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Au fil des années j'y ai entassé d'autres souvenirs, d'autres boites remplies de traces archéologiques de ma propre existence, des objets qu'avaient plus leur place dans ma chambre mais que je voulais pas jeter, comme ce poster des Doors qu'avait veillé sur toute mon adolescence alors qu'en fait je suis né vingt-cinq ans après la mort de Jim Morrison. Aujourd'hui je ne sais pas si j'arriverais à entrer tout entier dans mon réduit tellement j'y ai accumulé de choses. Ou peut-être bien que j'y entrerais très facilement, qu'y aurait pas tant de traces que ça et que leur médiocrité et leur vacuité me décevraient jusqu'à la moelle. C'est pour ça que je veux pas imaginer trop précisément mon réduit, j'ai trop peur de faire face à l'absence de ma nature
-hey, pas mal ça, faudra que je note.
Donc dans mon panoramique mental je vois les deux portes coulissantes, les tas de fringues et la petite trappe dans le mur, c'est tout et c'est bien comme ça.
Merde, comme souvent j'ai ouvert les yeux sans m'en rendre compte en pensant à mon réduit. Je regarde que le plafond, mais j'ai plus bien envie de jouer à me concentrer. C'est toujours à la fin du panoramique que je fais le plus d'erreurs de toute façon. Je regarde rapidement les dernières étapes manquantes; après le placard, mon bureau avec mon ordi posé dessus, mon casque audio, ma chaise, la corbeille à papier et puis l'angle, hop, on tourne pour arriver au point de départ, sur ce pan de mur y a guère que la fenêtre et le radiateur en fonte au-dessous, ma table de chevet et de nouveau ma tête posée sur l'oreiller. Un jour peut-être je changerai mon lit de place pour avoir cette partie-là bien en face de moi. J'ai essayé une fois de mettre le plumard en plein milieu de la pièce, mais en fait ça l'a pas fait. Le reste rentrait pas c'était galère, et puis les quatre côtés du pieu ouverts non vraiment, mauvaise idée.
Dehors j'entends un groupe de jeunes, ils rentrent du collège, j'imagine. Je les entends raconte(r leurs conneries et se pousser sur les bagnoles. La moitié de ce qu'ils braillent sont des insultes, je suis pas si vieux mais j'en comprends déjà plus la moitié. La masse informe et anonyme passe sous ma fenêtre: j'espère qu'ils vont pas jeter un caillou sur mes voltes comme l'autre fois."
Thomas Rosier extrait de: "Un monde de salauds souriants Editions Actes Sud
"La franchise est la première vertu d'un défunt."
Joaquim Maria Machado de Assis
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