mercredi 9 novembre 2016

Ô poésie


    photo de Camille, le fiston voyageur en ballade près des "Portes de l'enfer" en Nouvelle Zélande


"Et je pourrais
tout à l'heure, au sursaut du réveil brusque,
dire ou tenter de dire le tumulte
des griffes et des rires qui se heurtent
avec l'avidité sans joie des vies primaires 
au rebord disloqué de la parole.
Je pourrais m'écrier que partout sur terre
injustice et malheur ravagent le sens
que l'esprit a rêvé de donner au monde,
en somme, me souvenir de ce qui est,
n'être que la lucidité qui désespère
et, bien que soit retorse
aux branches du jardin d'Armide la chimère
qui leurre autant la raison que le rêve,
abandonner les mots à qui rature,
prose, par évidence de la matière,
l'offre de la beauté dans la vérité.

Mais il me semble aussi que n'est réelle
que la voix qui espère, serait-elle
inconsciente des lois qui la dénient.
Réel, seul, le frémissement de la main qui touche
la promesse d'une autre, réelles, seules,
ces barrières qu'on pousse dans la pénombre,
le soir venant, d'un chemin de retour,
je sais tout ce qu'il faut rayer du livre,
un mot pourtant reste à brûler mes lèvres.

Ô poésie,
je ne puis m'empêcher de te nommer 
par ton nom que l'on n'aime plus parmi ceux qui errent
aujourd'hui dans les ruines de la parole.
Je prends le risque de m'adresser à toi, directement,
comme dans l'éloquence des époques
où l'on plaçait, la veille des jours de fête,
au plus haut des colonnes des grandes salles,
des guirlandes de feuilles et de fruits.

Je le fais, confiant que la mémoire,
enseignant ses mots simples à ceux qui cherchent
à faire être le sens malgré l'énigme,
leur fera déchiffrer, sur ses grandes pages
ton nom un et multiple, où brûleront
en silence, un feu clair,
les sarments de leurs doutes et de leurs peurs.
"Regardez, dira-t-elle, dans le seul livre
qui s'écrive à travers les siècles, voyez croître
les signes dans les images. 
Et les montagnes bleuir au loin,
pour vous être une terre;
Ecoutez la musique qui élucide
de sa flûte savante au faîte des choses
le son de la couleur dans ce qui est."

Ô poésie,
je sais qu'on te méprise et te dénie,
qu'on t'estime un théâtre, voire un mensonge,
qu'on t'accable des fautes du langage,
qu'on dit mauvaise l'eau que tu apportes
à ceux qui tout de même désirent boire
et déçus se détournent, vers la mort.

Et c'est vrai que la nuit enfle les mots,
des vents tournent leurs pages, des feux rabattent
leurs bêtes effrayées jusque sous nos pas.
Avons-nous cru que nous mènerait loin
le chemin qui se perd dans l'évidence,
non, les images se heurtent à l'eau qui monte,
leur syntaxe est incohérente, de la cendre,
et bientôt même il n'y a plus d'images,
plus de livre, plus de grand corps chaleureux du monde
à étreindre des bras de notre désir.

Mais je sais tout autant qu'il n'est d'autre étoile
à bouger, mystérieusement, auguralement,
dans le ciel illusoire des astres fixes,
que ta barque toujours obscure, mais où des ombres
se groupent à l'avant, et même chantent
comme autrefois les arrivants, quand grandissait
devant eux, à la fin du long voyage,
la terre dans l'écume, et brillait le phare;

Et si demeure
autre chose qu'un vent, un récif, une mer,
je sais que tu seras, même de nuit,
l'ancre jetée, les pas titubants sur le sable,
et le bois qu'on rassemble, et l'étincelle
sous les branches mouillées, et, dans l'inquiète attente
de la flamme qui hésite,
la première parole après le long silence,
le premier feu à prendre au bas du monde mort."
Yves Bonnefoy- extrait de: "Dans le leurre des mots" -Même au-delà du temps le jour se lève.
nrf  poésie/Gallimard/ Télérama






"Ici, tu vois tout est tranquille
Ici, ça va, ça vole, ça coule
Et s'il n'y a pas les lumières de la ville
La lune, c'est pas mal comme ampoule
C'est pas mal, les étoiles, à l'aise
C'est pas rien, la terre le matin
Voir le soleil qui s'couche au creux d'une falaise
Et se lève là-bas sur un bouquet de thym

Et puis, puis surtout, bien souvent, très souvent
Y a des coups, des beaux coups, beaucoup d'vent
Dorénavant, toi qui vends, soi-disant, vends du vent
Tu feras moins le malin, l'important
Devant autant de vent

Ici, tu vois tout est sauvage
Ici, la garrigue, le rocher
Avec la vigne pour faire bon ménage
La vigne a l'esprit de clocher

Les clochers, ils ont la dégaine
De clochers d'églises mexicaines
Imperturbablement laissant tomber leurs plombes
De bronze sur les saisons et sur les tombes

Et puis, puis surtout, bien souvent, très souvent
Y a des coups, des beaux coups, beaucoup d'vent
Tour à tour vent émouvant, enivrant, déchirant
Allégresse et détresse qui s'mélangent
Vent de diable et vent d'ange

Et puis tout redeviens paisible
Tu peux sortir ton cerf-volant
Et si ton chant passe à coté d'la cible
Autant, autant en emporte le vent"

Claude Nougaro




                           illustration source

           L'analyse de Michael Moore    26/07/2016
dans le Huffington Post
Cinq raisons pour lesquelles Trump va gagner à lire: ICI MÊME

(merci à Jacques Gaudin pour l'info)



                             illustration source: Toile


                     
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           illustration source


.../...Lorsque "Le Monde Libre" paraît, les spectateurs que nous sommes s’attendent à un récit de ses mésaventures ; à quelques clarifications polies qu’elle seule jugerait nécessaires pendant que le reste du monde a déjà oublié cette anecdote éditoriale. Sauf que non. Ce livre n’est pas un livre de journaliste, ce n’est pas un plaidoyer pour une presse plus "libre" ni une complainte envers l’entre-soi politico-médiatique, c’est une vengeance au napalm, des exécutions en série. Tout le monde y passe, ses chefs, ses patrons et ses collègues, les politiciens comme les pseudo intellectuels qu’elle a dû subir pendant des années. Elle les dégomme tous, un à un, sans passion ni méchanceté, simplement en décrivant ce qu’elle a vu d’eux, ce qu’ils sont. Courtisans, lâches, repus de médiocrité. C’est un livre extrêmement cruel, non pas dans son style mais dans la nullité et la bêtise crasse qu’il met à nu chez ces puissants qui tiennent le "débat public". Aude Lancelin, c’est cette première de la classe qui, injustement collée, débarque dans le bureau du principal avec un bidon d’essence à la main, coïncidence improbable, caillera et artistocratique, chimère de Booba et Karl Kraus.
Le monde libre est un livre infiniment réjouissant, il nous rappelle que jusque dans les bas-fonds du mensonge, la finesse, la justesse et le coeur peuvent ravager les menteurs, les puissants et les usurpateurs..../...source et article complet chez: LUNDIMATIN

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"L'écriture est le temps qui reste"
Frédéric Mitterrand


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