jeudi 15 octobre 2009

fallait que je te dise aussi


Le monsieur presque loyal s'installa au milieu de la piste poussiéreuse juste après le passage d'un troupeau d'éléphants barytons et avant celui d'une escouade de juments andalouses.
Il avait dans les cinq minutes pour occuper la digestion des quelques spectateurs du chapiteau reprisé, avant que le spectacle ou ce qu'il en restait ne continue.
Il prit une grande goulée d'oxygène, c'était un des derniers luxes qu'il pouvait encore se permettre, puis, en secouant son costume à brandebourg comme pour en faire disparaitre les plis, il dit d'une voix légèrement nasillarde: "
vous voulez que je vous raconte une histoire ?"

Aucun des vingt trois spectateurs disséminés sur les gradins de bois ne répondit, il faut dire pour leur défense, qu'ils ne comprenaient pas un mot de la langue de éric besson, vu qu'ils étaient pour la plupart afghans du nord et qu'ils s'étaient installés sous la grande tente parce qu'on les avait éjecté la veille du bois qu'ils occupaient en lisière de l'autoroute.
Depuis, ils attendaient la suite en se demandant dans leur langue bien sur "c'est quoi tout ce cirque" et le monsieur de moins en moins loyal qui en avait connu d'autres -des bides- rajouta un peu interloqué mais professionnel quand-même:
"Et bien puisque vous en voulez une, pour vous distraire, je vais vous conter l'histoire du contribuable et de la grande administration des impôts"

Personne ne réagit, ils le regardaient tous tranquillement sans comprendre, comme ils faisaient d'habitude en voyant tout ce qui leur tombait sur le paletot rapiécé.
Monsieur déloyal commença ainsi:


"Alors voilà, il était une fois dans l'ouest, un type qui avait trouvé du boulot, ce qui était plutôt pas mal , pour ne pas dire extraordinaire puisqu'à l'âge de ses derniers cheveux blancs , ça ne courait pas les places, le boulot. Aussi, le type il était ravi, et même si son travail était pas franchement bien payé, lui il se disait que dans tous les cas c'était mieux que d'être assisté par les services généreux ou presque.
Et surtout ainsi il retrouvait un peu de dignité car dans la vie des grands ensemble ou chacun est pour soi et les dieux contre tous , c'est important la dignité et qui mieux que le travail pouvait encore vous en donner , enfin, en vendre.
De plus, le type, il avait une femme et des enfants , quelques meubles aussi mais pas de poisson rouge , et il fallait bien nourrir tout ce monde .
Alors, il travailla pendant une année et il était content, d'ailleurs tout le monde de son entourage était content pour lui, les fins de mois étaient moins angoissantes qu'avant et peu à peu il retrouvait le sourire qu'il avait oublié au pole emploi, enfin à son époque ça s'appelait l'anpe mais ça ne changeait pas grand chose vu que c'était les mêmes personnes qu'avant, tristes et résignées qui lui répondaient mécaniquement qu'il n'y avait rien à espérer vu son age et que surtout avec un parcours atypique...
c'était ptêt une maladie???...
un peu comme celle de sa femme qui elle, avait un fauteuil en plus, vu qu'elle pouvait plus trop marcher.

Un beau jour, à la saison des feuilles qui tombent en arriva une toute blanche et rouge dans sa boite aux lettres rose. C'était le centre des impôts qui venait lui faire un ptit coucou en passant et l'aumône de quelques sous, en même temps. Le type, il trouvait ça normal de verser son obole, dans la mesure où il travaillait et que les routes, les hôpitaux et le fauteuil de sa femme ça ne sortait pas de la manche du magicien (qui passerait en deuxième partie du spectacle).
Bon, c'est sur, si on lui avait demandé son avis, il aurait préféré que son argent ne serve pas aux militaires et à tous ces trucs inutiles et dangereux, mais comme on ne lui demandait jamais son avis et surtout pas dans un bulletin de vote à répétition dont on faisait ensuite des confettis pour rigoler, ça ne valait même pas le coup d'en parler, surtout que... ça rallongeait la sauce de l'histoire et qu'on avait, je le rappelle pour les distraits des gradins du haut, à peine cinq minutes pour la torcher.

