dimanche 18 mai 2014
vous pouvez répéter?
".../...
21h10, Paris, 15e arrondissement
Lorsqu'elle entend David Pujadas prononcer son nom et que l'assistant la pousse pour qu'elle traverse le plateau, Marie-Laurence flotte, elle est sur un nuage et va sans peur vers son destin médiatique.
Grande, svelte, elle avance à pas mesurés, avec cette allure sévère que lui confèrent son strict chignon et ses lunettes à monture noire. Une fois assise face au présentateur, elle salue les autres invités d'un signe de tête respectueux;
-Merci de m'avoir invitée, dit-elle.
Pour mettre les débatteurs en condition, l'animateur lance un reportage, présentant les moments forts de la manifestation à La Défense, le dernier plan montre Marie-Laurence enchaînée.
Retour sur le plateau. Le joker initie le débat avec une question embarrassante pour Xavier Bertrand:
-Notre pays est en proie à la colère. Que dites-vous de concret aux jeunes comme Marie-Laurence?
Expérimenté, le ministre tente de parer l'attaque en détournant la question, il regarde la jeune fille droit dans les yeux et adopte un ton mielleux:
-Je viens de voir ces images de vous, en chaînée, et je dois d'abord vous féliciter pour votre stratégie de communication. Je trouve que le pseudo que vous avez choisi, Marie-Laurence Zéro, est très accrocheur. Mais votre slogan "Tolérance Zéro" me semble plus adapté au parti de madame Le Pen qu'à vos revendications. vous savez que la théorie de la tolérance zéro a été lancée aux Etats-Unis par des extrémistes de droite?
Gros plan sur un rictus affligé de Marine Le Pen, Marie-Laurence baisse les yeux et garde le silence. Au bout de plusieurs secondes - une éternité à la télévision qui ne supporte pas le vide- Pujadas vient à son secours:
-Ne vous laissez pas impressionner.
La fille relève la tête:
-Je ne suis pas impressionnée, je prends le temps de réfléchir
-Nous sommes en direct et...
-La voix de la jeune fille a cette chaleur traînante des tropiques, un peu rauque mais paresseuse, comme si rien ne pouvait l'énerver.
-Je sais que vous n'aimez pas les temps morts, mais moi j'ai le temps, je suis au chômage, je réfléchissais à ce que j'allais répondre.
Le joker en reste bouche bée.
-Marie-Laurence se tourne maintenant vers Xavier Bertrand.
-Monsieur, j'ai deux réponses à vous faire. en ce qui concerne le slogan "tolérance zéro", je connais par coeur la phrase que j'ai dite, j'ai revu en boucle l'interview, la voici: " il y en a marre du mépris et de l'exploitation, de la désinformation par tous les rapaces qui rendent notre monde invivable, pour moi désormais c'est tolérance zéro."
Je ne me sens en rien proche des extrémistes de droite, qu'ils soient américains ou du Front National. Je n'ai rien à voir avec Marine Le Pen, justement je prône la tolérance zéro envers le monde des menteurs et des exploiteurs de la misère, et je pense que le FN fait son beurre sur ce terreau sans proposer de solution.
Le rictus de Marine tourne à la grimace
Xavier Bertrand approuve, mais Marie-Laurence ne lui laisse pas le temps de se délecter:
-Quand à mon pseudo accrocheur, ce n'est pas un pseudo. Zéro est mon vrai nom de famille. C'est lié à l'esclavage et vous, qui êtes un représentant des élites, devriez connaître l'histoire de votre pays.
Xavier Bertrand ne peut contenir sa morgue:
-Je ne vois pas le rapport avec notre conversation.
Marie-Laurence reste imperturbable et poursuit:
- Aux Antilles françaises, on appelle ça la blessure du nom. Ce sont des centaines de patronymes ridicules ou dégradants qu'ont donné, par pure cruauté, les autorités coloniales aux esclaves libérés en 1848 quand il a fallu les enregistrer dans les registres d'état civil. A toutes les misères qu'avaient vécues ces pauvres gens, l'arrachement à leur terre d'origine, la perte de leur langue et de leur religion, la stigmatisation de leur couleur de peau, les travaux exténuants et la torture, s'est ajoutée l'imposition d'un nouveau nom par l'ancien maître blanc. Ces noms étaient volontairement humiliants et destinés à renforcer le frein social.
