Fais-nous danser July Larousse
"Mon Serge, vieux renard, j'ai vagabondé avec gourmandise dans ton dictionnaire. Ma lecture était orientée, tu t'en doutes, et je suis d'abord entré dans les rubriques qui me renvoyaient en pleine figure les couleurs de nos années 1970.
Nous les avons traverses ensemble, "Libé" et "Actuel".
"Charlie" nous accompagnait et Reiser était vivant, comme Cavanna, comme Cabu et Wolin. Nous étions tous hostiles à l'ordre moral et aux costumes gris. Nous venions presque tous du gauchisme, mais si ton journal parlait à des militants résolus, le notre se tournait vers l'underground que tu résumes ainsi: "Souterrain, marginalité, troc, route, communauté, liberté sexuelle, écologie, utopie, nouvelles technologies."
"Actuel" traquait en effet les tendances et signait un mode de vie, parce qu'un mensuel était moins tributaire de l'actualité immédiate que ton quotidien. Il y avait cependant entre-nous pas mal de heurts, tu le reconnais: "comme dans toutes les familles nous étions à la fois très proches et très rugueux les uns envers les autres."
Je me souviens d'un maoïste en parka qui était venu nous faire lire son dernier tract. J'avais émis une critique et il était devenu furieux: "Explique-toi politiquement!" Je lui avais répondu: "Mais c'est un problème de grammaire..."
Nos modèles? La free press de Californie, "Oz" à Londres, "Mainmise" au Québec, les Kabouters de Hollande qui proposaient des vélos blancs et gratuits comme nos petites annonces.
A l'époque, trois ans pour obtenir le téléphone mais le chômage n'existait pas. Des ouvriers partaient vivre à Kaboul la fleurie, ils retrouvaient du boulot à leur retour. Les dealers avaient des mines d'épiciers de luxe et présentaient leurs échantillons: "Ce mois-ci, nous avons un délicieux afghan souple et noir..."
Tu as raison: nous étions collectifs. si nous avions des tas de pseudos, à "Actuel", c'est que de signer des articles dénotait un individualisme contesté, trop m'as-tu vu.
Avec les années 80, la chanson avait changé. Tu portais des cravates, Serge et ta mèche ne te tombait plus sur l'oeil. "Actuel" était devenu un mensuel de reportages longs et fouillés. Nous avions un guide, auquel tu consacres une rubrique, Albert Londres. Christian Bourgois venait de le republier. Notre devise? "Je vais voir et je raconte." Et je m'implique. Souviens-toi du "Juif errant est arrivé". A la descente du bateau, Londres suit un immigrant barbu à grand chapeau et lourde valise. Qu'est-ce que ce type emporte en Palestine? Londres se glisse derrière lui. Ils vont passer la douane et notre reporter frétille: "Ce n'est pas charitable mais si le douanier pouvait ouvrir sa fichue valise, que je voie ce qu'elle contient..."Nous avions retrouvé la curiosité que tu reconnais à Tintin et qui est le fondement du journalisme.
Tu es curieux de tout, Serge. Quand César, à Rome, impose la publication des débats du Sénat, il invente notre quotidien du matin. Et voici Gide, et voici Gaston Leroux , voici Girardin qui lança la grande presse et les feuilletons. Avec toi nous poussons la porte du bureau de Lazareff à "France-soir", où une pancarte indiquait: "Une phrase se comporte d'un sujet, d'un verbe et d'un complément. Pour les adjectifs, me prévenir. Au premier adverbe, vous êtes viré."
Ta rubrique "Machine à écrire" me réjouit. Le vacarme des Underwood ajoutait à l'excitation. Les salles de rédaction sentaient la fumée des cigarettes, on travaillait vite, dans la fébrilité. Les journaux de maintenant ressemblent plus à des cliniques: pas de bruits, quelques chuchotis, des écrans. Tu racontes que, le 26 août 2014, les journalistes du "Times" inaugurent leurs locaux. Soudain, dans la soirée, des hauts-parleurs balancent des bruits de machines à écrire, et la vitesse de frappe s'emballe. Il s'agissait de motiver la rédaction, de retrouver les réflexes d'autrefois. Cette mise en scène était parfaitement idiote, puisque la communication a tué l'information. Les journalistes d'aujourd'hui trient des données dans le silence. Le métier a changé. Le produit aussi. Faut-il s'adapter au nouveau rythme.
Peu avant de mourir, notre comparse Jean-François Bizot avait eu l'idée d'un mensuel rédigé par des vieux. Il avait le titre: "Si, seniors!".
-Patrick Rambaud-tribune-"L'OBS" n°2625-
CHUT!!!!
Cercle de silence en commémoration de Fukushima
Samedi 7 mars
De 14h a 17h place royale à Nantes.Avec également distribution de tracts d'information sur le nucléaire en France.
Contact :
Sortir du nucléaire de Nantes
sortirdunucleairepaysnantais@laposte.net
02 40 28 87 20
du 11 au 22 mars RENNES/ SAINT-MALO
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BRO-GRAMME
origami dansant chaloupé par Serge:
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