Grand rassemblement le 4 mars dès 9h30 à Blain pour soutenir les habitant.es convoqué.es à la gendarmerie
L’attaque judiciaire de la zad qui a commencé le 22 janvier avec l’arrestation de cinq personnes s’est poursuivie jeudi 14 février avec la convocation d’une dizaine d’habitant.es de la zad. Le 4 mars, à la gendarmerie de Blain, nous ne les laisserons pas seuls face à la justice et appelons à un rassemblement de soutien dès 9h30 et toute la journée. Un banquet sera servi à midi.
Jeudi
14 au matin, les gendarmes sont venus notifier à au moins une dizaine
d’habitantes et habitants de la zad leur convocation à la gendarmerie de
Blain le 4 mars prochain. Ils ne sont pour l’instant pas mis en examen
mais convoqués en tant que témoins, à la suite des arrestations du 22
janvier. Toutefois, nous devons rester extrêmement vigilants, car nous
savons que le juge ou les gendarmes pourraient vouloir les inculper, eux
ou d’autres habitants. En effet, le dossier repose sur des
dénonciations calomnieuses ayant déjà entraîné trois mises en détention
sur la simple foi de témoignages sous X ou du récit de Kévin B.,
celui-là même qui assume avoir donné des coups de hache à Greg, paysan à
la ferme de Bellevue. C’est pourtant ce dernier qui a été mis en examen
et incarcéré durant deux semaines dans cette affaire. Dans le cadre
d’un tel retournement de situation, on ne sait donc pas qui pourrait
encore être la victime de ces délations malveillantes…
De
plus, l’accusation d’association de malfaiteurs, abandonnée par la
juge, était à nouveau signifiée, contre X, sur les convocations. Ce chef
d’inculpation est tristement célèbre dans les luttes pour être une des
armes utilisées par l’État en vue de briser les résistances.
Ce
montage en épingle arrive à point nommé pour tenter de fragiliser
l’avenir qui se construit à la zad. Il serait insupportable que de
nouvelles personnes se retrouvent mises en examen, incarcérées ou
interdites de territoire dans cette affaire. Parmi cette dizaine de
personnes convoquées, la plupart sont impliquées dans les activités
artisanales et agricoles de la ferme de Bellevue, dont le fonctionnement
collectif se trouverait extrêmement mis à mal par de nouveaux
emprisonnements ou contrôles judiciaires. Tout le mouvement est concerné
par leurs auditions, c’est pourquoi nous appelons à se rassembler le 4 mars
devant la gendarmerie de Blain pour les soutenir. Et pour soutenir
également Ben et F., toujours en prison, et Sarah et Guillaume,
injustement éloignés de la zad, de leurs maison, de leurs activités, de
leurs amis, de nous.
Des habitant.es de la zad, NDDL Poursuivre Ensemble, COPAIN
source: ZADIBAO
Lettre de Greg, l’un des inculpés du 22 janvier
22 février 2019, Saint-Jean-du-Tertre
Amis, camarades,
J’ai
reçu il y a quelques jours les lettres, les cartes et les dessins
destinés à me parvenir en prison. À défaut de pouvoir répondre à chacun,
c’est pour moi l’occasion de tous vous remercier : ceux que je n’ai pas
encore croisés depuis ma sortie, ceux qui par modestie n’ont pas
entendu ma gratitude.
Si
je n’avais pas été remis en liberté, j’aurais accroché les cartes
postales, les poèmes, les dessins de la crèche, les témoignages de
soutien, les communiqués et les photos des chantiers collectifs aux
côtés des photos de mes enfants sur le mur de la cellule.
Ces
mots et ces images ont soulagé mes proches, et permis que nous restions
soudés et plutôt confiants face à une action judiciaire obscure et
agressive.
Libre, je retiens ces gestes parmi ceux qui me guideront dans les moments difficiles.
Que
nous vivions ici ou plus loin, nous avons défendu ce petit bout de
territoire collectivement, pendant des années, comme s’il s’agissait de
notre jardin. C’est-à-dire en nous sentant responsables de ce qu’il en
adviendrait. Ça ne s’est pas passé sans difficultés, nous avons fait de
nombreuses expériences, a fortiori de nombreuses erreurs. Même
lorsqu’elles ont été commises par d’autres, nous nous en sentons
responsables, et en effet toutes nous concernent : c’est la nature
délicate et exigeante d’une lutte collective et de son bilan. La façon
dont nous avons pris en charge les conflits et les épreuves, quelle
qu’en soient l’origine, fait partie de cet héritage, que nous qui
continuons de chérir ce jardin ne pouvons simplement céder à l’arbitrage
d’un tribunal ou dénoncer d’un trait de plume. Les gestes de soutien
portés durant mon incarcération me démontrent que nous sommes encore
nombreux à ne pas rejeter cette responsabilité-là.
