samedi 6 juin 2015
je suis debout
Devenir le poème
"De la maison, je vois le jardin.
Je sors de la maison pour entrer dans le jardin. Du jardin, je vois la maison.
Je quitte le jardin pour revenir dans la maison. Dominant le jardin et la maison, hadéen, archéen, protérozoïque, phanérozoïque, quatre éons me contemplent.
Je lève l'oeil au plafond au ciel de lit au ciel de l'art. Je m'allonge dans l'herbe des allées.
Je me couche dans la luzerne entre les draps blancs et bleus du ciel au milieu des âges. Des visages souriants me regardent.
Larme à l'oeil, je récite les noms de ceux qui me précédèrent, me parlèrent au berceau ou dans les livres d'images.
C'est un poème-liste des noms de lieux et de choses, noms d'hommes et d'animaux, d'époques et de paysages.
Le ciel et le temps qui s'écoule sont le toit de la maison. L'eau ruisselle depuis toujours sur toit et jardin.
Je puise eau et parole, à longueur de kilomètres. J'habite ici maintenant là autrefois, de passage entre deux collines entre deux fleuves.
Même si je déménage parfois dans l'esprit et la durée, la maison demeure un musée de la parole et des souvenirs futurs.
Je prépare des poèmes culinaires, des ballades reposantes, des sculptures de pâtisserie, des accumulations de phonèmes, des étagères de livres et de bocaux.
Assis comme un nuage stagnant sous le soleil au centre du jardin, je dilate mes molécules sans me soucier du nombre d'Avogadro.
Je vis la quotidienneté en continu. Je suis debout, tenant dans mes mains levées l'écheveau du rêve et les fils du réel.
Je dévide le codex des archives, brouillons de projets, lettres entassées dans des cartons, relevés de comptes, cahiers raturés, cartes postales, photos floues.
Avions et oiseaux tracent des lignes dans le ciel : je déchiffre sur la terre le grimoire laissé par les ombres de leurs trajectoires.
Je vois là-haut le sang qui pulse dans les veines et les artères des pigeons, des anges vagabonds et des hommes voyageurs
Je capte les pensées fugitives, la prose bop spontanée, le cut-up des langues, sans hiérarchie, ni sélection. Rien que la vie brute.
Tapisserie de rouleaux collés au fil du temps sur les murs des alcôves dans le monde du fleuve, couches successives d'ondes vibratoires.
Je soulève un coin de la tapisserie pour révéler l'évidence : le monde est poème est monde, le poème est monde est poème.
En moi, micro et macro, deux infinis cohabitent. Simplicité et complexité. Ordre et chaos.Dans un double mouvement double, expansion contradiction, emboîtement déboîtement.
Je suis une poupée russe tourbillonnant sur elle-même, sur l'erre d'une conique, planète neuve, anneaux de Saturne en bois peint.
Les couleurs du prisme se fondent lentement en un blanc aveuglant, puis se stabilisent en gouttelettes sur les murs extérieurs de la maison;
un fugitif passage à l'équilibre s'opère dans la chambre du Stalker, puis en sens inverse, surgit une nouvelle composition analyse décomposition.
Les poupées s'emboîtent encore ainsi font font font...Mais c'est moi qui par un mouvement lent de torsion révèle le mystère.
C'est moi qui agis, qui fais, qui fabrique, qui pratique en fin ce compte, en fin de cycle, dans le franchissement furtif.
Enfin, je deviens moi-même le poème. Créateur créature, je suis parlé, soufflé, animé. contenant contenu. Zoom sur l'âme de la muse.
L'âme amusée serpente dans les chambres du musée, de la maison musée, en vadrouille dans les allées du jardin, gloriettes et pergolas.
Le compost culturel mue en matière d'étoile, C H O N, alphabet de quatre lettre dans le carré magique de l'univers.
BANG dans le silo, bombes, carottes, fusées, pétrole, papier, peau, humus, os, poils, craie, chlorophylle, jour, nuit, gel, orage, ozone dans la zone.
Je visite les pièces dans la maison. Les livres sont des chambres d'hospitalité, réserves d'intelligence, containers d'utopie, échantillons d'éternité.
Je chuchote en tournant les pages de l'index, articule des noms, prends des notes, fait les présentations, introductions et tables des matières.
Je saisis pierre et ciment, pelle et truelle, crayon et craie, colle et peinture, brosse et pinceau, toile et laine, aiguille et ciseaux.
I want to live poetically dans le monde comme un poème, poème du monde. Je transporte le monde avec mes oripeaux et parures.
Je l'emporte partout avec moi. Je suis un clochard du dharma, un monstre à plusieurs têtes. Je suis multi, micro et macrocéphale.
.../..."
