mardi 9 février 2010

C'est quoi au fait, le rendement Humain?...



Nathalie! Au revoir Nathalie...
Prends soin de toi!

J'ai honte! Honte de participer et de ne pouvoir agir contre une mise à la rue d'une jeune fille de tout juste 18 ans! Honte d'être éducatrice et de n'avoir su protéger une jeune contre les politiques sociales qui ne justifient et ne financent par un budget public, que pour donner bonne conscience à un Etat qui se déshumanise, et qui trompe l'ensemble de la société!
Honte de ne pouvoir qu'obéir à un ordre d'un fonctionnaire qui me demande de la mettre dehors!
Cette jeune fille à qui je viens de dire au revoir, et sur qui je referme définitivement le portail d'un foyer (structure qui s'était réellement engagée à trouver une place pour elle, adaptée à ses difficultés), je ne saus pas où elle va dormir ce soir, où elle va manger! Elle n'a personne.

Nous savons tous qu'en lui fermant le portail, nous la mettons à la rue, pour accroître le nombre de SDF en France! Je ne peux pas!  La honte, le dépit, la culpabilité, la tristesse m'envahissent! Mon corps ressent une immense fatigue et lassitude par ce combat, sans doute perdu d'avance! Nul doute que Nathalie ne soit désormais qu'une jeune fille de plus qui ira grandir le nombre de nos jeunes en extrême difficulté, et ne fasse les frais de nouvelles politiques sociales économistes!

Mais une société moderne, civilisée, n'est-elle pas en devoir d'aider ceux qui n'ont pas eu en début de vie toutes les chances de leur côté?
Interloquée! Scandalisée! Dépitée! Comment accepter qu'une histoire comme celle-ci puisse se passer en France, aujourd'hui? Voilà des mois que je suis témoin d'une vie qui part en lambeaux, d'un abandon d'une jeune vie par mes pairs. Mes pairs, sont ceux qui comme moi, travaillent dans un système social qui a comme objectif d'accompagner des personnes, qui au départ de leur vie, n'ont pas eu de racines suffisamment constructives pour pouvoir s'insérer et participer à notre société. Certains pour des handicaps physiques, mentaux,  ou pour les personnes comme celles auprès de qui je travaille, des handicaps sociaux.
Pour tous ceux-ci, les droits de l'homme, les droits de l'enfant, ont été créés car ils sont devenus une nécessité évidente pour le respect de la dignité humaine. Pourtant, aujourd'hui, j'ai parfois l'impression de participer à un vaste mensonge, permettant de rassurer ou de donner bonne conscience à un Etat, qui triche avec nous tous!
Cette histoire que je tente d'expliquer, est l'histoire d'une enfant, dont les parents, père et mère sont dans l'incapacité de s'occuper d'elle et dans la maltraitance à son égard. Pour ces raisons, cette enfant est signalée en danger. Pendant des années, des travailleurs sociaux mandatés par l'Etat interviendront auprès de cette famille, de cette enfant et de sa soeur.

Comment raconter, expliquer, une tranche de vie si pathétique, si désespérément triste? En tenant de tels propos, certains me diront que je ne suis pas professionnelle...Peut-être...Mais je suis aussi avant tout une femme citoyenne et humaine! Si j'ai choisi ce métier ce n'est pas le fruit du hasard. Je croyais à ce métier!
Ce jeunes, ayant eu nombre de carences en début de vie, peuvent malgré tout, avec un accompagnement fait de patience, d'écoute, de réassurance, s'ancrer dans la vie et dans notre société.
Mon métier n'était pas une utopie. Je sais qu'à l'impossible nul n'est tenu. Certains, malgré toute aide, n'y parviendront pas.

Mais j'ai vu des vies chaotiques, des jeunes partir avec de grands handicaps: des jeunes maltraités, humiliés, mal aimés (au sens premier du terme), des parents délinquants, perdus dans leur propre vie, pour qui il était impossible de donner à leurs enfants suffisamment de repères, de stabilité, d'amour positif. Ces enfants sont-ils responsables des difficultés de leurs parents? Doivent-ils payer le prix de leurs difficultés?

