"Je n'écris pas pour dire que je ne dirai rien, je n'écris pas pour dire que je n'ai rien à dire. J'écris: j'écris parce que nous avons vécu ensemble, parce que j'ai été un parmi eux, ombre au milieu de leurs ombres, corps près de leur corps; j'écris parce qu'ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l'écriture; l'écriture est le souvenir de leur mort et l'affirmation de ma vie."
-Georges Perec-
sur la pharmacie à côté de la boulangerie
"../...Tu le sais je suis né d'un père et d'une mère humains. Mes soeurs, pas plus qu'eux, n'ont quatre pattes, une tête bête, ni des yeux rouges. Mes enfants non plus. De mon côté, j'ai aussi l'apparence d'un être humain, un peu sombre, peut-être. J'aime l'herbe, mais ne la broute pas, et j'habite un studio donnant sur les arbres à Montmartre, au pied du Sacré-Coeur. C'est là où je reprends conscience de ma vie. Il y a certainement eu en elle des choses qui m'ont totalement échappé...car je ne les cherchais pas.
Ces phrases que je transcris sont les premières d'un texte intitulé le mouton noir mélancolique. Près de deux cents pages rédigées à la main d'une écriture soignée, corrigées et annotées jusqu'à la fin. Sur la chemise bleue qui les renferme, mon père a écrit "à romancer". Ce texte, il le destinait à d'autres. Ma soeur et moi pour commencer. Il a passé les derniers mois de sa vie à l'écrire, dans le petit appartement que nous lui avions aménagé: une pièce blanche et claire, au rez-de-chaussée d'un immeuble moderne précédée d'un couloir en coude , sur lequel ouvraient une cuisine, une salle de bain, une penderie, et dont la paroi du fond était entièrement occupée par une baie vitrée qui donnait sur voie plantée d'arbres. Il y avait dans ce lieu comme dans certaines chambres d'hôtel, quelque chose d'impersonnel et de rassurant. Dès que nous l'avons vu nous avons su qu'il y serait bien, qu'il y échapperait à la peur. Nous y avons installé les meubles et les bibelots rescapés de la vente à Drouot, une grande bibliothèque où tenaient ses livres de droit et les cartons remplis de ses cahiers, un divan et un bureau, des tapis usés, une console Empire, des tableaux de mon grand-père, une photographie en noir et blanc de la Malouinère de Saint-Méloir-des Ondes: les reliques d'une dynastie de notables qui recomposeraient autour de lui le décor d'une vie respectable, lente et feutrée. Les psychiatres l'ont autorisé à quitter la clinique où depuis un an il était enfermé. Il allait pouvoir recommencer à vivre. C'est dans cette chambre qu'il est mort, neuf mois après.
Citation et extrait de "Personne" un roman de Gwenaëlle Aubry-Editions Mercure de France-
Ouh, il a l'air dense, ce bouquin là.......lourd !
RépondreSupprimer"personne" de Gwenaêlle Aubry, un récit qui retrace la souffrance du père comme celle de sa fille.Que de rendez-vous manqués...
RépondreSupprimerune bonne lecture.
http://tourl.fr/asig
un peu comme le café quand il est puissant et riche en goût c'est délicieux mais à consommer lentement pour apprécier tous les parfums
RépondreSupprimerSeulement, attention, on n'en sort -pas toujours-indemne...
pour plus de détails il faut naturellement aller dans la caverne d'"Ali Roko" à qui j'ai emprunté ces quelques strophes qui résument bien la situation:
"Car le songe est plus beau que la réalité
Car les plus beaux pays sont ceux
que l'on ignore
Et le plus beau voyage est celui fait en rêve"
Tristan Klingsor (Le Voyage)