’y a plus assez de soignant.e.s et de lits, pas assez de respirateurs ou parce que l’hôpital tend à devenir une entreprise à flux tendu. Et si nous applaudissons chaque soir à 20h les soignant.e.s, c’est aussi pour contenir notre colère contre les gouvernants qui savaient que la tempête arrivait depuis deux mois sans rien faire.
Nous appelons donc à renforcer la solidarité et l’auto-organisation pour faire face à la pandémie et la crise systémique, partout où c’est possible, sous toutes les formes imaginables, tout en respectant la nécessité absolue du confinement pour freiner la propagation. Plus particulièrement, nous appelons à rejoindre le réseau de solidarité auto-organisé #COVID-ENTRAIDE FRANCE qui se constitue dans des dizaines de lieux depuis une dizaine de jours. Nous invitons à créer des groupes d’entraide locaux en ligne et sur le terrain, de notre hameau à notre village, de notre immeuble à notre ville. Nous appelons à recenser les centaines d’initiatives qui se créent à travers une cartographie collaborative. (https://covidentraide.gogocarto.fr).
« Il y aura des responsables à aller chercher, des comptes à rendre, des plaies à réparer et un monde à construire »
Ne restons pas sidéré.e.s face à cette situation qui nous bouleverse, nous enrage et nous fait trembler. Lorsque la pandémie sera finie, d’autres crises viendront. Entre temps, il y aura des responsables à aller chercher, des comptes à rendre, des plaies à réparer et un monde à construire. À nous de faire en sorte que l’onde de choc mondiale du Covid-19 soit la « crise » de trop et marque un coup d’arrêt au régime actuel d’exploitation et de destruction des conditions d’existence sur Terre. Il n’y aura pas de « sortie de crise » sans un bouleversement majeur de l’organisation sociale et économique actuelle.
Il y aura un avant et un après. Nous sommes pour l’instant confiné-e-s, mais nous nous organisons. Et, pour sûr, nous reprendrons les rues, les jardins, les outils de travail, les moyens de communication et les assemblées, ensemble.
La stratégie du choc doit s’inverser. Cette fois-ci le choc ne servira pas à affermir le contrôle, le pouvoir central, les inégalités et le néolibéralisme, mais à renforcer l’entraide et l’auto-organisation. À les inscrire dans le marbre.
INFOS  :
Site internet : https://covid-* entraide.fr
Inscrivez votre groupe local ici : https://covidentraide.gogocarto.fr
Contact : covidentraidefrance@riseup.net
• Appel à signature : LIEN VERS LA PÉTITION  : https://covid-entraide.fr/signe-la-petition-pour-lentraide/


source Zone à Défendre







"Si tu aimes les soirs de pluie
Mon enfant, mon enfant
Les ruelles de l'Italie
Et les pas des passants
L'éternelle litanie
Des feuilles mortes dans le vent

Qui poussent un dernier cri
Crie, mon enfant

Si tu aimes les éclaircies
Mon enfant, mon enfant
Prendre un bain de minuit
Dans le grand océan
Si tu aimes la mauvaise vie
Ton reflet dans l'étang
Si tu veux tes amis
Près de toi, tout le temps

Si tu pries quand la nuit tombe
Mon enfant, mon enfant
Si tu ne fleuris pas les tombes
Mais chéris les absents
Si tu as peur de la bombe
Et du ciel trop grand
Si tu parles à ton ombre
De temps en temps Et la lune sous le vent
Si l'on perd souvent ta trace
Dès qu'arrive le printemps
Si la vie te dépasse
Passe, mon enfant

Ça n'est pas ta faute
C'est ton héritage
Et ce sera pire encore
Quand tu auras mon âge
Ça n'est pas ta faute
C'est ta chair, ton sang
Il va falloir faire avec
Ou, plutôt sans

Si tu oublies les prénoms
Les adresses et les âges
Mais presque jamais le son
D'une voix, un visage
Si tu aimes ce qui est bon
Si tu vois des mirages
Si tu préfères Paris
Quand vient l'orage

