mardi 28 février 2012

mise en bière


"Qui doit se casser le cou trouve un escalier dans les ténèbres"
-Proverbe italien-

Quand j'étais haut comme trois pommes,  à cet endroit actuellement  en fin de déconstruction ou démolition si vous préférez, se trouvait le marchand de vin et de charbon. Une certaine effervescence régnait  alors  dans la grande cour  où les charrettes rentraient et sortaient à toute heure du jour.  Les sabots des chevaux claquaient sur le pavé et de ma condition de minot, lorsque je passais dans les parages  accroché à ma mère,  j'étais tout autant intéressé qu'impressionné par l'intense activité qui régnait dans ces lieux. Il faut dire que les  géants charbonniers noircis de la tête aux pieds avaient de quoi fasciner et intimider plus d'un ptit bonhomme. De plus j'avais l'occasion de les voir d'encore plus près, d'énormes  sacs à l'épaule, les jours de livraison d'anthracite pour la chaudière familale.

Hier soir,  de cette histoire au passif, ne subsistait- encore pour quelques heures sans doute-  qu'un reste de charpente et un bel  escalier en bois  grimpant vers le ciel ouvert.
Demain ici même s'élèvera un grand lego  de cubes à vivre comme on sait si bien les faire maintenant. Le monde bouge voilà tout.



Philippe qui connait bien sa ville et tout ce qui mousse en particulier me signale dans l'oreillette d'intendance  qu'avant le bougnat de service  se trouvait ici même un  brasseur sachant brasser. Plus récemment  c'est une entreprise d'informatique qui occupa les lieux, puis pour un certain temps le site  devint une friche et- comme souvent dans ces cas là -un squat avant que ne se  tourne  définitivement... 
une page.

"Tout lasse, tout casse, tout passe"
-Proverbe français-





Rem  de RUMINANCE rajoute ceci:

"Ton souvenir de bougnat-charbonnier m'en rappelle un autre, personnel et sans doute encore plus ancien.
Peu après l'après guerre, vers 1946, il y avait encore des navires brûlant du charbon. La scène se passe à Port-Saïd : D'énormes pyramides (disons genre 2° ou 3° pyramide de Guizeh)sont entreposées pour recharger "les vapeurs" de passage. C'est un spectacle hallucinant de voir une noria ininterrompue de pauvres gars-fourmis (coolies, esclaves, au choix)grimper lentement sur de longues passerelles oscillantes en coupée du bateau, chacun courbé sous un sac sur l'épaule (50, 60 kg?): là haut, ils déversent le contenu du sac, puis redescendent vite, redressés et agitant leur sac vide, sans doute pour prouver qu'il n'est pas tombé dans la soute (c'est cher un sac pour un patron!) et sans doute pour qu'il soit rechargé...
Bien sûr ces hommes, quasi-nus, sont noirs de la tête aux pieds (nus) et la seule tache blanche vient de l'éclat des yeux, et parfois des dents, dans un sourire de détente en redescendant...
C'est un spectacle inouï que j'ai eu là, vers 8 ans. D'autant plus que je l'ai vu longtemps : j'étais avec un copain arabe ("école buissonnière"!) qui voulait reconnaître son père dans ce long cortège et pleurait de ne pas le distinguer !
"Les temps ont changé" en effet. Les crises de Suez et pétrolières ont succédé aux bombardements ... mais les souvenirs-chocs restent. Et j'ai très peu de souvenirs de mon école primaire "officielle"!"

3 commentaires:

  1. J'aime pas les pans d'histoire qui tombent.....et j'aurais bien volontiers récupéré l'escalier !

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  2. Ton souvenir de bougnat-charbonnier m'en rappelle un autre, personnel et sans doute encore plus ancien.
    Peu après l'après guerre, vers 1946, il y avait encore des navires brûlant du charbon. La scène se passe à Port-Saïd : D'énormes pyramides (disons genre 2° ou 3° pyramide de Guizeh)sont entreposées pour recharger "les vapeurs" de passage. C'est un spectacle hallucinant de voir une noria ininterrompue de pauvres gars-fourmis (coolies, esclaves, au choix)grimper lentement sur de longues passerelles oscillantes en coupée du bateau, chacun courbé sous un sac sur l'épaule (50, 60 kg?): là haut, ils déversent le contenu du sac, puis redescendent vite, redressés et agitant leur sac vide, sans doute pour prouver qu'il n'est pas tombé dans la soute (c'est cher un sac pour un patron!) et sans doute pour qu'il soit rechargé...
    Bien sûr ces hommes, quasi-nus, sont noirs de la tête aux pieds (nus) et la seule tache blanche vient de l'éclat des yeux, et parfois des dents, dans un sourire de détente en redescendant...
    C'est un spectacle inouï que j'ai eu là, vers 8 ans. D'autant plus que je l'ai vu longtemps : j'étais avec un copain arabe ("école buissonnière"!) qui voulait reconnaître son père dans ce long cortège et pleurait de ne pas le distinguer !
    "Les temps ont changé" en effet. Les crises de Suez et pétrolières ont succédé aux bombardements ... mais les souvenirs-chocs restent. Et j'ai très peu de souvenirs de mon école primaire "officielle"!

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  3. bel escalier en effet...
    ;-)


    Merci beaucoup Rem pour cette émouvante tranche de -dure- vie

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