mercredi 15 avril 2015

la dernière roche au couchant


"C'est la dernière roche au couchant, elle avance dans la mer. Une roche où vivent des gens. assez petite pour qu'un homme, de ses enjambées, en fasse le tour en un seul jour d'été. Ou en une nuit d'hiver.
Un plateau. De la bonne terre qui se termine en falaises, creusées de grottes marines si profondes que certains pensent  que l'île flotte à marée haute. Pas d'arbre, pas de mont. Le ciel est grand, aussi le vent.
Les gens, dit-on, révèrent la bernique, téton infiniment répété, étoilant les rochers, marée basse, marée haute. Ils s'en nourrissent. Au ponant, ils ont des roches à sacrifices. Au levant, ils alignent des pierres dressées, en cercle. C'est la nuit qui règle la vie. La lune régit le sang dans la matrice des femmes, et la sève des plantes, et le bas de la mer et le flot et le plein. Les prêtresses de l'île le savent. Cette île dont personne encore n'a écrit le nom.
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Des bateaux font escale qui viennent de loin.
Elle a au levant une anse de sable où, si le vent permet, ils s'échouent en douceur.
Vient Pythéas le massaliote, le savant navigateur, parti vers le septentrion chercher le trône du soleil.
C'est lui qui transcrit le nom de l'île pour la première fois: Ouxisama.
Cela veut dire haute terre en haute mer. Car un torrent salé, flot ou jusant, la sépare du continent.
Pour la contourner, il faut prendre le large.
Haute roche en hautes vagues car vents contre courants font lever l'océan.
A Pythéas, les prêtresses disent le nom de l'île puis révèlent que la lune est maîtresse des marées.
La reine, dit-on, lui fournit des pilotes pour continuer son voyage au bout de l'inconnu.
.../..."
Karin Huet-extrait de "Ouessant la nuit" Editions Apogée










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