Marie-Laurence jette un regard circulaire observant les réactions de Valls et Le Pen avant de revenir au ministre:
- A la Guadeloupe vous trouverez des Trouaballe, des Bonnarien, des Crétinoir. il n'est pas rare aujourd'hui quand vous êtes dans le halle de l'aéroport de Pointe-à-Pitre, d'entendre appeler dans les haut-parleurs "madame Bêtacorne, madame rabaisser pour longtemps et beaucoup de gens les portent encore avec honte et résignation. Moi, je suis née d'une mère normande mais mon père, dont la famille vient de Basse-Terre, s'appelle Zéro. Je peux vous dire que lorsqu'il a cherché du travail en métropole, ce n'était pas facile et on ne lui a proposé que des postes subalternes, on s'est bien souvent moqué de lui. ça vous colle à la peau un nom pareil.
Elle laisse un silence dans lequel personne n'ose s'engouffrer. L'animateur sait que cette séquence sera reprise dans les zappings. Marie-Laurence se penche en avant vers Xavier Bertrand.
-Vous voyez le rapport avec une conversation sur l'emploi, Monsieur? C'est dur de trouver un boulot quand on a voulu vous réduire à néant. il y en a qui ont courbé l'échine, mais moi, Zéro, descendante d'esclaves français, je porte mon nom sans honte, et même j'en suis fière.
-Je ne connaissais pas cette histoire avoie Xavier Bertrand, masquant mal son malaise.
-Les Français ont occulté leur passé avec l'esclavage mais vous, les politiques, pourriez faire un effort ce n'est pas un détail de l'histoire.
La référence à la scandaleuse phrase de Jean-Marie Le Pen fait mouche, le réalisateur place un gros plan de Marine qui envahit l'espace, excédée, elle lève les yeux au ciel.
-Vous avez raison dit Pujadas, et je suis heureux qu'on puisse éclaircir ce point ici;
Marie-Laurence enfonce le clou:
-Pour rejoindre votre thème, je dirai qu'il est encore plus difficile de trouver un emploi quand on est issu des "quartiers", comme on dit.
-Nous allons y venir car c'est un problème brûlant, le chômage dans les banlieues provoque des situations explosives.
-En ce qui me concerne, je lutte pour l'égalité et le respect des valeurs de la République, ma révolte est juste et je désapprouve totalement ces rappeurs ou ces footballeurs millionnaires qui crachent sur la France parce que c'est leur fond de commerce. J'ai fait des études, je veux juste participer à la vie de mon pays.
.../...
21h55 Paris 15e arrondissement
"Des paroles et des actes" : depuis quelques minutes, le ministre du §Travail et la présidente de FN croisent le fer. Le thème du jour, celui de l'emploi, est une plaie béante dans le bilan du gouvernement en place. Marine Le Pen s'y engouffre pour jeter son acide:
-Votre parti est au pouvoir depuis près de dix ans et votre gestion, c'est la gestion du désordre, les chiffres sont catastrophiques. Si vous étiez sincères, vous reconnaîtriez que vous avez échoué, mais vous niez la réalité, vous avez favorisé une immigration massive, le marché du travail est un champ de ruines, avec des délocalisations incessantes et des classes moyennes détruites. Pourquoi avez-vous laissé la situation se dégrader à ce point ? Dites-le aux Français? Pourquoi, en France, huit millions de personnes, dont deux millions d'enfants, vivent en-dessous du seuil de pauvreté? et il y a quatre millions de chômeurs. Ce bilan est votre bilan.
