vendredi 25 novembre 2011

le bloc




"Finalement, tu es devenu fasciste à cause d'un sexe de fille.
La formulation te fait sourire un instant et c'est bien la seule chose qui t'aura fait sourire aujourd'hui. on dirait une épitaphe: Antoine Maynard, devenu fasciste à cause d'un sexe de fille.
Et puis tu ne souris plus: tu sais qu'en ce moment précis, quelque part dans la ville, des hommes cherchent à tuer ton ami. Ton frère. Ton petit mec. Oçu ton âme damnée, comme on disait dans les romans du monde d'avant.
Stanko.
Tu aurais peut-être mieux fait de te cantonner à écrire des romans, toi, d'ailleurs. Et au moment où tu penses cela, tu sais à quel point tu te mens, à quel point tu te serais ennuyé à faire carrière dans le milieu littéraire, en admettant que tu aies rencontré davantage qu'un succès d'estime dans des cercles très  "marqués". Très marqués à ol'extrème droite pour dire les choses clairement.
De toute manière, les quatre romans que tu avais dans le ventre, tu les a donnés. ils ont été accueillis assez froidement, à part le premier. On savait qui tu étais, quelles étaient tes allégeances. La mode n'était pas encore au réarmement moral, comme ces temps-ci. A la lutte contre l'ennemi intérieur, islamiste et gauchiste, et même islamo-gauchiste, pour faire bonne mesure. La mode n'était pas encore à la trouille honteuse de tout un pays qui vous amène aujoued'hui aux portes du pouvoir après que vous êtes devenus fréquentables, grâce à Agnès, notamment.
Tu souris encore, un peu amèrement cette fois-ci: si la semaine prochaine, comme il en est question, tu deviens secrétaire d'Etat- secrétaire d'Etat à quoi, tu ne sais pas et tu t'en fous-, tu t'amuseras à publier de nouveau un roman, pour voir quel effet ça fait d'être du côté de ceux que les médias révèrent et flattent. Et puis tu t'arrangeras, pendant que tu y es, pour que les quatre précédents soient réédités en poche. Tu n'es pas p)our le pardon des offenses. Si tu as l'occasion de faire plier l'échine à deux trois petits marquis de la gauche caviardo-cultureuse, tu ne t'en priveras pas.
 Pour peu que tout se passe comme prévu, tu pousseras même le vice jusqu'à te faire inviter dans deux trois émissions littéraires animées par quelques types qui seront bien obligés de ravaler leur morgue. Oh, tu leur aménagera une porte de sortie, tu la joueras grand seigneur, tu les laisseras être un peu insolents, s'ils en ont, toutefois, encore le courage. Les consignes du Bloc sont claires, de toute manière: pas de triomphalisme. Profil bas. On prend les ministères. On exerce le pouvoir. On se respectabilise. Compétence. Stratégie du recours. Agnès a bien insisté, ces derniers mois. Pas de chasses aux sorcières, pas de vengeance personnelle.
Enfin, pas tout de suite...
.../..."

-extrait de:" Le Bloc"- un roman de Jérôme Leroy- série noire- Gallimard-
On en cause par ici
et par là également

2 commentaires:

  1. Tudieu ! il me le faut ce bloc ! j'en ai entendu parler, en bien, il me tentait, j'en rêvais, Jean-Jacques me décide, je succombe aux sirènes, non de l'extrême-droite, mais de Jérôme leroy dont je viens de lire des nouvelles dans "comme un fauteuil Voltaire".
    C'est de l'anticpation, mais qui prend sa source dans le présent. Merci JJ !
    http://tinyurl.com/bsfbwpm

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  2. C'est mon livre de chevet du moment Rotko; j'avais lu deux trois choses Dessus et je m'étais dit que j'en ferais bien mon casse-croute du bouquin en question Voilà chose faite et je ne suis pas déçu. Et du coup lorsque j'en aurais fini avec la bête (immonde...) je compte bien m'attaquer à d'autres oeuvres du monsieur Leroy et pourquoi pas "Comme un fauteuil Voltaire dans une bibliothèque en ruine" rien que le titre est fameux
    Bon Dimanche Rotko
    :-)

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