J'ai eu le plaisir de voir nombre de ces jeunes, avec la patience et l'écoute d'une équipe de professionnels, se saisir enfin de leur vie. Pour cela, il faut croire sincèrement en eux, être même tenaces et patients, tenir ses engagements d'adultes responsables représentant la société dans laquelle ils trouveront enfin leur place.
Eux, ne croient plus en rien ni en personne. Trompés, malmenés depuis de longues années, la société, les adultes, leurs pairs ne sont souvent pour eux que des êtres menteurs, égoïstes, calculateurs, profiteurs, irresponsables. Nous tentons de leur montrer une vie ni blanche, ni noire. Mais une vie où ils peuvent trouver toutes les nuances de gris, à condition de patience, d'envies, et de se "battre" pour créer leur propre palette de nuances. Tous, ou presque, peuvent s'inscrire dans notre société si on leur en laisse le temps et qu'on leur en reconnaît l'humanité.

Mais depuis quelques temps, les politiques sociales, la société des temps modernes, calculatrice de rendement (au fait, c'est quoi au fait le rendement Humain?...) comptable de coûts, d'économie de l'instant, comme pour se gargariser de savoir gérer l'argent public, économise à grandes coudées l'avenir de ces jeunes, mais aussi notre avenir à tous, ainsi que le coût futur des violences, des agressions, des maladies mentales que ces jeunes "abandonnés" vont nous renvoyer comme un boomerang.

C'est pourquoi je prends la plume pour mettre sur la place publique la façon qu'à notre gouvernement  en 2010, de faire semblant de s'occuper de l'enfance en danger! Avant dix-huit ans le conseil général, préfère rapatrier une jeune dans un foyer citadin, sachant pertinemment, que cette jeune fille risque un danger permanent de violences sexuelles ou de prostitution! Mais ce n'est pas grave, chacun se couvre, le lieu étant habilité par les services du conseil général!  Pourquoi la retirer d'un lieu, à la campagne où elle était en sécurité et pouvait s'épanouir plus sereinement, mais qui avait le tort de ne plus être habilité?
Comment se fait-il que des jeunes, n'ayant même pas commis d'incivilité soient déscolarisés par l'Education Nationale alors qu'ils sont en obligation scolaire? comment alors parler à ces jeunes de loi et de respect de la société quand cette même société ne respecte pas les lois qu'elle a établies pour l'égalité du droit à la culture, à la citoyenneté!

Voilà, messieurs dames, plusieurs années que je vois se dégrader de façon grave la protection de l'enfance! Des jeunes se retrouvent à la rue parce qu'ils ont dix-huit ans! Vos enfants à vous, sont-ils capables d'être autonomes à cet âge? Seuls, sans aides ni possibilité d'être réellement accueillis par leurs parents.
Pouvez-vous me dire comment il est possible que le système de protection de l'enfance estime qu'un jeune de dix-sept ans et demi soit en danger et le fasse placer dans un foyer et décide de le renvoyer à la rue lorsqu'il en a dix-huit. N'y aurait-il subitement plus de danger pour ce jeune? Certes, oui! pour les gouvernants, plus aucun danger légal d'être accusé en cas de problème! Il est entendu qu'étant que majeur, le jeune est civilement responsable de lui-même! Même en 1974, lorsque Valéry Giscard d'Estaing fut élu comme président de la république, l'Etat ayant conscience qu'il ne pouvait abandonner une partie de ces citoyens, s'était engagé alors à accompagner les jeunes en difficulté jusqu'à vingt-et-un ans. Pour autant tous n'ont pas besoin d'être suivis jusqu'à vingt-et-un ans, mais il serait tout de même moins scandaleux de leur laisser le temps de prendre un peu confiance en leurs capacités d'autonomie. qu'ils puissent finir leur bac, leur BEP, voire s'installer peut-être en studio!

A quoi sert notre métier d'éducateur, si on ne peut pas réellement accompagner ces jeunes? a quoi bon dépenser de l'argent public pour faire semblant?