Acculé dans les cordes, le ministre du Travail serre les dents et réplique, puisant dans ses réserves de combativité:
-C'est toujours pareil, vous vous réjouissez de ces chiffres, ils vous arrangent car votre fonds de commerce, c'est les problèmes, le jour où ils sont résolus, vous perdez votre business. Nous sommes ceux qui agissent et affrontons les réalités et nous n'avons pas à rougir de ce que nous faisons pour notre pays. Vous êtes dans le camp de l'irresponsabilité , vous remuez du vent et si jamais, par un accident historique majeur, vous étiez élue, vous ruineriez le pays. Racontez-nous comment ça se passerait, pouvez-vous nous décrire une présidence Le Pen? On ferme les frontières, on revient au franc, on se coupe du monde et on vit entre nous. C'est la faillite assurée. Vous ne vous rendez pas compte de la folie dans laquelle vous voulez entraîner la France. vous êtes forts pour mettre les problèmes sur la table mais totalement inexistants sur les solutions. il suffit d'aller sur le site du Front National, il n'y a rien de concret. il faut que les Français le sachent, c'est malhonnête et immoral de leur faire croire que vos projets sont viables, ils sont creux, vous brassez du vent.
Marine Le Pen saisit la perche et grimace un sourire assassin:
-Dans votre camp, vous êtes mal placés pour parler de morale et d'honnêteté, vos années au pouvoir sont gangrénées par une succession de scandales.
Xavier Bertrand y va d'un demi sourire finaud, cherchant à dévier le coup par la dérision, il se tourne vers Pujadas et le prend à témoin:
-Nous y voilà! C'est la rengaine du "tous pourris" qui est le fonds de commerce nauséabond du Front National, tel père, telle fille.
Marine voit rouge :
-Ne prenez pas ce petit air arrogant parce que, quand on a les casseroles que vous traînez dans votre parti, Woerth, Alliot-Marie, l'affaire Lagarde-Tapie, Georges Tron, Villepin, Hortefeux, etc..., il n'ya pas de quoi pavoiser. Quel panier de crabes!
-Ces affaires dont vous parlez n'ont pas été sanctionnées par la justice. Jusqu'à présent les personnes que vous citez n'ont rien fait d'illégal ou ont été disculpées. Que faites-vous de la présomption d'innocence? Vous piétinez nos valeurs républicaines, vous êtes comme toujours en train de remuer la boue, ce n'est pas ça faire de la politique.
-Ah bon! Le dernier remaniement de votre gouvernement était une vraie chronique judiciaire: Le repris de justice Hortefeux s'en va, le repris de justice Juppé arrive. Sans parler de la douteuse Lagardère déplacée au FMI. et c'est aussi valable à Gauche avec Guérini et compagnie.
Elle jette un regard accusateur vers Manuel Valls qui reste imperturbable.
-Je ne vous parle même pas de la république des violeurs et des porteurs de mallettes, conclut-elle, DSK, Bourgi, Karachi,, Squarcini, on se croirait dans une série B sur les mafias.
22h25 Paris 15e arrondissement
Le ministre UMP et la présidente du FN s'obstinent dans leur affrontement: elle fixée sur le thème du "tous pourris", lui sur le thème du "tous aux manettes".
Sentant que le combat s'enlise et pour rafraîchir l'ambiance, le lutin facécieux, David Pujadas, remet Marie-Laurence en jeu:
-Un commentaire, mademoiselle Zéro? Après tout, vous êtes là pour apporter un regard différent, un point de vue citoyen.
L'esclave moderne prend à nouveau tout son temps avant de donner son avis:
-imaginer Marine Le Pen aux commandes, c'est un gag, mais je suis triste que tant de gens désespérés voient dans son parti une bouée de sauvetage. Parce qu'ils n'ont plus d'espoir, qu'ils sont en train de sombrer, ils se raccrochent à ces conneries.
Marine Le Pen s'indigne:
-Je ne vous permets pas ce langage, je suis une élue, vous insultez mes électeurs.
-Moi, je ne suis pas une élue, pour cette raison je n'ai pas de comptes à rendre à personne et je peux m'exprimer comme ça me chante.
