"Comme dans un film américain
Elle est descendue à 9 heures
De sa voiture décapotable
Elle a dîné d'un hamburger
Et d'un ice-cream jambon-banane
Comme dans un film américain
Je me suis allumé du cigare
J'ai travaillé sous mon chapeau
En me disant mon vieil Edgar
Cette nana tu l'as dans la peau
Comme dans un film américain
Comme dans un film américain
Comme dans un film américain
Dans son rocking-chair Ségalot
Elle a pris un cocktail indien
Elle est descendue à 9 heures
De sa voiture décapotable
Elle a dîné d'un hamburger
Et d'un ice-cream jambon-banane
Comme dans un film américain
Je me suis allumé du cigare
J'ai travaillé sous mon chapeau
En me disant mon vieil Edgar
Cette nana tu l'as dans la peau
Comme dans un film américain
Comme dans un film américain
Comme dans un film américain
Dans son rocking-chair Ségalot
Elle a pris un cocktail indien
En croisant les jambes si haut
Qu'on lui voyait le bout des seins
Comme dans un film américain
Je m'approchai d'elle à pas de loup
Je lui dis baby I love you
Elle m'a répondu :
Mais moi j't'emmerde
Tout comme dans un film français."
Qu'on lui voyait le bout des seins
Comme dans un film américain
Je m'approchai d'elle à pas de loup
Je lui dis baby I love you
Elle m'a répondu :
Mais moi j't'emmerde
Tout comme dans un film français."
Hubert-Félix Thiefaine "Court métrage"
Soudain,
il prit un coup de chaud en voulant déclarer sa flamme portuaire.
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"J’avais oublié la plage.
L’odeur
de la crème solaire qui pique les narines. Humecter ses lèvres juste
pour y goûter le sel. Le vendeur à la sauvette qui crie chichis et celui
qui veut vous vendre chapeaux et casquettes. L’invasion sonore de ce
groupe de kékés tout juste pubères. Le sable, partout, le sable qui
colle, qui glisse, qui s’immisce dans tous les recoins, jusque dans les
écouteurs, dans les coutures des vêtements et du tote bag, si bien qu’on
sait qu’on retrouvera des reliques de cette plage sur son lit quelques
mois plus tard, mais tant pis, tant qu’on peut s’y brûler les orteils en
soupirant le dos cambré que ça fait du bien d’être arrivé.
J’avais
oublié la plage. Mais pas n’importe quelle plage. La plage bondée. La
plage et ses juillettistes qui s’amassent, leurs serviettes collées à
moins d’un mètre, l’odeur des corps qui concurrence celle de la crème
solaire, vouloir voir la mer mais voir un bide à bière, et des pieds en
éventail trop proches de la tête.
Tous
ces corps. J’avais oublié les corps. Gros, grands, gras, gaulés,
gainés. Jeunes, vieux, entre deux âges. En bandes ou à part. Blancs,
noirs, bruns, écarlates. Corps suintants de sueur, monoï et eau de mer
mélangés. Ils se frôlent. Slaloment. Il y a ceux qui arrêtent de
respirer pour traverser la plage, ça se voit, les cotes remontent un
peu, le visage crispé et pas seulement parce que le sable est chaud, pas
seulement parce que la mer est froide, mais parce qu’ils sentent ou
qu’ils imaginent ces centaines d’yeux braqués sur leur croupe. D’autres
au contraire respirent tranquilles, acceptant la fesse molle, flasque,
capitonnée, tatouée de lignes blanches ou violacées, le ventre gonflé
par le sandwich au thon du midi, la sueur qui perle dans les bourrelets,
les cuisses rougies à l’intérieur de trop se toucher. J’ai envie de les
toucher. Je n’ai jamais trouvé de corps si beaux.
D’habitude je me dirais : «Qu’ils sont moches ils me gâchent ma mer.»
Et tous autant qu’ils sont, même ces aspirants supermodels qui défilent
devant nos serviettes, ventres plats, jambes à n’en plus finir, seins
qui tiennent tous seuls en place, pectoraux luisants et gonflés. Car
personne n’est aussi beau que la mer. Son calme impérieux quand elle
emporte tout sur son passage, châteaux de sable, romans de gare et
peines de cœur. Sa façon de s’imposer sans rien dire, de pousser le
monde au fur et à mesure qu’elle monte, implacable, esclave et maîtresse
de son cycle lunaire.
