"Cela
commence partout toujours par la peur. Cela commence toujours partout par la
trouille de vivre la si libre secousse verticale franche et follement vive de
vivre. En ses vertigineux jaillissements. En ses incontrôlables geysers. En ses
éclaboussures instantanées si belles. En ses bouillonnantes splendeurs.
En ses
tornades qui dévissent l’anthracite aveuglant des trous noirs. En ses
postillons lumineux qui chevauchent à cru les alezans rouge-braise jusqu’à la
couronne battante du soleil.
En ses
enclumes aux forges sans fumée qui sont d’audace pure et qui n’ont marteaux ni
maîtres. Et qui tonnent du ventre des chants si hauts. Et qui ne sonnent que du
martyre ébahi d’oser vivre.
En ses
éclaboussées, yeux dans les yeux, de la femme et de l’homme face à face
splendides. Et les deux mains posées l’un sur l’autre sur l’épaule. Et qui
puissamment des deux bras s’embrassent seins contre seins où brassent à grand
air, éponges d’être les poumons. Ces forges ahurissantes à mille saccades
soufflées de vivre. Ces immenses sacrées pompes à être. Par où chacun croyant à
nul diable, à nul dieu, à plein goulot envahit contre l’effroyable, la muette
noyade ses éponges d’air. L’air le vif, l’air le bleu. L’air l’exigé, ce
gazomètre.
Oui, sur la
terre dans le ciel à trente kilomètres à la seconde par l’univers courbe qui
fonce.
Et qui
siffle d’un souffle que depuis toujours jalousent les serpents.
Cela
commence toujours par la haine intense et jamais avouée des fleurs.
Par la haine
jamais avouée de la crécelle grelottante du crotale.
Oui par la
haine jamais avouée de la splendeur retentissante rouge, blanche, jaune,
orange, mauve, violette et même rose-feu des fleurs. Par la détestation de la beauté
libre de leurs pétales, de leurs pistils, de leurs étamines turgescentes &
de leurs puissantes bouches enivrées, cannes-à-sucrées de la douceur follement
butinée du miel. Debout nues au vent ravageant & qui articulent les lèvres
toutes ourlées d’une parole immense. D’une parole immense.
Cela
commence toujours par la haine du jus juté vivace et si libre de la bonté, de
la beauté, ces indécentes, ces incandescentes.
Cela
commence par la pétoche de la nature plus vivante et cent mille fois plus
profonde que soi.
Cela
commence partout par la détestation de la splendeur qui sous le vent musculeux
frémit comme la plus souple, la plus furtive & verte des avoines.
Cela
commence partout par la rage ténébreuse et bondissante et maudissante contre la
sainteté si douce qui nous tient, celle qui rince nos yeux vers l’horizon
chaque matin qui lève raide tout neuf son unique, son effronté, son si fidèle
soleil.
Cela
commence par l’aigreur levée contre la beauté si périlleuse des mystères
insaisissables. Cela commence par la vengeance en soi de l’exigeante sainteté
si libre, au couteau nu dégainé, si belle.
Cela
commence par les actionnaires de l’éventrée du monde. Par la goulue, bête
absolue, de s’enrichir. De tenir en ses mains tétaniques toujours plus.
Toujours plus de fric, toujours plus d’or, toujours plus d’argent, toujours
plus de sang, toujours plus de puissance, toujours plus de pouvoir liquide,
toujours plus de sang et d’argent de papier liquide afin d’acheter tous les
poils du ventre insupportablement poilu & autonome du monde. Voyous
vendeurs. Actionnaires des armes, actionnaires des bombes, actionnaires de la
torture, actionnaires de la guerre à répandre partout, vendeurs voyous de tout
ce qui tue et qui finit toujours par enrichir.
Un camion
blanc. Un camion blanc comme un linceul de 19 tonnes. Au moteur abruti qui
ronronne. Promenade des Anglais qui se lance. Feu, l’artifice!