Marie-Laurence surfe sur la gêne que sa présence suscite. En effet, les ténors de la politique sont habitués à se bastonner, mais ils le font toujours selon leurs règles. En revanche, la présence d'une invitée appartenant au commun des mortels les déstabilise car, vis-à-vis du public, ils ne peuvent matraquer l'insolente comme ils le souhaiteraient. D'autant plus qu'il s'agit d'une banlieusarde représentant une minorité raciale, alors lui donner une correction aurait des retombées négatives. Marie-Laurence perçoit cette ouverture et en profite pour remettre une couche, elle se tourne vers Xavier Bertrand et Manuel Valls:
-Mais la méfiance à l'égard des gens au pouvoir, c'est vous, les grands partis, qui la nourrissez en permanence. Au "tous pourris", vous opposez un "tous unis" qui est fatal. La solidarité systématique dont vous faites preuve envers les plus irresponsables ou les plus corrompus d'entrevous est désastreuse. Dès que surgit une affaire louche ou un scandale, en niant toute responsabilité en bloc, vous faites preuve d'un esprit mafieux. vous êtes si loin de la réalité, si coupés du monde, que vous ne vous en rendez pas compte mais les citoyens se sentent humiliés par tant d'impunité, alors ils se tournent vers les tenants du "tous pourris".
Le rouge monte au front de Xavier Bertrand. Piqué à vif, il prend un air méprisant et rentre la tête dans les épaules, tel un bouledogue prêt à attaquer:
-Mademoiselle, votre intervention est déplacée et scandaleuse. Qui êtes-vous pour faire la leçon à des élus?
-Je suis diplômée en communication, c'est mon métier de réfléchir à ces questions d'image, même si votre système n'est pas capable de me fournir un emploi.
il balaie l'argument d'un revers de la main et poursuit:
-Alors, vous faites mal votre boulot, car si au lieu de donner dans l'exhibitionnisme, vous réfléchissiez avec décence, vous constateriez que nous avons une volonté constante de transparence alors que vous vous contentez d'admettre et de colporter des rumeurs malsaines. Notre position est claire et définitive, nous sommes dans un pays de droit, nous refusons la rumeur, nous revendiquons le cadre de la justice...
Tandis qu'il prend une respiration pour continuer à tartiner son discours, Marie-Laurence lui coupe la chique:
-Vos arguments, on les connaît par coeur et ils vous détruisent. Car ce que vous ne voulez pas admettre, en vous réfugiant derrière le cadre légal, c'est l'image désastreuse que vous donnez: refus des responsabilités, arrogance et mépris envers ceux qui assistent à ce spectacle obscène.
-Mais de qui parlez-vous? C'est indécent de jeter ainsi des idées en l'air. Vous dites que vous cherchez un emploi, mais comment voulez-vous trouver un travail si vous n'avez aucun sens des responsabilités?
Marie-Laurence garde le cap:
Je prends l'exemple de Michèle Alliot-Marie.
Xavier Bertrand lève les bras en l'air et s'insurge:
-Encore! Mais c'est de l'histoire ancienne, ça fait plus d'un an, tout a été dit et clarifié, on peut passer à autre chose?
-Et l'équipe de France de foot en Afrique du Sud c'est de l'histoire ancienne? Pourtant j'entends fréquemment des politiciens en reparler, quand ça les arrange..
Le ministre se tourne vers l'animateur.
-On est en plein délire, je ne vois pas le rapport.
-C'est vrai , dit Pujadas, on ne voit pas où vous voulez en venir.
Marie-Laurence affiche son sourire immaculé:
- C'est une évidence : Nicolas Anelka et Michèle Alliot-Marie sont coupables des mêmes erreurs. Jusqu'à preuve du contraire ni l'un ni l'autre n'ont agi de façon illégale, mais par leur position, ils représentaient la France dans deux moments cruciaux et ultra médiatisés, la Coupe du Monde et la révolution tunisienne et l'un comme l'autre ont donné une image désastreuse de notre pays.
