dimanche 1 juillet 2012

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"Une rue grise
Avec des numéros qui n'en finissent pas au-dessus des portes fermées.
Le pare-brise
Opaque des autos qui se suivent au pas vitres teintées noir de fumée.
Un seuil d'église
D'où sort une mariée gréée de voiles blancs au bras d'un mari pour toujours.
Mes trois valises
Emplies de souvenirs et de mes soixante ans qui se font de plus en plus lourds.

"Qui je suis? D'où je viens? Où vais-je?

J'ai vu, je me souviens, la Suisse et la Norvège..."

Les gens qui passent

Sont de chair et de sang mais là, sur ce trottoir ne disent jamais où ils vont.
Qu'ils se dépassent
Qu'ils se croisent c'est sans se parler, sans se voir sans même échanger leurs prénoms.
Pas une place
Pour s'arrêter un peu et s'asseoir sur un banc ainsi qu'un retraité d'État
Quand le vent chasse
Là-bas, aux soirs d'été, l'envol des cormorans sur les falaises d'Étretat.

"Qui je suis? D'où je viens? Où vais-je?

J'ai eu un blazer bleu, un foulard de soie grège..."

Les turbulences

Les klaxons des fourgons de Police-Secours les marteaux-piqueurs immigrés.
Une ambulance
Où peut-être se meurt une de mes amours qu'avec le temps j'ai oubliée.
Cette existence
Hé, tu l'as dit, grand Will, n'est que bruit et fureur et se moque d'un idiot
Et le silence
N'est plus qu'une rumeur de voix d'animateurs" et de "jingles" sur les radios.

"Qui je suis? D'où je viens? Où vais-je?

Où sont ta harpe d'or Harpo, et tes arpèges?..."

Un hôtel borgne

Où l'on me dit: "Ici, les chiens sont interdits même sur des photos jaunies!"
Le mec qui lorgne
Mes trois valises qui, durant l'après-midi ont pris du poids et ont grandi.
Quelqu'un qui cogne
Au mur de ses voisins qui font encore l'amour avec le dialogue assorti.
Demain, un cogne
Soucieux de vérifier ma carte de séjour viendra m'attendre à la sortie.

"Qui je suis? D'où je viens? Où vais-je?

Monsieur, je n'en sais rien, je suis du grand cortège de la vie..."
-Jean-Roger Caussimon-













  " Et voici que je reviens sur ces choses. Ce jardin de l'autre côté de la fenêtre, je n'en vois que les murs. Et ces quelques feuillages où coule la lumière. Plus haut, c'est encore les feuillages.  Plus haut, c' est le soleil. Mais de toute cette jubilation de l'air que l'on sent au-dehors, de toute cette joie épandue sur le monde, je ne perçois que des ombres de ramures qui jouent sur mes rideaux blancs. Cinq rayons de soleil aussi qui déversent patiemment dans la pièce un parfum d'herbes séchées. Une brise, et les ombres s'animent sur le rideau."

Albert Camus extrait de "L'envers et l'endroit."








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