samedi 12 juillet 2008

autoportrait
















"Adolescent, je croyais que La vie mode d'emploi m'aiderait à vivre, et suicide mode d'emploi à mourir. J'ai passé trois ans et trois mois à l'étranger. Je préfère regarder sur ma gauche. Un de mes amis jouit dans la trahison. La fin d'un voyage me laisse le même goût triste que la fin d'un roman. J'oublie ce qui me déplaît. J'ai peut-être parlé sans le savoir avec quelqu'un qui a tué quelqu'un. Je vais regarder dans les impasses. Ce qu'il y a au bout de la vie ne me fait pas peur. Je n'écoute pas vraiment ce qu'on me dit. Je m'étonne qu'on me donne un surnom alors qu'on me connaît à peine. Je suis lent à comprendre que quelqu'un se comporte mal avec moi, tant je suis surpris que cela m'arrive : le mal est en quelque sorte iréel. J'archive. J'ai parlé à salvador Dali à l'âge de deux ans. La compétition ne me stimule pas. Décrire précisément ma vie me prendrait plus de temps que la vivre. Je me demande si, en vieillissant, je deviendrai réactionnaire. Assis jambes nues sur du skaï, ma peau ne glisse pas, elle crisse. J'ai trompé deux femmes, je leur ai dit, l'une y fut indifférente, l'autre pas. Je plaisante avec la mort. Je ne m'aime pas. Je ne me déteste pas. Je n'oublie pas d'oublier. Je ne crois pas que Satan existe. Mon casier judiciaire est vierge. J'aimerais que les saisons durent une semaine. Je préfère m'ennuyer seul qu'à deux. J'arpente les lieux vides et je déjeune dans des restaurants désolés. En matière de nourriture, je préfère le salé au sucré, le cru au cuit, le dur au mou, le froid au chaud, le parfumé à l'inodore. Je ne peux pas écrire tranquillement s'il n'y a rien à manger dans mon frigidaire. Je me passe facilement d'alcool et de tabac. Dans un pays étranger j'hésite à rire lorsuqe mon interlocuteur rote pendant la conversation. Je remarque les cheveux gris des gens qui sont en âge de ne pas en avoir. Il est préférable que je ne lise pas les ouvrages techniques de médecine, en particulier de certaines maladies: je les vois proliférer en moi à mesure que j'en fécouvre l'existence. La guerre me semble si irréelle que j'ai du mal à croire que mon père l'ai faite. j'i vu un homme dont la moitié gauche du visage exprimait autre chose que la partie droite. Je ne suis pas sûr d'aimer New-York. Je ne dis pas "A est mieux que B" mais "je préfère A à B". Je ne cesse de comparer. Lorsque je rentre de voyage, le meilleur moment n'est ni le passage à l'aéroport ni l'arrivée à la maison, mais le trajet en taxi qui relie les deux: c'est encore du voyage, mais plus vraiment. Je chante faux donc je ne chante pas. Comme je suis drôle, on me croit heureux. J'espère ne jamais trouver une oreille dans un pré. Je n'aime pas plus les mots qu'un marteau ou une vis. Je ne connais pas les garçons verts. Dans les vitrines des pays anglo-saxons, je lis "sale" en français. Je ne peux pas dormir avec quelqu'un qui bouge, ronfle, respire fort ou tire sur les draps. Je peux dormir enlacé avec quelqu'un qui ne bouge plus. J'ai eu l'idée d'un Musée du Rêve. J'ai tendance, pour des commodités de langage, à nommer "amis" des gens qui ne le sont pas, je ne trouve pas d'autre mot pour qualifier ces personnes que je connais, que j'aime bien, mais avec lesquelles je n'ai noué aucun lien particulier. En train, dans le sens opposé à la marche, je ne vois pas les choses arriver, mais partir. Je ne prépare pas ma retraite. J'estime que la meilleure partie d'une chaussette est le trou.../.... "-extraits de autoportrait de édouard levé-chez P.O.L. éditeur

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