-C'est vrai admet le joker.
-Le problème c'est qu'il y a une différence de traitement entre ces deux cas identiques. L'ensemble du personnel politique a violemment critiqué Anelka, sans noter évidemment qu'il n'avait rien fait d'illégal, car là, curieusement pour lui l'argument ne s'appliquait pas, c'était juste un banlieusard devenu millionnaire, qui se comportait comme un voyou immature. On se souvient de toutes les réactions indignées de la classe politique, jusqu'à l'Assemblée nationale.
-On s'en souvient concède le journaliste.
-En revanche, Michèle Alliot-Marie, quand elle a proposé le soutien de notre police à la dictature tunisienne, qu'elle a aligné des mensonges avec une morgue innommable, avec un mépris total des dégâts que son image provoquait en France et dans le monde, s'accrochant au pouvoir comme un pitbull, la classe politique de droite a tenu un discours de solidarité exemplaire: "Elle a peut-être fait une erreur mais elle n'a rien fait d'illégal" C'était l'argument ultime. il n'y en a pas un d'entre vous qui l'ait traitée publiquement de "voyoute irresponsable" comme vous l'aviez fait en choeur pour Anelka, alors que le problème était similaire.
Elle lève les yeux vers Manuel Valls
-Et bien sur, on peut y rajouter Strauss-Kahn, on s'en moque de la présomption d'innocence qui a tellement été clamée, moi je dis que lorsque l'on représente la France à la tête d'une institution mondiale, on ne se conduit pas comme un coq dans une basse-cour même si ça n'a rien d'illégal, c'est une question de cadre et de responsabilité, si MAM ou DSK étaient sponsorisés par une marque comme le sont les sportifs, ils auraient été virés depuis longtemps;
Vous avez raison admet Manuel Valls avec prudence car sur ce terrain glissant le dérapage est facile.
Regardant Xavier Bertrand droit dans les yeux, Marie-Laurence enfonce le clou:
-Vous ne voulez pas voir ça en face parce que c'est dans vos gènes, dans votre mentalité, votre inconscient le plus profond: vous êtes l'élite, vous êtes nés là où il faut, vous avez fait des études, vous êtes une mafia chic et intouchable. Alors Michèle Alliot-Marie ou DSK, ou d'autres encore, appartenant à votre univers, peuvent faire les pires erreurs, vous les soutenez contre vents et marées, parce qu'à l'avance ils sont intouchables, tandis qu'Anelka, même si par intérêt vous respectez le pouvoir que la célébrité et la richesse lui confèrent, dans le fond vous considérez que c'est de la racaille et, dès que vous en avez l'occasion, vous l'accablez, d'avance il est dans le camp des coupables. vous considérez qu'il est normal de châtier les voyous de bas étage, et vous donnez en permanence ce spectacle affligeant de l'élite offusquée dès qu'on touche à ses membres, qu'il s'agisse des politiciens de tous bords ou qu'il s'agisse des grands patrons avec leurs salaires mirobolants et leurs résultats souvent nuls. Tous ceux-là quand ils sont mis en cause, on a l'impression qu'est commis un crime de lèse-majesté. Alors qu'aux petites gens, aux mal nés, à ceux qui ne font pas partie de votre caste, vous appliquez par avance un principe de culpabilité, pour eux c'est normal de porter les menottes, pas pour vous.
Le ministre du Travail tente une parade classique, il nie:
-C'est faux, nous défendons les valeurs de la démocratie.
