"C'est maintenant qu'il faut reprendre vie. J'ai répété cette phrase toute la journée en longeant la Seine : "C'est maintenant qu'il faut reprendre vie" Il y avait une lumière nouvelle dans les arbres, du vert partout, du bleu, et ce vent léger où flottent les désirs. J'ignore d'où venait cette phrase, mais elle glissait bien dans ma tête. Avec elle une joie bizarre se diffusait dans l'air d'avril, une joie de solitude qui vous ouvre la route. J'ai dit: "C'est maintenant qu'il faut reprendre vie." Aussitôt, il y a eu une série d'étincelles autour de ma tête, puis la phrase s'est enroulée autour de mes épaules en y traçant des lignes rouges, oranges, jaunes; elle a cheminé le long de mon bras, lentement, jusqu'à ma main qui s'est gorgée d'un sang bleu-noir. C'est ainsi que ce livre a commencé à s'écrire. La Seine, les arbres et mon corps se sont mis à tourner dans un instant de vide. Je n'ai pas eu le vertige. Au contraire: tout était affecté de vertige, sauf moi. Je brûlais, mon corps n'était plus mon corps, mais un buisson de flammes d'où sortaient des phrases. Ces phrases tourbillonnaient dans la lumière, au-dessus de l'eau, comme des tapis volants. Elles formaient dans le ciel d'immenses rubans de nacre. Un calme étrange fleurissait dans ma tête. Laisse faire, me disais-je, surtout laisse faire : un passage va s'ouvrir, et ce passage, tu l'appelleras Cercle. .../..." - extrait de cercle- de yannick haenel - l'infini- gallimard-
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