dimanche 27 février 2011

paroles d'enfance




photo: Grey Hand Gang




"Avec nos bidons en fer blanc
On descendait chercher le lait
A la ferme au soleil couchant
Dans l’odeur des soirs de juillet
On avait l’âge des confitures
Des billes et des îles au trésor
Et l’on allait cueillir les mûres
En bas dans la ruelle des morts
On nous disait que Barberousse
Avait ici sa garnison
Et que dans ce coin de cambrousse
Il avait vaincu des dragons
On avait l’âge de nos fêlures
Et l’on était conquistadors
On déterrait casques et fémurs
En bas dans la ruelle des morts
On arrosait toutes nos victoires
A grands coups de verres de Kéfir
Ivres de joie et sans le savoir
On reprenait Mers el Kebir
Puis c’étaient nos chars en Dinky
Contre les Tigres, doryphores 
Qui libéraient la french country
En bas dans la ruelle des morts
Que ne demeurent les printemps
A l’heure des sorties de l’école
Quand les filles nous jouent leurs 16 ans
Pour une bouiffe de Royale Menthol
Je n’sais plus si c’était Françoise
Martine, Claudine ou Marie-Laure
Qui nous f’saient goûter leurs framboises
En bas dans la ruelle des morts
Que ne demeurent les automnes
Quand sonne l’heure de nos folies
J’ai comme un bourdon qui résonne
Au clocher de ma nostalgie
Les enfants cueillent des immortelles
Des chrysanthèmes, des boutons d’or
Les deuils se ramassent à la pelle
En bas dans la ruelle des mort." 
-Hubert Felix Thiéfaine-








photo: Sutkus Antanas


"Mon enfance passa 
De grisailles en silences 
De fausses révérences 
En manque de batailles 
L`hiver j`étais au ventre 
De la grande maison 
Qui avait jeté l`ancre 
Au nord parmi les joncs 
L`été à moitié nu 
Mais tout à fait modeste 
Je devenais indien 
Pourtant déjà certain 
Que mes oncles repus 
M`avaient volé le Far West 
 
Mon enfance passa 
Les femmes aux cuisines 
Où je rêvais de Chine 
Vieillissaient en repas 
Les hommes au fromage 
S`enveloppaient de tabac 
Flamands taiseux et sages 
Et ne me savaient pas 
Moi qui toutes les nuits 
Agenouillé pour rien 
Arpégeais mon chagrin 
Au pied du trop grand lit 
Je voulais prendre un train 
Que je n`ai jamais pris 
 
Mon enfance passa 
De servante en servante 
Je m`étonnais déjà 
Qu'elles ne fussent point plantes 
Je m`étonnais encore 
De ces ronds de famille 
Flânant de mort en mort 
Et que le deuil habille 
Je m`étonnais surtout 
D`être de ce troupeau 
Qui m`apprenait à pleurer 
Que je connaissais trop 
J`avais L`œil du berger 
Mais le cœur de l`agneau 
 
Mon enfance éclata 
Ce fut l`adolescence 
Et le mur du silence 
Un matin se brisa 
Ce fut la première fleur 
Et la première fille 
La première gentille 
Et la première peur 
Je volais je le jure 
Je jure que je volais 
Mon cœur ouvrait les bras 
Je n`étais plus barbare 
 
Et la guerre arriva.
 
Et nous voilà ce soir."
 
-Jacques Brel-
 

 

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