Il est singulier ce titre et ne fera donc pas référence au recueil de poésie de Monsieur Guillaume.
Ici, il ne s'agit pas de rupture amoureuse et de l'écriture déchirée qui dans ces conditions particulières lui convient à merveille, mais d'un roman de Poppy Z. Brite qui nous parle de deux amis Rickey et G-man qui vont décider d'ouvrir le restaurant de leurs rêves à la Nouvelle-Orléans. Ils sont cuisiniers et sacrément doués et inventifs; leur idée maîtresse c'est d'associer " l'Alcool" à la confection de leurs plats raffinés. Il est singulier le titre... comme idée générique, -concept- devrait-on dire, mais il se conjugue au pluriel et sans frontières avec des eaux de vie, liqueurs et spiritueux d'une quête mondialiste pour se retrouver dans les cuisine de "Alcool"- le nom du restaurant- acolytes (j'ai pas dit alcoolique...) de subtiles préparations tellement bien présentées, détaillées et racontées qu'on en mangerait les feuilles de son bouquin.
C'est un livre qui se lit comme au coup de feu de l'intendance, pressé à chaque page d'en savoir la suite. C'est comme si l'on avait sa place de marmiton stagiaire et attentif prenant des notes sur un coin de piano. "Bonne cuisine et bon vin c'est le paradis sur terre" disait Henry IV... certes et tant mieux, des plaisirs il en existe beaucoup d'autres et pour tous les goûts mais qui sait...---------------------------
"Rickey posa son préavis de quinze jours chez Escargot. Pendant son temps libre, il allait au travail avec G-man et tous deux se mirent à expérimenter de nouvelles recettes. Un soir, tard, dans la cuisine de l'Apostle, une semaine pile avant que son préavis ne touche à sa fin, ils terminaient les préparatifs du lendemain en discutant de tout et de rien. G-man évoqua sa tante Charmaine:
-C'était une vraie hippie, radicale. Un jour qu'elle me gardait, avec d'autres gamins, elle a sorti à son ami, devant nous: "Je crois que je vais arrêter de fumer de l'herbe. -Tu vas arrêter complètement? a demandé son ami. -Non, je vais me mettre au chichon", a répondu ma tante Charmaine. Le soir même, mon cousin Raymond, qui avait quatre ans est allé voir notre grand-mère et lui a fait:"Tu sais quoi Mamie? Charmaine arrête l'herbe, maintenant elle ne fume plus que du chichon."
Rickey éclata de rire.
-Et qu'est-ce qui lui est arrivé, ensuite?
-Elle s'est rangée avec l'âge.
-Comme la plupart des gens, j'imagine.
-Rickey, t'as pas les boules que ça nous arrive à nous, si jamais cette histoire d'Alcool voit le jour et qu'elle prend bien?
-Non, répondit Rickey sans une once d'hésitation. Dans notre partie, personne n'est vraiment dans le rang.Même ceux qui arrêtent de se défoncer, qui font des gosses et tout ça, ils restent toujours un peu barrés à leur manière.
-Ouais, c'est vrai dans l'ensemble. Mais beaucoup de patrons de restau m'ont l'air tout à fait dans le rang.
-Ecoute, G. on ne va pas devenir de simples proprios. On sera des chefs-proprios. Et les chefs-proprios ne sont jamais rangés.
-Tu en es sûr?
-Je n'ai que deux mots à ajouter: Willy Gerhardt.
-OK.Là, tu marques un point.
Willy Gerhardt était un expatrié allemand qui avait explosé dans le milieu de la restauration à la Nouvelle- Orléans environ cinq ans auparavant. Doté d'un talent extraordinaire, il avait fait ses débuts comme chef de cuisine au Polonius Room, restaurant de l'hôtel Hemecourt, où il s'était très vite vu attribuer cinq haricots rouges, l'équivalent des étoiles pour le guide du Times-Picayune. Il profita de sa notoriété bien méritée pour ouvrir son propre restaurant, en plein centre de la Nouvelle-Orléans. avec son décor étincelant et sa recette personnelle de homard grillé au jasmin, le restaurant de Gerhardt devint rapidement le plus prisé de la ville. Willy décida d'en ouvrir un deuxième, ainsi qu'une épicerie fine. Il acheta un petit scooter pour faire les navettes. Il donnait des interviews bizarres, mystiques, dans lesquelles il parlait d'une pyramide de pierres qu'il gardait précieusement chez lui. Selon Willy, ces pierres étaient pour lui une source d'équilibre, et si jamais elles venaient à s'écrouler, il en ferait de même.
La légende veut qu'un jour un rival jaloux- à moins qu'il ne s'agisse d'un pote bourré- s'introduit chez lui par effraction et fit s'effondrer la pyramide. personne ne sut jamais ce qu'il s'était réellement passé. Toujours est-il que tous les restaurants de Willy fermèrent d'un seul coup et que nul n'entendit plus jamais parler de lui à la Nouvelle Orléans. Selon les rumeurs de cuisine, il était à présent derrière les barreaux en Angola, en cure de désintox' à Vegas, cuisinier attitré d'un millionnaire dont le yacht sillonnait les mers du Sud, ou encore décédé d'une overdose d'héroïne.
-Mais nous, on veut pas finir comme lui, dit G.man.
-L'option Yacht ne serait pas pour me déplaire...
-Je n'ai jamais cru à cette version.
Rickey posa son couteau et jeta un regard en direction de G.man, occupé à découper un céleri en dés avec une méticulosité laissant penser qu'il pourrait bien se contenter de répéter inlassablement ce même geste toute sa vie. Peut-être serait-ce le ca, se dit Rickey ; peut-être que G-man aspirait-il à une vie sans remous, dénuée de toute prise de risques. il se sentit cruel de nourrir de telles pensées, mais à présent que cette idée de restaurant le rendait tout feu tout flammes, la placidité de G-man l'irritait par moments.
-G, t'en as jamais marre d'être tout le temps dans la dèche? T'en as jamais marre de te crever le cul pour engraisser le compte en banque de connards comme Jesse Honeycombe?
-Bien sûr que si. Mais qu'est-ce que tu veux qu'on fasse d'autre? On est jamais que deux cuistots branleurs parmi tant d'autres.
-Faux, répondit Rickey. Bientôt, on fera tourner cette cuisine-ci, et un jour, on en aura une encore plus grande et bien équipée.
-T'y crois dur comme fer, hein?
-C'est pas que j'y crois, je le sais , voilà tout. J'ai eu une idée géniale et je vais tout faire pour qu'elle se réalise. on peut y arriver, tu m'entends? L'alcool va faire de nous des hommes libres."Extrait de "Alcool"- un roman de Poppy Z. Brite- traduit de l'américain par Morgane Saysana- Editions: Au diable vauvert
Bin moi, j'aime pas l'alccol dans la nourriture. Bon, un ptit filet dans certains ragoûts, admettons - mais les desserts et tout, jamais de la vie ! ah y a rien eu à faire, jamais, même l'odeur me soulève le coeur.
RépondreSupprimerj'avais cru comprendre...
RépondreSupprimer;-)
mais en tout cas pas de risque d'être bourré avec l'alcool mis dans la cuisine, c'est cuit, brûlé etc et les effets pervers sont ainsi anéantis
le reste est bien sur une affaire de goût...