mercredi 6 août 2014

chacun voit le sud à sa porte



J'ai passé mon enfance à l'Aber-Ildut, un village au nord de Brest et plus encore à l'est d'eden.
Arrivant du sud par mer, doublé le vieux Moine et le Tournant de Lochrist en direction du Four, on ne soupçonne rien. Suivant le chenal, on longe une côte peu élevée qui s'incurve en douceur vers la Manche, on vogue entre les bouées et les pions blancs des châteaux d'eau. On voit s'étirer le liseré du granit, on voit des efflorescences brèves comme des illusions, annonciatrices de brisants aussi nuisibles au marin que la rencontre du fauve à l'explorateur. Rangé le plateau des Fourches à droite, on pique sur la tourelle rouge du Lieu pour entrer à l'Aber. [...]
-Bien mais au sud il fait meilleur encore, hasardait ma mère en souriant. Il fait doux.
Par sud elle n'entendait pas des rivages lointains, parfumés à l'orchis-vanille ou la mandarine. Par sud elle ne confessait pas un désir d'Italie baignée d'azur et d'une mer où le corps s'étend sans frisonner. Par sud elle aspirait à la Bretagne du Morbihan, moins âpre et moins venteuse, belle aussi.
Mais chut...elle n'en parle pas vraiment. La mer a des oreilles et les dieux labélois sont très rancuniers; sans oublier les déesses qui ne gisent pas toutes au Gour-Bihan sous les pissenlits et les feux follets.
Le sud, la grande affaire. Aspirer au sud, c'était faire acte de rébellion. C'était désavouer l'Aber, infidélité suprême ; c'était consommer l'adultère aux dépens de toute une généalogie dont l'arbre s'enracinait ici même et ne souffrait pas d'arbrisseaux à l'écart du foyer. C'était briser l'omerta du temps pourri que chacun s'ingéniait à préserver. C'était reconnaître en présence de ma grand-mère et de l'oncle Jo, de toute une famille accoutumée sur ce chapitre à motus et bouche cousue, que non seulement il pleuvait des cordes à l'Aber au mois d'août, mais qu'on pouvait désirer passer les vacances ailleurs.
Au sud.
Chaque jour, à l'heure des repas, les mêmes mots s'échangeaient sur les valeurs comparées du temps labélois et, par exemple, au hasard, du temps provençal. Canicule à Nice ? Veinards que nous sommes, nous autres les privilégiés des nuits fraîches et du noroît nébuleux. Inondation à Nîmes ?
Compassion à l'Aber. Venait-il huit jours d'affilée chez nous, à ne pas mettre un pied dehors, à ne pas risquer un voilier sur l'eau, ma grand-mère soupirait d'aise. Allons, mes enfants, remerciez le bon Dieu, louez saint Antoine. Vous entendez? Quelle beauté, cette tempête, quelle puissance, cette pluie ! Les bateaux sont emportés à la dérive et les pêcheurs ne sortent plus, c'est grisant. Ecoutez les cornes de brume. Vous imaginez les marins en perdition, dans cette furie ? Et le pire est à venir. La radio prévoit une aggravation dès la nuit prochaine. Vous n'aurez que plus de plaisir à retrouver le soleil après, le beau soleil de Juillet, le meilleur et le plus sain quand les nuages s'en vont. Pendant ce temps-là, vous savez quoi? Dans le sud ils ont des orages tous les soirs, des incendies criminels : les bombardiers d'eau terrifient les estivants, les personnes âgées meurent  de chaleur dans les embouteillages, les gens deviennent fous, les nouveaux-nés dévorés par les moustiques, la nappe phréatique charrie des maladies incurables. On ne peut pas dire qu'il fait beau quand il fait trop chaud, quand la chaleur vous tue. vous avez trop chaud, les enfants?
Non. C'est sûr ? Donc il fait beau. Ceux qui veulent un grog lèvent la main.

A l'ouest, le climat ne se laisse jamais prendre au dépourvu. Le temps réputé mauvais ailleurs n'est pas un châtiment ni le fardeau d'une pénitence millénaire. Les plus longues pluies sont des providences. Merci mon Dieu. Vous réchauffez la planète ailleurs, pas chez nous. Vous desséchez ces malheureux Provençaux, pas chez nous. Oremus."
-Yann Queffelec- extrait de: Le soleil se lève à l'ouest"










                                         

Demandez le programme




Serge, fouineur/guetteur aux pieds des Cévennes  a lu le Midi Libre et nous propose une histoire belge:

Son GPS lui ordonne un demi-tour sur l'autoroute, elle le fait, et c'est le choc...la suite z'ici même








Festival des arts Sonnés -à Saint-André des Eaux ( pas in L.A. c'est celui des Côtes d'Armor)

Programme








"Tu l'auras ta maison avec des tuiles bleues, des croisées d'hortensias, des palmiers plein les cieux, des hivers crépitants près du chat angora."
Claude Nougaro extrait de: "Tu verras"

2 commentaires:

  1. Salut Jean-Jacques et salut à ton pote le génial auteur de toutes tes en-têtes de billets, portant les intitulés de ton blog !

    En fait, à part que ton billet, lui-même et comme toujours beau et instructif, je suis troublé par ce nouvel en-tête : le "grand sage à la chevelure invraisemblable" a -sauf ces cheveux!- MA gueule !
    Ou bien j'ai un parfait sosie (et pourquoi pas?) ou bien il a piqué mon portrait, au quel cas je luis fais procès, avec comme condamnation espérée le devoir de venir me serrer la main entre amis !!...

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  2. Hello Rémi
    Ah ben dame, ça alors;
    c'est ptêt toi dans une autre vie ou alors voyage astral et cie...
    je te promets (rire) que ce n'est pas un trucage de ta photo. Ceci dit, pour les cheveux tu devrais t'inspirer je suis sur qu'au bar de la bretonne ça ferait fureur.

    m'enfin il parait qu'on a tous des sosies quelque part et je trouve que celui-là il est plutôt réussi non?
    je te verrais bien autour du calumet de la paix en conversation philosophique avec lui.
    ;-)
    Belle soirée l'ami

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