vendredi 16 juillet 2010

AUTRES RIVAGES


"Au cours de l'automne 1939, nous retournâmes à Paris, et vers le 20 mai de l'année suivante nous étions de nouveau près de la mer, cette fois sur la côte ouest de la France, à Saint-Nazaire. Là, un dernier petit jardin nous entoura, tandis que toi et moi, et notre enfant, maintenant âgé de six ans, entre nous deux, le traversions en nous rendant aux docks, où, derrière les bâtiments qui nous faisaient face, le paquebot Chapelain nous attendait pour nous emmener à New York. (...) quelle profonde satisfaction ce fut de distinguer parmi le brouillamini angulaire des toits et des murs une superbe cheminée de paquebot, se laissant voir derrière la corde à linge comme ce que, dans une image-devinette - Trouvez ce que le marin a caché - on ne peut plus ne pas voir une fois qu'on l'a vu." 





«Ce n'est certainement pas alors - pas dans les rêves - mais quand l'on est bien réveillé, aux heures de joie robuste et d'accomplissement, sur la plus haute terrasse de la conscience, que l'on a une chance de plonger le regard au-delà des limites de la mortalité. Et bien que l'on ne puisse pas voir grand chose à travers la brume, l'on a pourtant le radieux sentiment de regard dans la bonne direction.»"


"Toute poésie est, en un sens, une poésie de situation. (...) Le poète sent tout ce qui arrive en un point donné du temps. Perdu dans ses pensées, celui-ci tapote son genou de son crayon semblable à une baguette de magicien et, au même instant, une auto (plaque d'immatriculation de New York) passe sur la route, un enfant claque la contre-porte d'une véranda voisine, un vieillard bâille dans un verger embrumé du Turkestan, un grain de sable gris cendre est roulé par le vent jusque sur Vénus, un certain docteur Jacques Hirsch, à Grenoble, chausse ses lunettes pour lire, et des trillions d'autres choses sans importance de ce genre se produisent - toutes ces circonstances formant un organisme instantané et transparent dont le poète (assis sur une chaise de jardin, à Ithaca, N.Y.) est le noyau."





extraits de"autres rivages" de Vladimir Nabokov



sculpture:  'albatros" de Jean Lemonnier

2 commentaires:

  1. Une lecture à faire en face de tels paysages,en effet. C'est tellement....ça me fait du bien de voir tes photos !

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  2. pendant quelques années cette ville a tourné le dos à son port; sans doutes que la bas sous- marine grosse verrue inesthétique et souvenir encombrant de la "dernière" y a été pour quelque chose, en bouchant la vue sur la darse et ses bateaux, mais peut-être qu'elle n'était pas la seule cause...En tout cas aujourd'hui après avoir percé comme un gruyère , heu! emmental pardon le bloc de béton et ainsi créé des ouvertures vers le port la ville n'est plus coupée de ses origines et c'est tant mieux. quand à la bas devenue un genre de friche industrielle, elle a été réhabilité en lieu culturel qui prend un peu l'eau..mais bon comme on dit: lez matériaux sont d'époque.
    Tout ça pour dire que si un jour St Nazaire pouvait redevenir un port d'embarquement pour les Amériques , au moins les bateaux ne seraient plus dans le: "partir et ne jamais revenir..."
    qui sait...

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