mercredi 27 août 2014
a mes amis devenus ministres
"Aux gens atrabilaires
pour exemple donné,
en un temps de misères
Roger Bontemps est né.
Vivre obscur à sa guise,
narguer les mécontents;
Eh gai! c'est la devise
du gros Roger Bontemps.
Du chapeau de son père,
coiffé dans les grands jours,
de roses ou de lierre
le rajeunir toujours;
Mettre un manteau de bure,
vieil ami de vingt ans ;
Eh gai! c'est la parure
Du gros Roger Bontemps.
Posséder dans sa hutte
une table, un vieux lit,
des cartes, une flûte,
un broc que Dieu remplit,
un portrait de maîtresse,
un coffre et rien dedans;
Eh gai! c'est la richesse
du gros Roger Bontemps.
Aux enfants de la ville
montrer de petits jeux ;
être un faiseur habile
de contes graveleux ;
Ne parler que de danses
et d'almanachs chantants.
Eh gai! c'est la science
du gros Roger Bontemps.
Faute de vins d'élite,
sabler ceux du canton;
préférer Marguerite
aux dames du grand ton ;
De joie et de tendresse
remplir tous ses instants;
Eh gai! c'est la sagesse
du gros Roger Bontemps.
.../...
.../...
Vous pauvres plein d'envie,
vous riches, désireux ;
vous, dont le char dévie
après un cours heureux ;
vous, qui perdrez peut-être
des titres éclatants,
Eh gai! prenez pour maître
le gros Roger Bontemps."
Pierre Jean de Béranger-extraits de: "Roger Bontemps" -chanson-
A MES AMIS DEVENUS MINISTRES
Non, mes amis, non, je ne veux rien être;
Semez ailleurs places, titres et croix.
Non, pour les cours Dieu ne m’a pas fait naître:
Oiseaux craintif, je fuis la glu des rois.
Que me faut-il ? maîtresse à fine taille,
Petit repas et joyeux entretien.
De mon berceau près de bénir la paille,
En me créant Dieu m’a dit: Ne sois rien.
Un sort brillant serait chose importune
Pour moi, rimeur, qui vis de temps perdu.
M’est-il tombé des miettes de fortune,
Tout bas je dis: Ce pain ne m’est pas dû.
Quel artisan, pauvre, hélas ! quoi qu’il fasse,
N’a plus que moi droit à ce peu de bien ?
Sans trop rougir fouillons dans ma besace,
En me créant Dieu m’a dit: Ne sois rien.
Au ciel, un jour, une extase profonde
Vient me ravir, et je regarde en bas.
De là, mon œil confond dans notre monde
Rois et sujets, généraux et soldats.
Un bruit m’arrive; est-ce un bruit de victoire ?
On crie un nom; je ne l’entends pas bien.
Grands, dont là-bas je vois ramper la gloire,
En me créant Dieu m’a dit: Ne sois rien.
Sachez pourtant, pilotes du royaume,
Combien j’admire un homme de vertu,
Qui, regrettant son hôtel ou son chaume,
Monte au vaisseau par tous les vents battu.
De loin ma voix lui crie: Heureux voyage !
Priant de cœur pour tout grand citoyen.
Mais au soleil je m’endors sur la plage.
En me créant Dieu m’a dit: Ne sois rien.
Votre tombeau sera pompeux sans doute;
J’aurai, sous l’herbe, une fosse à l’écart.
Un peuple en deuil vous fait cortège en route;
Du pauvre, moi, j’attends le corbillard.
En vain on court où votre étoile tombe;
Qu’importe alors votre gîte ou le mien ?
La différence est toujours une tombe.
En me créant Dieu m’a dit: Ne sois rien.
De ce palais souffrez donc que je sorte;
À vos grandeurs je devais un salut.
Amis, adieu; j’ai derrière la porte
Laissé tantôt mes sabots et mon luth.
Sous ces lambris près de vous accourue,
La Liberté s’offre à vous pour soutien.
Je vais chanter ses bienfaits dans la rue.
En me créant Dieu m’a dit: Ne sois rien.»
-Pierre Jean de Béranger-
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