vendredi 1 août 2008

l'hécatombe






















"l'hiver 2003/2004 avait été particulièrement rude en Brière. La population des ragondins avait déjà payé un lourd tribut au froid qui les engourdissait au fond de leur terrier. Comme si cela ne suffisait pas, les plueies diluviennes conjuguées aux crues du Brivet et de la loire ne permettaient pas d'exonder le marais. La Brière était devenue une éponge saturée, l'eau avait tout envahi. Les buttes, les gagneries rétrécissaient comme peau de chagrin.






Entre Montoir -de -Bretagne et la Chapelle -des- Marais, l'épine dorsale de la Brière, la départementale 50 était inondée par endroits. Il fallait pourtant bien la traverser cette maudite route pour aller prendre des nouvelles des amis, ou chercher sa nourriture dans les derniers pâturages encre accessibles.






C'est alors que le carnage survenait, surtout la nuit. Les automobilistes, pressés de retrouver la chaleur de leur foyer et surpris par l'irruption des malheureux mustélidés, les écrasaient sans vergogne. Des centaines de cadavres jonchaient le bitume et les bas-côtés.






Cela ne pouvait plus durer, il fallait arrêter l'hécatombe!






AQUARATIUS, le roi des ragondins, élu démocratiquement par le congrès qui avait eu lieu à la Butte aux Pierres l'automne précédent, décida de convoquer le conseil des sages dans l'île de Kerfeuille.






"Mes amis, il nous faut trouver une solution. C'est la survie de notre peuple qui est en jeu" déclara t'il d'entrée.






On discuta toute la nuit. Plusieurs mesures furent proposées, mais aucune ne semblait répondre à l'urgence du problème. On envisagea même une migration massive sur les hauteurs de Pontchâteau, en attendant que la situation s'améliore. AQUARATIUS rejeta cette solution.






"Trop risqué ! les naquets ne nous aiment guère. Pour un poireau arraché dans leur jardin, ils sont capables de constituer des milices de surveillance et de nous tirer dessus comme des lapins!" Cette référence au cousin aux longues oreilles qui nageait si mal était considérée comme une insulte par la gente ragondine et fut saluée par un Ooooh!...d'indignation.






c'est alors que COURTEQUEUE demanda la parole. On l'appellait ainsi car il avait laissé une partie de son appendice caudal sous les roues d'une voiture.






"Mes amis, arrêtons de vouloir imiter les humains. La marche sur le bitume, ça paraît facile, mais c'est mortel! Revenons à nos traditions; Nous sommes un peuple de l'eau, mais aussi du monde souterrain. Je propose que nous creusions des galeries sous la route pour relier les bas-côtés. C'est notre seule chance de survie!."






A part certains, un peu paresseux, qui arguaient de la difficulté de la tâche à cause de l'empierrement de la chaussée, la proposition fut majoritairement adoptée. Dès le lendemain, tout le monde était au travail, et quelques semaines plus tard un invisible réseau de communication souterraine parcourait la Brière. La mortalité par accident chuta immédiatement. La population des ragondins était sauvée.






Ce fut autour des hommes d'avoir quelques problèmes. Dès le printemps, le dégel provoqua l'effondrement des galeries. Des crevasses apparurent sur la route. il fallut de toute urgence combler ces fissures. Pour plus de précautions, on apporta un surplus de revêtement sur la ligne de fracture, provoquant ainsi un léger renflement de la chaussée.






Certains ont appelé çà des ralentisseurs, d'autres des gendarmes couchés...c'est sans doutecette expression qu'il faut retenir, car on a toujours quelques comptes à régler avec la maréchaussée et, sur un plan symbolique, il est quand même plus satisfaisant de rouler sur le corps d'un gendarme que sur celui d'un ragondin."












-l'hécatombe-gérard le blouch-ce conte est extrait d'un recueil édité par le parc régional naturel de brière













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