Ces gestes me rappellent ainsi ma responsabilité envers vous.
Il me semble juste de rappeler ici ce en quoi consiste cet engagement.
Il
y a un an et demi, avant l’abandon de l’aéroport, donc, j’ai demandé à
devenir l’exploitant officiel de certaines parcelles prises en charge
par le mouvement de lutte. Il s’agissait, en faisant reconnaître à
l’administration mon travail au sein du collectif Grand Troupeau
Communal et du groupe vache à Bellevue, d’obtenir un statut qui me
permettait d’éviter, déjà, une incarcération inutile liée à une
manifestation anti-aéroport. Devant une assemblée de paysans défenseurs
de ces terres, j’ai donc scellé un contrat moral, c’est-à-dire que nous
nous sommes dit les choses, que nous nous sommes regardés, et que l’on
m’a fait confiance. Ce n’est pas rien, la confiance, parce que
personnellement, on m’a plus souvent dit que j’étais une merde que « on
t’accorde notre confiance ». Elle a infiniment plus de poids, cette
parole donnée, que tous les papiers à en-tête officiels du monde.
Je
me suis donc engagé à ce que ces terres auxquelles mon nom est associé
dans d’obscurs fichiers administratifs demeurent communes. La
responsabilité engagée dans cette parole donnée dépasse ce que les
termes d’un contrat écrit pourraient recenser, en ce sens que pour moi
tous les autres acteurs du mouvement en sont les témoins. À ce moment où
notre avenir était en sursis, ça pouvait aussi bien vouloir dire que
mon nom s’effacerait plus tard au profit d’un nouvel installé, ou encore
que ces quelques parcelles rejoindraient un pot commun sur lequel les
administrations auraient le moins de prise possible. Aujourd’hui, alors
que j’ai signé une convention d’occupation précaire, bientôt transformée
en bail, cet engagement implique que l’usage agricole des terres qui me
sont rattachées demeurent soumis à la décision des producteurs réunis
en assemblée, tout comme l’usage des bâtiments, siège de notre activité,
demeure soumis au collectif d’usagers de la ferme. Au-delà de ces
fonctionnements déjà existants, il y a une responsabilité plus profonde,
pour nous qui avons au quotidien la charge et la jouissance de ce
morceau de terre, qui consiste à ce qu’il serve un commun plus grand que
nous. La constance, la loyauté désintéressée de ceux qui continuent à
se mobiliser pour l’avenir de l’ex-zad, est là pour nous le rappeler.
Nous
avons une responsabilité envers ce territoire, en participant à
renforcer les solidarités, les outils de mutualisation, en se battant
via de nouvelles installations pour qu’il ne soit pas soldé au profit de
l’agrandissement de quelques exploitations opportunistes ou de tout
autre projet destructeur.
Nous
avons une responsabilité à nourrir, à notre mesure, les projets de
transformations sociales qui naissent dans la chaleur d’autres luttes,
tout comme des résistances passées ou présentes ont apporté ici de leurs
outils, de leurs histoires.
Nous
en avons une envers les autres êtres vivants avec qui nous partageons
ces terres, que ce soit la buse ou le crapaud avec qui nous avons
sympathisé, le chêne ou l’ajonc qui bordent nos parcelles.
Nous
avons à trouver des modes d’organisation de vie et de travail qui nous
donnent de la joie. C’est là une fidélité envers nous-même à laquelle
nos enfants grandissant ici nous rappellent sans cesse.
Je
pourrais écrire des pages sur ce qui, très concrètement, se fait ou se
projette dans ces quatre différents registres. La période de
semi-autonomie de la zone à défendre a ouvert de nombreuses pistes, en a
fermé d’autres. À mon sens, la fin du projet d’aéroport nous permet
d’approfondir l’exercice de ces responsabilités. Nous ne sommes qu’au
début du chemin, alors, avant de reprendre la route, permettez-moi de
vous le dire à nouveau : merci.
Greg Minday
source: ZADIBAO
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