mardi 8 novembre 2016
festina lente
photo source
Toutes voiles dehors.
Toutes voiles: de l'or
mais encore faudrait-il s'entendre sur la richesse tant convoitée
et les moyens pour y arriver.
Alors bien sur, on peut s'agglutiner sur des quais vendéens et rêver en regardant filer les possesseurs de clés pour serrures d'espaces du possible- impossible... prenant tous les risques pour satisfaire nos frustrations de terriens du quotidien; admirer ces costauds grands pourvoyeurs de nos libertés sous procuration.
Bien sur.
Bien sur, et avec l'aide de médias aussi surdimensionnés que le sont des monstres de la technologie répondant aux doux noms de : "Banque populaire"," Edmond de Rothschild", "Maitre coq", "Hugo boss" "La mie câline"...
Bien sur.
Pourquoi bouder le plaisir d'un capitalisme décomplexé à la force du poignet?
Loin de moi l'idée de ne pas reconnaitre aux marins de l'inaccessible (pour le commun des mortels), le sacré courage qu'il faut avoir et les tripes bien accrochées, pour combattre des mers déchainées et des Caps sous le vent...
Bien sur.
Seulement, ringard que je suis, mes fantasmes d'émancipation se sont arrêtés dans le ptit cimetière du Bono devant la tombe de Bernard Moitessier, dont j'ai dévoré tous les bouquins , après avoir eu la chance de rencontrer- tout gosse- un de ses potes: Jacques-Yves le Toumelin aussi génial, bourru et déjanté que lui.
Ces types là, envoyaient promener les paillettes et les honneurs. Ils étaient habités et ô combien...
par les sirènes des hauts fonds, guidés par les albatros, torchés au Cap Horn (mais pas que) sans satellites ni informatique, s'en remettant à leur sextant et à leur sens profond du respect des océans et des Hommes, debout sur le pont ou assis en tailleur à papoter avec leur âme.
Pourtant, des héritiers, des disciples, même sans le savoir, il en existe encore et toujours; et là je ne cause pas- quoiqu'ils en disent- des pontes de la société du spectacle sur l'eau . Non, non, je veux parler des sans grade , ni sponsors, des bricoleurs géniaux et artistes délicats comme (par exemple) ceux de"Festina lente"
"hâte toi lentement" tout le contraire, des avaleurs de trophées , médailles et champagne giclant à gros bouillon à l'arrivée.
à suivre par ici:
ex voto:
Merci beaucoup à l'inconnu(e) qui en glissant gentiment dans ma boite aux lettres le numéro d'octobre de la revue SILENCE
m'a permis de découvrir outre cette belle revue , une géniale aventure humaine.
photos source
"Dieu a créé la mer et il l'a peinte en bleu pour qu'on soit bien dessus"
Bernard Moitessier
P.S.:
Bien sur,
:on peut remplacer Dieu par: qui on veut, c'est d'ailleurs ce que j'ai fait moi-même personnellement depuis un certain temps
déjà...
Bon vent!
dimanche 6 novembre 2016
comme une respiration
illustration source: Toile
"Regarde Jean, j'ai un petit doigt fantôme...
il faudrait arrêter le chouchen mon Yann.
Moi, je sens sa présence...D'ailleurs là il me fait mal jusqu'à l'ongle en ce matin d'hiver.
au printemps dernier, un soir vers 23 heures, Yann, qui est plombier a garé sa voiture dans la cour de chez lui mais est descendu de l'auto en oubliant de serrer le frein à main.
Sur le sol légèrement en pente, le véhicule s'est alors mis à reculer vers un mur tout proche.
Yann a plaqué sa paume droite sur le pare-chocs arrière pour tenter de stopper l'automobile mais celle-ci a poursuivi son déplacement alors le plombier a ôté sa main, hélas trop tard.
La voiture lui a écrabouillé l'auriculaire.
Il a soulevé sa pogne d'artisan en constatant : "Oh putain là, il est mal mon petit doigt!".
Remonté dans sa voiture (sans avoir à desserrer le frein à main) il a filé aux urgences de Dinan.
Après une anesthésie générale, Yann s'est réveillé dans une chambre où aucun chirurgien n'est venu lui annoncer l'amputation.
"De toute façon, en regardant ta main, tu vois bien qu'il t'en manque un !
ça fait hyper bizarre. Bon, là, t'as pas de rééducation, tu reprends le boulot mais les outils tombent.
on n'imagine pas comme c'est utile un petit doigt.
Pendant l'été encore, les tournevis, les écrous, tout glissait de ma paume, sauf, fort heureusement, les ballons de blanc pris au bar où, par prudence malgré tout jusqu'en automne, on me les servait avec une paille dedans.
Mais le plus dur est apparu en même temps que l'hiver. Dès les premières gelées, j'ai ressenti une onglée tout le long du petit doigt disparu et pas aux autres que j'ai encore.
Ah! j'ai souffert de ça!
J'aurais bien un gant sauf que, dehors sur les chantiers, j'ai besoin de la peau de mes doigts pour sentir, visser, graisser, savoir si les tuyaux sont chauds ou froids. Les gens étaient incrédules :
"Comment pourrais-tu avoir froid à un doigt que tu n'as pas ? "
et pourtant je le sentais comme s'il était là je te jure !
Seule ma grand-mère a cru en son retour mystérieux.
Au réveillon de Noël, elle m'a tendu un cadeau :
"Tiens, Yann, je t'ai tricoté ça"
Depuis, sous la neige et grâce à cette mitaine, Yann ne souffre plus d'onglée a son auriculaire absent.
Merci la grand-mère;
Dorénavant, les prochains hivers, le petit doigt fantôme ne se gèlera plus le cul.
quel soulagement pour Yann."
Jean Teulé "La mitaine de Yann"
"A Paris, un dimanche nuageux d'été dans le quartier du Marais et contre le mur de la bibliothèque historique, un quatuor qui fait la manche -pièces jetées dans un étui à clarinette-joue du Sydney Bechet et entame Petite Fleur.
Un dame fanée, revenant peut-être du marché, dépose son cabas et se met à danser près des musiciens qui l'ignorent.
Moi, je n'observe qu'elle tout comme le soleil qui, entre deux cumulus, salue furtivement cette humble fleur des rues échappée aux gens.
Passant d'une jambe sur l'autre, elle vibre (tremble?) en cadence telle que sur une tige tandis que tourne dans l'air ce slow mélancolique au langoureux vertige.
Lorsqu'elle pivote complètement, le bas de sa robe s'élève en corolle et son cerveau concentré éclot.
Fin de l'instrumental, la nonagénaire ramasse son panier de légumes alors que je viens lui déclarer :
-Vous dansiez bien Petite Fleur ...c'était gracieux.
-Merci monsieur. Très jeune fille, juste après la guerre en 1949, j'habitais à Sain- Germain-des-Prés
en face du café de Flore où j'ai rencontré mon mari qui est mort depuis.
On allait sous terre dans des caves à musique -Bar Vert, Blue Note...
Quand je danse ce standard , c'est comme si je retrouvais mon époux.
Je rentre chez moi allumer un cône d'herbe tandis qu'elle s'achemine vers sa maison pour retourner dans son vase."
Jean Teulé -"Petite fleur"
extraits de: "Comme une respiration" Editions Julliard
illustration source Toile
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