vendredi 3 mars 2017

c'est quand on parle des mains qu'elles sortent des poches


"Sur une arme les doigts noués
Pour agresser, serrer les poings
Mais nos paumes sont pour aimer
Y a pas de caresse en fermant les mains

Longues, jointes en une prière
Bien ouvertes pour acclamer
Dans un poing les choses à soustraire
On ne peut rien tendre les doigts pliés

Quand on ouvre nos mains
Suffit de rien dix fois rien
Suffit d'une ou deux secondes
A peine un geste, un autre monde
Quand on ouvre nos mains

Mécanique simple et facile
Des veines et dix métacarpiens
Des phalanges aux tendons dociles
Et tu relâches ou bien tu retiens

Et des ongles faits pour griffer
Poussent au bout du mauvais côté
Celui qui menace ou désigne
De l'autre on livre nos vies dans les lignes

Quand on ouvre nos mains
Suffit de rien dix fois rien
Suffit d'une ou deux secondes
A peine un geste, un autre monde
Quand on ouvre nos mains

Un simple geste d'humain
Quand se desserrent ainsi nos poings
Quand s'écartent nos phalanges
Sans méfiance, une arme d'échange
Des champs de bataille en jardin

Le courage du signe indien
Un cadeau d'hier à demain
Rien qu'un instant d'innocence
Un geste de reconnaissance
Quand on ouvre comme un écrin
Quand on ouvre nos mains."

Jean-Jacques Goldman 


"Deux mains
Ça ressemble à n'importe quoi
C'est ça, c'est rien, c'est fait de doigts
Deux mains
Qu'elles soient chargées d'or de diamants
Ou bien brûlées par la mer et le vent
Deux mains
Ça peut trouver deux autres mains
Et les garder jusqu'au matin
Deux mains

Ça peut pour une bague au doigt
Deux mains
Un jour trembler, trembler de joie
Ça peut aussi parler d'amour
Faire oublier la nuit le jour
Ça peut montrer le ciel offert
Ou vous pousser jusqu'en enfer
Comme les aiguilles des pendules
Le temps les sépare sans scrupule
Un jour pour un mot pour un rien
Ça claque la porte un matin

Deux mains
Ça souffre de ne rester qu'à deux
Et ça fait un signe d'adieu
Deux mains
Quand il est trop tard, ça se tend
Deux mains
Et ça ne trouve que du vent
Deux mains ça brille alors de larmes
Deux mains ça brille alors de larmes

Qu'elles soient chargées d'or ou brûlées par le vent
Deux mains
Ça devient implorant
Deux mains
Deux mains ça se joint en priant." 

Sylvie Vartan 


"Donne-moi tes mains pour l'inquiétude
Donne-moi tes mains dont j'ai tant rêvé
Dont j'ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi tes mains que je sois sauvé

Lorsque je les prends à mon pauvre piège
De paume et de peur de hâte et d'émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fond de partout dans mes main à moi

Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Ce qui me bouleverse et qui m'envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j'ai trahi quand j'ai tressailli

Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots

Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D'une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d'inconnu

Donne-moi tes mains que mon coeur s'y forme
S'y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement."

Louis Aragon "Les mains d'Elsa 



"Les chères mains qui furent miennes,
Toutes petites, toutes belles,
Après ces méprises mortelles
Et toutes ces choses païennes,

Après les rades et les grèves,
Et les pays et les provinces,
Royales mieux qu'au temps des princes
Les chères mains m'ouvrent les rêves.

Mains en songe, mains sur mon âme,
Sais-je, moi, ce que vous daignâtes,
Parmi ces rumeurs scélérates,
Dire à cette âme qui se pâme?

Ment-elle, ma vision chaste
D'affinité spirituelle,
De complicité maternelle,
D'affection étroite et vaste?

Remords si cher, peine très bonne,
Rêves bénits , mains consacrées,
0 ces mains, ses mains vénérées,
Faites le geste qui pardonne."

Paul Verlaine "Les chères mains qui furent miennes"



"Ce ne sont pas des mains d'altesse,
De beau prélat quelque peu saint,
Pourtant une délicatesse
Y laisse son galbe succinct.

Ce ne sont pas des mains d'artiste,
De poète proprement dit,
Mais quelque chose comme triste
En fait comme un groupe en petit ;

Car les mains ont leur caractère,
C'est tout un monde en mouvement
Où le pouce et l'auriculaire
Donnent les pôles de l'aimant.../..."