-Ah bon? En venant ici, j'ai entendu à la radio la petite information qu'à mentionnée Monsieur Valls, à propos de cette femme qui a volé un morceau de viande pour nourrir son enfant. Le procureur estime que cette femme mérite une peine de prison ferme. Et pendant ce temps, des tas de politiciens qui devraient être jugés gambadent. Les agressions sexuelles de Strauss-Kahn sont périmées pour la justice et, quand Chirac était encore en état, on entendait sans arrêt des élus s'indigner: "Mais il a donné sa vie au service de la France" ou encore "C'est un homme sympathique." Est-ce une raison pour qu'il y ait deux genres de justiciables ? Les puissants méritants et sympathiques, et les pauvres, incapables et antipathiques, juste bons à payer. Je connais des tas de jeunes mecs sympas qui sont en prison. Moi, mon père est très sympathique et il a consacré sa vie de fonctionnaire à travailler pour la France, c'est un aussi bon gars que vos dignitaires de la République, mais aujourd'hui, il a reçu une injonction de payer 180 euros pour un excès de vitesse minime et, s'il ne paie pas, il sera harcelé jusqu'à ce qu'on le saigne. Voyez-vous monsieur le Ministre, c'est que cette France d'en bas est majoritaire et qu'elle risque de se tourner vers le Front National parce que vous avez perdu tout sens des réalités, vous êtes comme les aristocrates de l'Ancien Régime, vous vous pensez légitimes en tout et au-dessus des lois, mais ça va vous retomber sur la gueule.
Silence lourd, le ministre hoche la tête peu habitué à recevoir des coups aussi francs. Mais habitué au combat, il ne lâche jamais et fait une dernière tentative, grimaçant un sourire qui se veut ironique:
-C'est du populisme, de la démagogie, on croirait entendre Marine Le ,Pen, vous êtes dans son camp?
-Non, c'est vous en n'admettant pas ces réalités, qui entretenez le monstre.
.../..."
extraits de Insurrection de Pierre Maraval- Editions Hugo&Cie
INSURRECTION Roman de Pierre MARAVAL par maraval
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illustrations source: Toile
samedi 17 mai 2014
bienvenue
Karakaya aux platines
N'AYONS PLUS PEUR
"J'ai travaillé dans un centre social et on m'a dit "Donne pas la main aux enfants parce que c'est plus des bébés.".
J'ai travaillé dans un lycée ZEP et quand j'ai dit que j'étais en difficulté car je manquais de moyens, on a privé les élèves de mon intervention pour les punir d'avoir été trop difficiles.
J'ai travaillé en institut médico-éducatif et on m'a dit "Ne sois pas trop proche avec N. , tu sais, les enfants trisomiques sont trop affectifs".
J'ai travaillé avec des adolescents dits "délinquants" et on a souligné ma trop grande sensibilité lorsque je m'insurgeais contre la mise à la rue d'un jeune majeur en période de grand froid.
J'ai travaillé auprès de personnes vivant avec une maladie mentale et on m'a dit, entre le plat et le dessert un jour d 'été, "t'as du courage, t'as pas peur?".
Je suis devenue maman et on m'a dit "Ne porte pas trop ta fille, tu vas en faire un démon".
Une petite fille m'a dit "Tu sais, mon papa est enfermé dans une maison car il m'a fait du mal, mais il me manque", en serrant ma main même si elle avait pas le droit d'être un bébé.
Des jeunes adolescents dont l'école n'avait pas voulu se sont inquiétés pour mon salaire quand je leur est annoncé que nous allions cesser de nous rencontrer au lycée.
Une enfant -trisomique- m'a dit "Viens, on prend un bateau et on va manger des hamburgers".
Un adolescent -délinquant- m'a offert un Snickers après que j'ai soigné une plaie à son pied, un de ces soirs de "passage à l'acte".
Un gars m'a dit "Les gens pensent tous que je suis fou alors je crie tout seul dans la rue; que je le fasse ou non, le regard des gens ne change pas et moi ça me fait du bien".
De quoi avons-nous peur, si ce n'est de cet autre que nous sommes censés accompagner?
Avons-nous peur du lien?
Parfois, on parle d'habitude ou de dépendance pour justifier et théoriser la mise à distance.
Avons-nous donc peur d'habituer l'autre à la bienveillance?
Et si, l'instant d'une subversion nécessaire, travailleurs sociaux, soignants, hommes et femmes, arrêtions d'avoir peur?"
-Célia Carpaye- Lien Social n°1140-
découvert sur "La Crevaison"
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