-Lucien Suel- extrait de: Je suis debout- "devenir le poème"- Editions La Table Ronde
l'édition 2015
les photos à suivre ont été commises
lors des éditions 2013 et 2014
« La Terre... C’est elle qui nous nourrit, elle à qui nous devons la vie et devrons irrévocablement la survie. »
Pierre Rabhi
Que mangerons-nous demain ? Comment subvenir aux besoins d’un monde qui comptera plus de 9 milliards d’habitants en 2050 ? Plus qu’un simple questionnement humaniste, nous sommes confrontés désormais à un véritable problème de fond, à un bouleversement futur des relations géopolitiques internationales. L’enjeu ? Favoriser l’autosuffisance alimentaire des pays aujourd’hui déficitaires, produire plus et produire mieux pour répondre aux besoins quantitatifs croissants tout en préservant les potentialités naturelles de la planète. Et enfin, allier quantité et qualité en veillant à la sécurité sanitaire, l’équilibre nutritionnel, la dimension « plaisir » et les savoir-faire culinaires. Comment dès lors assurer à toute l’humanité une alimentation suffisante, de qualité, saine et durable ? Ce sera l’objet de la prochaine Exposition universelle qui se tiendra à Milan du 1er mai au 31 octobre 2015, avec précisément pour thème : « Nourrir la planète, énergie pour la Vie ». 141 pays, dont la France, participeront à cet événement qui devrait accueillir plus de 20 millions de visiteurs dont un million de Français ! Pour sa 12e édition, le Festival Photo La Gacilly, soucieux depuis ses débuts du lien unissant l’Homme à la Terre, ne pouvait passer à côté de ce grand rendez-vous. Il s’est même associé à la cité lombarde en devenant son ambassadeur en Bretagne, le partenaire privilégié de l’Expo Milan 2015. C’est pourquoi notre programmation fera la part belle à la photographie italienne, tout en mettant l’accent sur les comportements alimentaires de nos cinq continents. Une ode à l’émerveillement certes, mais aussi une invitation au voyage pour faire de chacun de nous des êtres responsables.
Hommage à la photographie italienne
Ainsi, l’espace d’un été, du 5 juin au 30 septembre, par la magie des auteurs transalpins,
les venelles de La Gacilly s’ouvriront aux théâtres antiques ou à la campagne toscane, les jardins de notre village accueilleront des situations dignes de la Comedia dell’arte ou de la vie rurale des environs de Vérone et Ancône, les murs végétaux afficheront les attitudes, les visages de ceux qui incarnent cette société si latine.
Mario Giacomelli, un modèle pour tous les photographes de l’abstraction, nous a quittés en 2000. Avec poésie, car il était aussi un poète, il a capté, dans l’alambic d’un noir et blanc hypercontrasté, les blessures des hommes et de la terre : nous rendrons hommage à son œuvre immense en montrant ses images de villageois de Scanno, de paysans figés dans l’éternité, de séminaristes jouant dans la neige, de champs couverts de sillons, de vols d’oiseaux obscurcissant l’espace. Contemporain de Giacomelli, Piergiorgio Branzi a une révélation quand il se rend pour la première fois à une exposition d’Henri Cartier-Bresson dans les années cinquante. Ses clichés ouvrent un nouveau chapitre dans l’histoire de la photographie italienne, celui du réalisme-formalisme, en saisissant l’instant d’une scène de rue dans un jeu permanent d’ombres et de lumières.
Avec Massimo Siragusa (né en 1958), nous arpenterons les espaces aménagés de Milan, Venise, ou Naples, quand l’homme devient infiniment petit face aux monuments qu’il a créés et qui défient le temps. Ce Romain se définit comme un artiste et ses grands formats en couleur, photographiés frontalement, sont comme les toiles des paysagistes du XVIIIe siècle. Dans cet univers onirique, Paolo Ventura (né en 1968) a grandi dans la mémoire des années 1940 racontée par ses grands- parents. Son imaginaire s’est emballé et il a conçu de reconstruire de « vrais faux » souvenirs sous forme de maquettes miniatures dont les photographies sont aujourd’hui les seules traces : nous exposerons des images géantes de ce théâtre d’illusion où les individus sont en réalité de petites figurines de poupées et les décors du carton-pâte. Deux auteurs, enfin, que tout oppose, affronteront leur regard sur leur Italie natale dans un amical « mano a mano » : dans les années 1970, Franco Fontana a ramené le paysage à des structures abstraites et s’est intéressé autant à la composition qu’à l’éclat et l’intensité de la couleur. Emanuele Scorcelletti (né en 1964), lui, est renommé pour ses photographies de célébrités et ses portfolios de stars cannoises dans les plus grands magazines. élevé à Paris où il vit, il vient de passer plusieurs mois dans la région des Marches à la recherche de ses propres racines : un hommage en noir et blanc à son père.
Dans la diversité de cette photographie italienne, nous avons aussi choisi de rendre hommage à trois générations d’auteurs documentaires, qui ont en commun cette volonté de saisir les beautés et les maux d’un monde qui s’effacent, d’une société confrontée au progrès. Mirella Ricciardi (née en 1933), a longtemps vécu au Kenya : elle se décrit comme « une enfant de l’Afrique protégée par le ciel étoilé et réveillée par le soleil levant, avec la nature pour professeur ». Ses portraits de Massaï, de femmes maliennes, de guerriers soudanais avaient ému le public il y a quarante ans. Nous avons souhaité les remettre à l’honneur. Paolo Pellegrin (né en 1964) est probablement le photographe le plus primé, par ses images prises dans des zones de conflit ou de guerre civile. Au Pakistan, en Palestine, en Afghanistan, en Irak, nous avons choisi d’exposer en très grands formats ces paysages bouleversés, meurtris par les combats des hommes. Alessandro Grassani (né en 1977) est, quant à lui, un jeune photojournaliste à l’avenir prometteur. En 2009, il a débuté son projet sur les « migrants environnementaux » et s’est rendu au Bangladesh, en Ethiopie, en Mongolie pour suivre ces réfugiés climatiques qui fuient leur campagne pour la ville où ils vont connaître précarité et habitats de fortune, loin de l’eldorado espéré. Ses images seront pour la première fois dévoilées au public."
Cyril Drouhet
Commissaire des expositions
Florence Drouhet
Directrice artistique
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