Et la réalité augmentée sur tous les smartphones. Par le
monde des maîtres et des dresseurs. De la violence et du massacre banalisés. Et
les pokémons par millions de réalité augmentée chargés sur tous les petits
écrans frénétiques qu’on tambourine à deux pouces. Dizaines et centaines de
pokémons, de
pokémons bébés, de pokémons enfants, de pokémons adultes ivres de cette
laideur, là-bas en Baie des Anges, ivres de cette violence qui emballe le monde
et que le monde emballe. Ivres de ces pokémons d’inconscience, puissance cent
& cent mille, sur les smartphones que les tendres prétendus, que les doux
prétendants font apparaître sur la bleuité aveuglante de leurs petits écrans,
de leurs pouces préhenseurs qu’ils ont vendus
mais que
gardent heureusement encore, du ouistiti au gorille, ces ultimes philosophes
que demeurent véritablement, par la terre têtue qui boule au ciel, les singes.
Alors j’ai
vu la guerre. J’ai vu le chat vibrant et nu, alors j’ai vu les yeux du chien
noir si doux, alors j’ai vu l’enfant nouveau-né juste jailli du ventre
douloureux de sa mère aux yeux accouchés de haute lanterne, oui je les ai vus,
éclatés de viandes en sang contre le mur de toute la maison, sous la bombe
& le baril de poudre des actionnaires, des terrasses à la cave qui
s’écroule. Et la chambre à coucher mise à feu d’un coup qui s’effondre.
Sur l’évier la savonnette en son
savon d’Alep même qui brûle.
Vendeurs
voyous. Et il n’y a plus rien soudain partout que la totale explosée déchirure
actionnée par l’intime saloperie humaine du monde, sous le zygomatique rictus
jaune-sang des actionnaires.
Et toute la
ville, une rue après l’autre, une chambre si vive intime si douce après l’autre
et la fabrique enfarinée du pain où les brioches étaient croustillantes et
blondes et tous les tuyaux de l’eau à boire doucement si fraîche par la gorge
explosés. Tout strictement à jamais déchiré.
D’une
désolation au front du ciel qui hurle. D’une haine au calcul des actionnaires
accomplie.
Vendeurs
vendus du tout-la-mort, de l’écroulement des terrasses & des falaises des
murs et de la déchirure hurlée des viandes. La maison, fenêtres crevées, en
poussière par la rue. D’une déchirure si déchirante et toute telle que
l’avaient subodorée, oui, oui, oui, les actionnaires.
Et
l’effroyable torture des hommes courageux et libres équarris jusqu’à l’os des
nerfs par les actionnaires des anonymes sociétés qu’à satiété l’on vendange.
Ongles à la tenaille ôtés des doigts. Torture et peau d’ange arrachée aux pages
si subtiles du corps. Carcasse jusqu’à l’intime carcassée.
A tant et
tant de morts d’enfants. A tant et tant de morts de femmes. A tant et tant de
morts d’hommes.
A tant et
tant de morts et effroyables équarrissements de marguerites, d’églantines &
de roses de Damas, que la voracité des actionnaires tisonne et
hideusement sans cesse sollicite. Ils font la guerre. Les actionnaires. Ils en
redemandent. Ils avancent debout. Ils ont des bottes noires haineuses à taches
jaunes jusqu’au coeur. Et leurs mousses bavantes impénétrables sont collantes
et hideuses.
Ah tout
faire pour fuir cette monstruosité grouillante. Oui, il faut larguer l’enclume,
son acier si dense en feu et les barils explosés de la torture et de la mort.
Lâchés d’en haut où vit, frelon totalitaire au nid d’acier, l’hélicoptère. Fuir
l’hélice jusqu’au coeur qui tourne. Franchir la mer. Aller au loin. Quitte à
s’engloutir dans les dunes de l’eau. Gagner l’horizon pâle là-bas qui vibre
encore d’une paupière humaine. Mais les bateaux sont des boudins orange ou gris
vendus très cher. Des barcasses pourries qui affrontent des vagues salées comme
n’en ont jamais nommées ni la Torah, ni le Coran, ni la Bible. Et les gilets
sont de naufrage. Et les barcasses pourries coulent, et les zodiacs crevés
sombrent. Et chacun de ces naufrages est le naufrage de notre monde en son
théâtre de terreur.
«au secours», qui jamais à personne ne pourra
dire «adieu», qui jamais à personne ne pourra murmurer «je t’aimais tant mon oeuf ardent, je t’aimais tant mon
bourgeon de gazelle».