Donc, le type il allait sortir son chéquier pour faire son devoir de citoyen responsable, quand il fut intrigué par la somme inscrite en bas à droite; on lui réclamait plus de la moitié que l'année précédente et là il se dit: d'accord je bosse, c'est normal que ça augmente, et de toute façon ça augmente toujours, mais à ce point là, quand même, ils ont dû faire une erreur, faut que je leur cause.
Et c'est ainsi qu'il alla voir les préposés du trésor grand public qui lui expliquèrent qu'ils étaient désolés pour lui mais que comme il travaillait maintenant à plein temps, pour eux, sa femme c'est comme si elle n'était plus handicapée et donc y'avait plus d'abattement à prendre en compte, enfin si, celui du type et de sa femme, mais ça, ça comptait pour du beurre heu! demi-sel.

Le type il leur répondit que sa femme était pas allée à Lourdes dans la piscine à gogos et que il comprenait pas pourquoi quand on commençait justement à sortir la tête de l'eau y'avait comme un grand bras administratif mais pas vraiment humain qui la repoussait aussitôt dans le bouillon-
Ben c'est comme ça qu'ils lui dirent les gardiens du trésor, c'est la loi, en rajoutant aussitôt: si vous voulez bien laisser la place maintenant y'en a d'autres qui attendent derrière vous. Allez! au suivant, et l'on se dépèche s'il vous plait.

Le type, il sortit de la file tout décontenancé, les épaules basses, surtout que, j'vous avais pas dit mais , quelques jours auparavant, sa femme avait reçu une autre feuille blanche qui lui disait que puisque son mari travaillait, doré-navrant, son allocation pour handicapée allait être coupée en deux- quel rapport avait-elle pensé? Mon handicap à moi c'est toujours le même, et la solidarité nationale et l'autonomie des personnes fragiles dont ils causent les politiques dans leurs grandes enceintes de camelots, ils en font quoi hein(g)?

Une semaine passa, puis arrivèrent un autre et puis encore un autre papier blanc et rouge, c'était toujours les impôts mais des nouveaux et à chaque fois avec la même histoire sur le handicap disparu de sa femme et des sommes impots-ssibles à payer...

Alors le type il se dit à quoi ça sert de bosser dans ces cas là?


Jusqu'à maintenant personne n'a réussit à répondre à sa question et surtout pas les centurions du trésor qui ont franchement autre chose à faire et pas causer de vagues pour pouvoir ...conserver leur boulot!
Chacun sa merde quoi et les moutons sont bien gardés...


Alors, elle vous a plu mon histoire ?
Mais comme personne ne répondit , le monsieur anciennement loyal leva les yeux et il vit que tout le monde dormait, allongé sur les bancs en bois .

Dame, pour une fois qu'ils étaient à l'abri ... et puis, entre-nous, questions malheurs de la vie ben ils en connaissaient un rayon les afghans en transit temporaire. et des histoires bien plus dégoûtantes que celle là avec des uniformes qui partout les poussaient sans états d'âme pour conserver eux aussi... leur boulot...mais que voulez-vous: c'était la loi!

4 commentaires:

  1. Triste à pleurer ; j'ai jamais aimé le cirque, de toute façon ; c'est bien trop près de la vie....mais j'aime toujours autant tes billets, J.J.

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  2. merci Anne;
    l'écriture c'est ma thérapie à moé, pour survivre, ne pas mettre de bombes parce que c'est pas bien d'utiliser les mêmes arguments que les enfoirés,pour se sentir un peu soulagé ensuite jusqu'à la prochaine révolte qui brille dans la nuit
    ;-)

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  3. moi aussi ça me touche cette histoire, d'autant que j'y travaille aux impots et que n'aime pas forcément toujours le role qu'on veut nous faire jouer...
    bon courage!

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  4. merci à vous!
    c'est évident, mais ça va mieux en le disant , qu'il y a partout dans l'administration et dans le privé des personnes qui se battent contre l'injustice celle qui leur est faîte bien sur mais aussi celle qui touche les usagers de leurs services, car il ne suffit pas de manifester pour une augmentation ou de meilleures conditions de travail dans sa propre boite, il faut aussi de la place où l'on se trouve, avec ses moyens -et c'est, il me semble, un devoir moral- ce qui permet de se regarder dans la glace sans trop de crainte...essayer de rendre le monde un peu plus juste, un peu plus Humain, avec ses ptites mains qui en croisent d'autres...

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