"Ils me disent, tes yeux, clairs comme le cristal :
» Pour toi, bizarre amant, quel est donc mon mérite ? «
– Sois charmante et tais-toi ! Mon coeur, que tout irrite,
Excepté la candeur de l’antique animal,
Ne veut pas te montrer son secret infernal,
Berceuse dont la main aux longs sommeils m’invite,
Ni sa noire légende avec la flamme écrite.
Je hais la passion et l’esprit me fait mal !
Aimons-nous doucement. L’Amour dans sa guérite,
Ténébreux, embusqué, bande son arc fatal.
Je connais les engins de son vieil arsenal :
Crime, horreur et folie ! – Ô pâle marguerite !
Comme moi n’es-tu pas un soleil automnal,
Ô ma si blanche, ô ma si froide Marguerite ?"
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal
« Il me semble que ma première qualité, sans me vanter, est d'être en harmonie avec mon environnement. Là où tu me vois, je ne peux être ailleurs. T'es-tu jamais demandé qui m'avait mis là ?
Éruption, tremblement, chaos, cours d'eau ou promeneur solitaire... Cela n'intéresse personne et moi encore moins que les autres, je suis là de toute nécessité. Ma place ne dépend pas de moi ; aujourd'hui ici, demain ailleurs, toujours dans le monde dont je suis qu'une partie de l'édifice.
Je suis inscrite aussi dans la durée : le temps présent certes, mais je suis aussi le témoin d'un passé vivant qui imprègne la nature ; de même, je suis garante d'une actuelle éternité : je suis la succession de tous les temps.
Tu diras ...ton enveloppe te limite...oui, et cela affirme ma volonté. Car, de la sorte, elle ne m'échappe en aucune manière, ne me joue pas de tours. J'en suis le maître tout-puissant, le possesseur infini. Je suis le mode d'être par excellence : entière, une, indivisible ; rien autour de moi ne m'appartient hormis mon être."
Tu diras...ton enveloppe est pauvre...oui, et c'est ce qui fait ma richesse, ma pureté, mon authenticité. Je ne suis pas une apparence, un leurre ; ma surface est celle que tu vois, sans surprise. Il y a en moi concordance entre ce que tu vois et ce que tu ne vois pas. Je suis noyau sans fioriture, brut, nu, et pourtant si solide.
Tu diras ...tu ne fais envie à personne...(sauf à l'apprenti grec) non, et je ne fais rien pour me faire admirer et même le contraire, car je peux devenir l'obstacle qu'il faudra gravir. Et je n'en suis que plus convoitée...
Je suis la force incarnée : mon vouloir et mon pouvoir ne font qu'un. Complètement impuissante sur le monde et sur les autres, je suis toute-puissante sur moi-même. Je suis parfaitement ajustée à moi-même. Je suis l'essence même...
Alors le philosophe, pensif, reprenant sa marche, lui lança : es-tu heureuse au moins ?
"L'équilibre est un effort et un courage de tous les instants. La société qui aura ce courage est la vraie société de l'avenir."
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