Alors on
ceignit leur front et leurs tempes, ces tambours de chevaux & d’aurochs que
l’être humain porte de part et d’autre du crâne, oui on le ceignit brutalement
d’un casque hideux dit de réalité augmentée afin qu’il contemple en 36
dimensions la tricherie barbare au siècle 21 du nouveau monde. Au siècle 21 des
calculations fallacieuses immenses, plus obscur que ne le furent jamais, par
les cinq continents & leurs millions d’îles, les moyens âges.
Intelligence
artificielle. Les robots sont systématiquement hideux. Les robots sont
exponentiellement débiles. « Je vous salis ma rue.» Vous ne contemplerez plus
jamais la voie lactée. Les lumières des hommes ont étranglé déjà le
frémissement lumineux des étoiles. Les robots du vide sont enclenchés. Bandeau
sur l’âme, voyez comme ils sourient.
Mais nous avançons furtifs, amoureux
massifs insaisissables contre les actionnaires de la pétoche humaine. Fous
d’être au fabuleux grouillement de vivre. Aux rapaces nous opposons le
vrombissement sacré des ailes toutes bleues si douces de la libellule. Aux
politiques conviviaux tueurs systématiques d’amour nous opposons les yeux
rouges agenouillés & haut-levés du myosotis et aux banquiers rikikis
cravatés de haine les grands couteaux fabuleux affûtés à la si belle main fine osée
d’être soi-même.
Car je vous
le jure, ici les veines de l’acier sont tendres, ici les artères rouges du fer
sont douces et bleues. Ici le coeur de l’enclume par les vaisseaux bat son
rythme jusqu’aux tempes.
Honneur au
feu de vivre, honneur aux amants invraisemblables & gloire joyeuse au
maître des lupins car le phosphore incandescent m’habite et le feu d’être me
tient. Et cette chanson à trente-six voix qui souffle l’âcre si douce secousse,
le galop, sans cesse le rebond de l’horizon, la main au ras qui cueille le
muscle juteux de la tige verte de la pâquerette. Celle dont la couronne au pré
est d’un
blanc, vers Pâques, retentissant & qui éblouit & qui frappe, de son
éclair cinglant de neige, le museau torve, le museau aveugle, le museau puant
des ténèbres actionnées."
Un grand merci à Rémi, ami Phoète nazairien qui m'a envoyé ce texte de son ami
Jean Firmann "Barbarie, si tu veux de l'amour" ( titre emprunté à Léo Ferré)
Ce poème donne son nom
et fait partie des
aubes
musicales des Bains des Pâquis.
- Genève, samedi 20 et dimanche 21
août 2016 de six à sept heures du matin -
Musique spectaculaire
pour quinze musiciens
création de Pete Ehrnrooth
textes de Philippe
Constantin et Jean Firmann
avec
Ludovic Lagana, trompette. Yves
Massy, trombone. Ian Gordon-Lennox, tuba. Christophe Berthet, saxophone
soprano. MarcoSierro, saxophone alto. Aina Rakatobe, saxophone
baryton. Jacques Robellaz, cor. Patricia Bosshard, violon.
Marie Schwab, violon alto. Jean Luc Riesen, contrebasse. Vinz
Vonlanthen, guitare. Claude Tabarini et Hervé Provini, percussions.
Kornelia Brugmann, voix.
Maroussia Ehrnrooth et Harmonie Armenti, danse.
Henrique Belo, le capitaine
Ce texte sera également lu par Rémi Begouen le samedi 13 août à 18h au "Pré vert" 30 rue du Maine à Saint-Nazaire
Ce long dur poème en intégralité ici... merci !
RépondreSupprimerJe vais en informer l'auteur
et
bienvenue au Pré Vert le 13 à 18h...
j'essaierai de venir Rémi
Supprimeren fonction des aléas du boulot...
belle journée à toi
:-)
merci jean jacques de ce partage
RépondreSupprimernous ne pouvons le commenter tant les images sont juste nous fumes des témoins et ce point de vue multiple nous rassemble en deuil de ce grand massacre , un homme encore ce matin est mort de ses blessures
mille baisers à toi à bientôt
C'est Rémi qu'il faut remercier...
RépondreSupprimeret toi aussi Frankie pour ce message d'Humanité
je t'embrasse
Quel texte incroyablement beau, et si tristement réaliste...
RépondreSupprimerMerci à Rémi, et à toi Jean-Jacques.
Emotions mutuelles...
SupprimerMerci Françoise;