.../..."Les expériences successives de l'histoire de chaque individu déposent une sédimentation de « souvenirs oubliés » au fond de chaque subjectivité. Or cette accumulation ne se fossilise pas, elle demeure active. Elle exerce un jeu plus ou moins changeant d'atti-rances et de répulsions qui concourt pour une large part à l'orientation que nous donnons à nos vies respectives. Plus même, un événement qui a fait traumatisme peut avoir des effets sur plusieurs générations, à l'insu des sujets eux-mêmes Technique d'interprétation du propos toujours libre, mais jamais neutre, du patient, la psychanalyse cherche ainsi à transformer la souffrance de ceux qui ratent le présent et compromettent leur avenir parce que, en quelque sorte, ils ont « mal à leur passé ». Elle est aussi une technique de « constructions inventives » là où, apparemment, il n'y avait que du vide dans la vie de quelqu'un. Elle tente ainsi de permettre à une personne en difficulté de dépassionner des expériences oubliées, de mettre des mots, des formes, dans un chaos destructeur, bref, d'inventer sa vie là où il n'y avait que répétitions. Ceci pose de nombreuses questions Liberté ou désir ? Il peut sembler paradoxal de rapprocher la psychanalyse et l'anarchisme : ne dit-on pas, entre autres, qu'elle est une « science bourgeoise », réservée aux riches ou aux intellectuels, et qu'elle vise à réadapter une personne à la société ? Et pourtant, si l'on y regarde de plus près, il existe bien des convergences que je vais tenter de préciser - en évitant, je l'espère, amalgame et récupération.
« L'émancipation des individus, leur libération en tant qu'êtres autonomes, libres de leurs choix, lucides, critiques et responsables » , c'est très exactement ce que vise une psychanalyse - en parlant de « désir », au sens large du terme, plutôt que de « liberté », terme plus philosophique. Si certains en profitent pour « marcher sur les pieds de leur voisin au nom de leur désir », comme le disait F. Roustang, il ne s'agit là que d'un dévoiement, d'un risque inhérent à la liberté, qu'on retrouve dans l'anarchisme individualiste : « Ma devise, c'est moi, moi, moi et les autres ensuite », proclamait H. Croiset . Par contre, si le désir de l'un suppose le désir de l'autre, alors impossible d'être pleinement libre si l'autre est aliéné, ce qui sous-tend un combat incessant pour que tout un chacun puisse se libérer de ce qui l'entrave dans sa singularité. Ceci rend non pertinente la notion de « libération des masses », masses dont Freud a bien précisé les ressorts (3) ; ma liberté (mon désir ou ce qui me fait dire « je ») suppose celle de chaque autre, pris un par un - la liberté, comme le désir, ne vient pas d' « en haut », d'une quelconque décision « supé-rieure », elle ne s'« institue » pas de façon autoritaire, elle s'invente, se construit, elle n'est jamais acquise à moins de se réduire à un fantôme bon pour le frontispice des mairies. En ce sens, le désir contient en lui-même ses propres limites, dans la mesure où il tient nécessairement compte de celui de l'autre : à l'ignorer, il se détruirait lui-même." .../..."
Extrait de "Psychanalyse et anarchie " Philippe Garnier- source
"../...Aujourd’hui, la rencontre du capitalisme et de la science a ouvert la voie à un type de lien social plutôt nouveau. En effet, d’une part, du fait de la science, on ne carbure plus vraiment à l’Idéal commun et d’autre part, « grâce au » marché, on nous promet désormais une pleine satisfaction à portée de main. Bref, non seulement le ciel s’est vidé (Dieu est mort) et les lendemains qui chantent sont aphones (chute du communisme), mais encore le discours capitaliste se présente comme « fournisseur de jouissance ». J. Lacan notait en 1967 ce changement : « les hommes s’engagent dans un temps qu’on appelle planétaire, où ils s’informeront de ce quelque chose qui surgit de la destruction d’un ancien ordre social que je symboliserai par l’Empire tel que son ombre s’est longtemps encore profilée dans une grande civilisation, pour que s’y substitue quelque chose de bien autre et qui n’a pas du tout le même sens, les impérialismes, dont la question est la suivante : comment faire pour que des masses humaines, vouées au même espace, non pas seulement géographique mais à l’occasion familial, demeurent séparées ? ». Pour G. Châtelet, nous sommes passés « de la chair à canon à la chair à consensus et à la pâte à informer » . « Allez-y, achetez, consommez… et vous jouirez ! » assure la publicité. Une véritable obsession gestionnaire s’empare alors de notre société : on gère tout, sa vie, son temps, son corps, sa sexualité, sa santé , … Rêve d’un corps machiné, automatisé, et surtout déchargé de sa responsabilité. Car en rabattant le désir sur le besoin, on objective le sujet, à présent envisagé comme une « machine à traiter l’information » qui sait communiquer sans malentendu. Cet idéal d’un moi fort, performant, sans manque, sans histoire et dans le même temps flexible et malléable est formidable pour le marché !".../...
Extrait de "Psychanalyse et anarchie "Rien n'est plus révolutionnaire que le désir." par Rénald Gaboriau-source
Ouh, mais c'est qu'il est super-intéressant, ce bouquin-là......
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