Si tu aimes les goûts amers
Et les hivers tout blancs
Si tu aimes les derniers verres
Et les mystères troublants
Si tu aimes sentir la terre
Et jaillir le volcan
Si tu as peur du vide
Vide, mon enfant

{au Refrain}

Si tu aimes partir avant
Mon enfant, mon enfant
Avant que l'autre s'éveille
Avant qu'il te laisse en plan
Si tu as peur du sommeil
Et que passe le temps
Si tu aimes l'automne vermeil
Merveille, rouge sang

Si tu as peur de la foule
Mais supportes les gens
Si tes idéaux s'écroulent
Le soir de tes vingt ans
Et si tout se déroule
Jamais comme dans tes plans
Si tu n'es qu'une pierre qui roule
Roule, mon enfant

Mon enfant" 
Benjamin Biolay/Fabien Gérard




"Monsieur le Président,



« Je vous fais une lettre / Que vous lirez peut-être / Si vous avez le temps ». À vous qui êtes féru de littérature, cette entrée en matière évoque sans doute quelque chose. C’est le début de la chanson de Boris Vian Le déserteur, écrite en 1954, entre la guerre d’Indochine et celle d’Algérie. Aujourd’hui, quoique vous le proclamiez, nous ne sommes pas en guerre, l’ennemi ici n’est pas humain, pas notre semblable, il n’a ni pensée ni volonté de nuire, ignore les frontières et les différences sociales, se reproduit à l’aveugle en sautant d’un individu à un autre. Les armes, puisque vous tenez à ce lexique guerrier, ce sont les lits d’hôpital, les respirateurs, les masques et les tests, c’est le nombre de médecins, de scientifiques, de soignants. Or, depuis que vous dirigez la France, vous êtes resté sourd aux cris d’alarme du monde de la santé et ce qu’on pouvait lire sur la banderole d’une manif en novembre dernier‌ – L’état compte ses sous, on comptera les morts – résonne tragiquement aujourd’hui. Mais vous avez préféré écouter ceux qui prônent le désengagement de l’Etat, préconisant l’optimisation des ressources, la régulation des flux, tout ce jargon technocratique dépourvu de chair qui noie le poisson de la réalité. Mais regardez, ce sont les services publics qui, en ce moment, assurent majoritairement le fonctionnement du pays : les hôpitaux, l’Education nationale et ses milliers de professeurs, d’instituteurs si mal payés, EDF, la Poste, le métro et la SNCF. Et ceux dont, naguère, vous avez dit qu’ils n’étaient rien, sont maintenant tout, eux qui continuent de vider les poubelles, de taper les produits aux caisses, de livrer des pizzas, de garantir cette vie aussi indispensable que l’intellectuelle, la vie matérielle.

Choix étrange que le mot « résilience », signifiant reconstruction après un traumatisme. Nous n’en sommes pas là. Prenez garde, Monsieur le Président, aux effets de ce temps de confinement, de bouleversement du cours des choses. C’est un temps propice aux remises en cause. Un temps pour désirer un nouveau monde. Pas le vôtre ! Pas celui où les décideurs et financiers reprennent déjà sans pudeur l’antienne du « travailler plus », jusqu’à 60 heures par semaine. Nous sommes nombreux à ne plus vouloir d’un monde dont l’épidémie révèle les inégalités criantes, Nombreux à vouloir au contraire un monde où les besoins essentiels, se nourrir sainement, se soigner, se loger, s’éduquer, se cultiver, soient garantis à tous, un monde dont les solidarités actuelles montrent, justement, la possibilité. Sachez, Monsieur le Président, que nous ne laisserons plus nous voler notre vie, nous n’avons qu’elle, et « rien ne vaut la vie » – chanson, encore, d’Alain Souchon. Ni bâillonner durablement nos libertés démocratiques, aujourd’hui restreintes, liberté qui permet à ma lettre – contrairement à celle de Boris Vian, interdite de radio – d’être lue ce matin sur les ondes d’une radio nationale."

Annie Ernaux
Lettre lue ce matin sur France Inter par Augustin Trapenard






Chez Yves Brette:




 

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