jeudi 13 mars 2014

book


Le papier tache
les nouvelles glissent.
Demain sera un nouveau jour
à la tâche
des
 nouvelles glisses




photos Marc Racineux


".../...Ce n'est pas drôle, je suppose, d'écrire, de raconter des histoires inventées...toute sa vie.
De raconter des histoires qu'on maîtrise du premier mot...du premier instant au dernier, des histoires qu'on guide du premier acte du premier personnage au dernier. Tu vois ce que je veux dire;
Dieu le Père, Allah, le grand Manitou, je ne sais qui...le grand Commandeur. Pour une fois mettre le doigt sur son existence quand on se frappe la poitrine. Non?
Pour une fois l'inventer. Ce n'est pas drôle, j'imagine, de ne pas pouvoir en maîtriser une, d'histoire, une seule. La sienne. Son histoire est propre. Celle-là, en quelque sorte, ne pas savoir comment ni par quel bout la prendre, par quelle patte l'attraper pour la faire tomber, comment la pousser ni dans quelle direction...Celle-là, ne rien vouloir en faire de bon ni de bien, ne rien connaître de ses défauts, de ses qualités, de ses faiblesses et de leur contraire...
Bien sur que ce n'est pas drôle. Probablement plus rageant que pour n'importe qui, non, je me demandais...Je me suis demandé souvent, souvent ça m' a traversé la tête, souvent...
.../..."



".../...-Probablement...Probablement que si j'étais un personnage dans une histoire...Probablement que tu ferais en sorte de me diriger au mieux. J'espère. Je saurais dire exactement ce qu'il faut, à n'en pas douter, dans cette situation. Si cette situation était mise en scène. si cette situation était mise en scène je suppose que tu saurais dès le départ comment elle se terminerait. Je suppose que tu ferais en sorte qu'elle finisse comme tu as décidé qu'elle doit finir. Sinon, quel intérêt de raconter des histoires à sa guise?
Je trouverais les mots qu'il faut, ou même si je ne les trouvais pas, ils seraient, aussi mal venus qu'ils soient, bienvenus. ils compteraient avec leur maladresse, ils seraient compris entre les mots, les mots...
.../..."

Extraits de: La ville où les morts dansent toute leur vie." de Pierre Pelot- Editions Fayard-





                        proposé par Odile:


                  )

2 commentaires:

  1. Les mots n'ont-ils pas leur vie propre, cher Jean-Jacques ? Le récit ne mène-t-il pas son auteur au gré de ses méandres ? Une histoire trop bien léchée, trop bien conduite, ne laisse-t-elle pas une impression d'ennui au lecteur ? Les chapitres se suivent, et ne se ressemblent pas. Et quand l'écriteur pose sa plume, c'est une sorte de vie qui s'arrête. Les mots soudain n'ont plus la force d'aller plus loin, et butent sur un infini qui n'est que l'horizon. La caravane est passée, le chien est en bout de chaîne, et peut bien aboyer. Son rêve est parti, avec le sable soulevé par les sabots.

    Une autre histoire peut alors commencer, avec d'autres mots passant par le gosier et le poignet d'un autre écriteur. Car entre-temps, celui-ci aura changé, aura peut-être aimé, ou au contraire pleuré. Ce ne sera de toute façon plus le même.

    A chaque seconde, c'est un humain nouveau qui est là, avec un avenir, ou plutôt des tas d'avenirs potentiels. Avec un passé qu'il habille avec le contexte de son présent fuyant, donc un passé très changeant et subjectif. L'humain est en équilibre instable entre ces deux composantes de sa vie, tout aussi aléatoires l'une que l'autre. Seuls les mots qu'il aura jetés sur le papier resteront : sauf qu'à la fin du livre, ils n'auront peut-être pas la même signification que quand il se sera attelé à cet ouvrage.

    Tout bouge, même les montagnes.

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  2. merci beaucoup pour ce texte riche d'enseignement

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