D’ailleurs
je dis la mer par habitude mais là je regarde l’océan. Ma mer c’est la
Méditerranée, sa marée est imperceptible, pas comme l’Atlantique. Je
suis à Biarritz, à la Grande Plage, celle où l’on ne peut se baigner que
sur les 20 mètres de champ de vision des maîtres-nageurs-sauveteurs
vêtus de rouge et jaune. Alors les corps se collent encore plus. Leurs
épaules trempées s’entrechoquent. Ils sautent en rythme dans les vagues
plus hautes qu’eux, comme de grands enfants et leur immense corde à
sauter, ils plongent, boivent la tasse, la morve sous le nez, riant aux
éclats, les cheveux dans les yeux, ils se crachent dessus, ils ont
oublié les germes, la peur, la guerre. La mer a cet effet-là aussi. Elle
efface.
Entre deux vagues je me revois dans
la chambre sombre de ce 35 mètres carrés rue de Charonne. C’était le
premier confinement, Macron avait dit on est en guerre, et moi je
gémissais : «Emmène-moi voir la mer.» A cet instant j’avais peur
de tout. Peur des autres et surtout de les respirer. Mes muscles tendus
au point de faire des crampes. Le sel sur mes lèvres c’était celui des
larmes, qui coulaient jusqu’à l’assèchement complet du canal lacrymal. A
cet instant je voulais voir la mer pour qu’elle m’engloutisse toute
entière. La mer d’hiver, froide et déchaînée, comme les crises qui
secouaient ma carcasse. La mer sans la plage. Vide. Sans un corps à
l’horizon.
Mais
aujourd’hui je ne veux qu’eux. Qu’ils se plantent devant moi avec leurs
serviettes de mauvais goût et leurs nuisances sonores. Qu’ils osent
respirer leur air et sentir leur odeur à moins d’un mètre. Qu’ils me
touchent, même.
Vous savez ce que c’est de ne
plus toucher aucun corps ? Vous savez, peut-être, car peut-être que
vous aussi avez passé l’année seuls. Peut-être que vous aussi avez perdu
la tête, ou bien perdu l’amour. Ecouté le silence. Serré vos mains fort
l’une contre l’autre, juste pour se souvenir. Regardé la forme
invisible laissée sur le lit. Touché le vide.
Aucun
corps. Même quand on a le droit de sortir, même quand on lève la
restriction kilométrique. On reste à un mètre. On salue de loin. On
n’ose plus s’approcher, on sourit gênés. La distance infiltrée partout.
Et quand on se touche, est-ce qu’on se touche vraiment ? Contact
hésitant. Trop rapide. Coupable, presque. Et seulement superficiel. Plus
personne ne se touche au cœur.
Eux,
pourtant, ils m’émeuvent. Les corps de la Grande Plage et leur chair
parfaitement disgracieuse. Le mouvement lent et désordonné de cette
masse d’individus que rien ne rassemble à part peut-être cramer sous le
même soleil. Et peut-être, d’ailleurs, que c’est le soleil qui me tape
sur la tête, mais dans mes yeux c’est beau comme un ballet. Leurs gestes
sont ralentis, miraculeusement synchrones. La partition ce n’est pas
Stravinsky mais Tchikita de Jul que les kékés écoutent en boucle.
Et ils bougent en cadence, inconscient de la beauté singulière du
spectacle qu’ils offrent à ceux qui prennent la peine de vraiment
regarder.
Les sauveteurs ont sifflé et tous s’éloignent de l’eau.
En
rythme, flip, flap, font leurs cuisses. Il y a quelques faux pas, des
jambes qui flanchent ; bustes propulsés en avant, genoux à terre. On
voit des seins et des sillons interfessiers sortant des maillots. Des
algues collées dans les cheveux, et des sachets plastiques échoués sur
la rive.
Mais
il y a aussi la chair de poule sur les bras mouillés, et ces gouttes
salées qui brillent au soleil. Un homme qui saisit un enfant que l’eau
ravale en arrière. Des mains s’attrapant pour garder l’équilibre. Des
corps repus qui s’étalent sur le sable. Et leurs sourires aux lèvres.
J’avais oublié la plage et la vie qui y grouille.
Derrière,
la mer est belle, puissante, immense. Je ne l’ai jamais oubliée, mais
je ne la regarde plus. Je regarde les corps. Et je me dis que la mer,
elle, sera encore là quand on sera morts."
Mathilda di Matteo lauréate du concours "Avoir 20 ans en 2021" (réservé aux moins de 30 as) et organisé par "Libération et le" festival du grand bivouac"
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