mardi 1 décembre 2020

tout change, tout le temps


"Ici, dit la raison

c’est peut-être encore la mer,

la vie puissante

sa tendre indifférence.

Passer est le lot le plus simple.

Passer

et cependant rendre les armes

à la splendeur." 
                                                          Jean-Marie Barnaud extrait de: "Fragment d'un corps incertain" 
 
 
 
Soirée au poêle
 
Fragrance des voiles de nuit
en apparence de brume entrelacée
au bois brûlé,
avant qu'il ne s'évade
dans la sorgue







"Je suis changeant, nous sommes changeants, le monde est changeant. La seule chose qui ne changera jamais, c'est que tout change, tout le temps." 
Emmanuel Carrère extrait de: Yoga"

 
 
 "Au loin toujours les rumeurs de moteur, quelques coups de fusils, des aboiements perdus. L'azur par dessus tête à s'asperger la tronche dans l'agonie tranquille. Et puis baisser les yeux tout au fond de l'herbe trempée, des fossés dépeignés. Un pas d'un caillou l'autre sur les chemins qui ne vont nulle part. Sans regarder plus loin que le bout de ses pieds. J'ai la terre dans la main. C'est froid ça fait du bien. Bris de verre d'oiseaux. Gueule de coq. Corbeau carnage. Une mésange toute jaune sur la carcasse très bleu d'un voiture abandonnée. Une gorgée de rouge-gorge et l'écorce écorchée d'un très vieil amandier. Miniature de givre sur la mort des feuilles. Saveurs poisons secrets. Trois mille éclats par centimètre au creux des plantes de rien dont personne ne se souvient. Les baies fluorescentes et l'âtre des lichens. Les pourpres oubliés. Petits bijoux pourris aux dernières grappe des vignes. Je marche plus ignorant qu'un chien qui fourre sa truffe chaude dans les tripailles du monde. Insecte, chasseur, passereaux, chat, promeneur. ça charogne tranquille. Chacun à l'affut de sa goulée ventrue, sa part de lumière à mâchouiller, sa raison de vivre."
Thomas Vinau  "Tripailles"pour: "ETC-ISTE"

" C’est un vieil homme debout à l’arrière d’un bateau. Il serre dans ses bras une valise légère et un nouveau-né, plus léger encore que la valise. Le vieil homme se nomme Monsieur Linh. Il est seul à savoir qu’il s’appelle ainsi car tous ceux qui le savaient sont morts autour de lui.

Debout à la poupe du bateau, il voit s’éloigner son pays, celui de ses ancêtres et de ses morts, tandis que dans ses bras l’enfant dort. Le pays s’éloigne, devient infiniment petit, et Monsieur Linh le regarde disparaître à l’horizon, pendant des heures, malgré le vent qui souffle et le chahute comme une marionnette.

Le voyage dure longtemps. Des jours et des jours. Et tout ce temps, le vieil homme le passe à l’arrière du bateau, les yeux dans le sillage blanc qui finit par s’unir au ciel, à fouiller le lointain pour y chercher encore les rivages anéantis.

Quand on veut le faire entrer dans sa cabine, il se laisse guider sans rien dire, mais on le retrouve un peu plus tard, sur le pont arrière, une main tenant le bastingage, l’autre serrant l’enfant, la petite valise de cuir bouilli posée à ses pieds.

Une sangle entoure la valise afin qu’elle ne puisse pas s’ouvrir, comme si à l’intérieur se trouvaient des biens précieux. En vérité, elle ne contient que des vêtements usagés, une photographie que la lumière du soleil a presque entièrement effacée, et un sac de toile dans lequel le vieil homme a glissé une poignée de terre. C’est là tout ce qu’il a pu emporter. Et l’enfant bien sûr.

L’enfant est sage. C’est une fille. Elle avait six semaines lorsque Monsieur Linh est monté à bord avec un nombre infini d’autres gens semblables à lui, des hommes et des femmes qui ont tout perdu, que l’on a regroupés à la hâte et qui se sont laissé faire.

Six semaines. C’est le temps que dure le voyage. Si bien que lorsque le bateau arrive à destination, la petite fille a déjà doublé le temps de sa vie. Quant au vieil homme, il a l’impression d’avoir vieilli d’un siècle."
Philippe Claudel extrait de: "La petite fille de Monsieur Linh
 

 

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 "Nautilus" fruit d'une rencontre entre Ariel Néo artiste peintre/réalisatrice du clip et 
le duo musical fouesnantais Lunis:

 


 Découvert chez: KUB

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Écrire pour ne pas mourir

"Que je sois née d'hier ou d'avant le déluge
J'ai souvent l'impression de tout recommencer
Que j'aie pris ma revanche ou bien trouvé refuge
Dans mes chansons, toujours, j'ai voulu exister
Que vous sachiez de moi ce que j'en veux bien dire
Que vous soyez fidèles ou bien simple passant
Et que nous en soyons juste au premier sourire
Sachez ce qui, pour moi, est le plus important
Oui le plus important

Écrire pour ne pas mourir
Écrire, sagesse ou délire
Écrire pour tenter de dire
Dire tout ce qui m'a blessée
Dire tout ce qui m'a sauvée
Écrire et me débarrasser
Écrire pour ne pas sombrer
Écrire, au lieu de tournoyer
Écrire et ne jamais pleurer
Rien que des larmes de stylo
Qui viennent se changer en mots
Pour me tenir le cœur au chaud

Que je vive cent ans ou bien quelques décades
Je ne supporte pas de voir le temps passer
On arpente sa vie au pas de promenade
Et puis on s'aperçoit qu'il faudra se presser
Que vous soyez tranquille ou plein d'inquiétude
Ce que je vais vous dire, vous le comprendrez
En mettant bout à bout toutes nos solitudes
On pourrait se sentir un peu moins effrayé
Un peu moins effrayé
Écrire pour ne pas mourir
Écrire, tendresse ou plaisir
Écrire pour tenter de dire
Dire tout ce que j'ai compris
Dire l'amour et le mépris
Écrire, me sauver de l'oubli
Écrire pour tout raconter
Écrire au lieu de regretter
Écrire et ne rien oublier
Et même inventer quelques rêves
De ceux qui empêchent qu'on crève
Quand l'écriture, un jour, s'achève

Qu'on m'écoute en passant, d'une oreille distraite
Ou qu'on ait l'impression de trop me ressembler
Je voudrais que ces mots qui me sont une fête
On n' se dépêche pas d'aller les oublier
Et que vous soyez critique ou plein de bienveillance
Je ne recherche pas toujours ce qui vous plaît
Quand je soigne mes mots, c'est à moi que je pense
Je veux me regarder sans honte et sans regrets
Sans honte et sans regrets

Écrire pour ne pas mourir
Écrire, grimace et sourire
Écrire et ne pas me dédire
Dire ce que je n'ai su faire
Dire pour ne pas me défaire
Écrire, habiller ma colère
Écrire pour être égoïste
Écrire ce qui me résiste
Écrire et ne pas vivre triste
Et me dissoudre dans les mots
Qu'ils soient ma joie et mon repos
Écrire et pas me foutre à l'eau
Et me dissoudre dans les mots
Qu'ils soient ma joie et mon repos
Écrire et pas me foutre à l'eau

Écrire pour ne pas mourir

            Pour ne pas mourir"
                            Anne Sylvestre chez: "La pierre et le sel"          
 
                         
                                                      illustration Source

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