Ne serait-il pas moins coûteux à la société d'accompagner maintenant réellement ces jeunes, plutôt que de payer plus tard des hôpitraux, des prisons, des violences de rues, extrêmement plus coûteuses pour la société, sans compter le gâchis humain de ces politiques électorales à court terme. Ne soyons pas dupes!
Messieurs dames, il s'agit de vous, de nous, de nos enfants, de nos choix de société dite civilisée; ce sont aussi nos, vos impôts que l'on utilise de manière éhontée, en Vous mentant, en Nous mentant!

Mais que le gouvernement assume sa position économiste, et qu'il ne fasse plus semblant: qu'il stoppe dès aujourd'hui la protection de l'enfance, qu'il ne la fasse plus minimaliste, juste pour se donner un semblant de bonne conscience , retournant plus tard la responsabilité sur ces jeunes, qui peut-être gâchent le paysage d'un pays apparemment tranquille et bien sous tous rapports!"

Florence, une future ancienne éducatrice!
Ce texte a été publié dans la page "Rebonds" de l'hebdomadaire "Lien Social" -n°959-

6 commentaires:

  1. Terrible ; ça fout la gerbe de voir ce qui se passe. son coup de geuele, elle a raison de le pousser. Qui va l'entendre, hormis ceux qui sont déjà covaincus ? hélas, il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre....

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  2. Florence, bonjour...
    Ton coup de gueule fait écho à une mienne indignation de ce matin, quand j'ai entendu proposer d'envoyer un...je ne sais plus le titre mais il était question de "ressources humaines" à des enseignants qui exigent à juste titre des surveillants pour réouvrir leurs cours.
    je suis tellement en rogne que je ne trouve plus les mots ni la ville où protestent ces enseignants.
    On veut faire quoi??? lancer les jeunes sans ressources ni repaires en hordes dans les villes et dans les campagnes??? parce que l'éducation n'est pas rentable et qu'elle ne "rapporte" rien???
    Quand ils auront volé, molesté, voir assassiné des gens pour même pas volé, mais se procurer de quoi subsisté, que fera-t-on d'eux???
    je vois venir des temps qui au temps de la science-fiction des années 50, semblaient justement, de la fiction et que la réalité va dépasser...
    Que faire, sinon écrire sur nos blogs , du moins pour l'instant...
    Puis-je passer ton post sur le mien???
    Pomme

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  3. Je n'aurais jamais cru en quittant le Brésil en 1989 que je verrai la situation sociale dans mon pays lentement se mettre au niveau...

    J'ai commencé par remarquer des mendiants aux carrefours des grandes agglomérations, puis j'ai vu les miséreux mendier en masse dans les rames de métro...

    J'ai entendu les commentaires des gens à l'époque : "des fainéants !..."

    Ce n'était que le début de la fin de la société telle que j'en étais fière, qui me rassurait alors que je vivais à l'étranger : "au moins chez moi, c'est pas comme ça"... Ben si. Petit à petit. Tout a foutu le camp : l'économie, la société...

    (soupir)

    Cette jeune fille c'est UN cas, hélas. Ils sont des milliers d'autres, en passe de devenir des millions.

    Qu'allons-nous faire ?

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  4. puisqu'une logique implacable inventée par on ne sait qui et qu'importe d'ailleurs voudrait que l'on finisse tous un jour ou l'autre en tête (ou queue) de gondole... C'est ptêt ça finalement le fameux quart d'heure de gloire dont chacun devrait disposer dans sa vie!
    Mince alors, dans mon utopie relative et mon bout d'estuaire battu par les vagues j'avais imaginé que tout n'était pas à vendre, que le profit consistait à faire profiter, que ce qui devait être mis au centre des préoccupations c'était l'Humain et ses fragilités. Qui a dit: "un jour viendra couleur d'orange"...

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  5. au fait Pomme tu peux bien sur publier ce texte :-)

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  6. Bon, bon, bon, quel témoignage poignant d'une société qui ne sait plus bien ou elle va...
    biz

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