Paul Verlaine extrait de: "Mains" 


                                                                 
Les  photos sont de Marc Racineux. elles ont été  prises  il y a quelques jours à la maison de quartier de la Chesnaie à Saint-Nazaire.
Poèmes et chansons  proviennent du "Site des mains"


mercredi 1 mars 2017

elle est comme l'Ovide


 Au grenier
la toile araignée
 rime qui flotte
à  grande marée
abattée
Mettre les voiles
vent arrière
on y voit gouttes
comme dans
journée bien arrosée.
Elle est  Ovide 
du calendrier.
Mars et sa saucée
pour un mercredi 
Aubin
le bien nommé
qui
prend son pied en coulisse.





  illustration source: Toile

"Cette lettre pour t'expliquer ce que c'est que l'éloignement
On peut s'éloigner d'un être, aimé ou simplement connu
on peut s'éloigner d'un lieu et d'un temps
On peut s'éloigner d'un évènement, bien sûr, on ne fait même que ça
On peut s'éloigner d'un sentiment-douleur, douleur-
On peut s'éloigner d'une conscience
On peut s'éloigner d'un rêve
d'un idéal, d'un principe, d'une chanson
On peut s'éloigner d'un bienfait accompli
d'un crime commis
On peut s'éloigner d'un voeu, d'un mot, d'une couleur
On peut s'éloigner de soi et aussi de son reflet
On peut s'éloigner de la lumière et s'éloigner de la nuit.
En dressant cette liste
je me rends compte que je n'ai rien expliqué, en fait, de l'éloignement proprement dit.
Contrairement à ce qu'affirmait mon premier vers
ce ne sont pas les compléments de cette opération
dont elle ne peut se détacher sans perdre son sens
qui l'explorent et encore moins l'épuisent.
Je me suis éloigné à mon insu de l'éloignement
de sa définition telle que je l'entends
et que je voulais partager avec toi
parce que ce processus est à l'oeuvre dans nos rapports
ou plus précisément dans ton regard sur ma poésie
dont je te vois, dont je t'observe t'éloigner.
T'être éloigné serait peut-être plus juste
Je ne t'ai pas surpris en train de t'éloigner
J'ai remarqué que tu tétais éloigné alors que l'éloignement avait déjà eu lieu
Voilà une première caractéristique de l'éloignement
il a toujours déjà eu lieu quand on le constate
ou du moins il a commencé à avoir lieu
et ce commencement contient un élément définitif de même qu'impitoyable
que l'éloignement se conjugue au passé, et qu'il s'en dégage un mélange
d'irréversibilité et de cruauté me semble décrire avec fidélité sa nature
fuyante, nécessairement, puisque c'est l'éloignement qu'il s'agit ici
Pourtant une perspective inverse peut en dégager un aspect radicalement différent:
S'éloigner ne consiste pas seulement à quitter quelque chose mais autant
à ne pas entrer quelque part, à refuser d'y entrer
à rejeter l'inconnu devant lequel on est placé
et c'est là que je voulais en venir
C'est de cette facette de l'éloignement ou plutôt de la conjonction de ses deux côtés
que je voulais te parler
à propos de quoi je voulais 'écrire une lettre
pour te dire toute la pensée"
Emmanuel Moses "Lettre à Y"

                                                                \\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\|||||||||||||{{{{{




                                                   \\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\[[[[[[[[[[[[[[[[[[[[[[{{{{{{{{{







   ATLANTIDE  Festival des littératures

 au Lieu Unique Nantes/Naoned
du 2 au 5 mars
Source lieu unique:
"Le meilleur des mondes n’existe qu’en littérature, et la littérature n’éradique hélas ni les guerres, ni l’injustice, ni aucun autre fléau. Pourtant, elle peut faire des miracles, en chacun de nous. Car comme un phare dans l’agitation de ce monde, elle a cette précieuse capacité de nous éclairer, de nous prémunir contre l’indifférence et la résignation, de nous maintenir résolument éveillés et vigilants.
Pour sa cinquième édition, ATLANTIDE garde le cap en accueillant plus de cinquante auteurs d’ici et d’ailleurs, observateurs des tremblements de leur temps mais dont les mots dessinent aussi les espoirs de nos lendemains. Nous les retrouverons ou les découvrirons lors de grandes rencontres, de conversations et de lectures, ouvertes à tous, petits et grands lecteurs. Et nous n’oublierons pas d’écouter ensemble les voix de ces écrivains qui paient un lourd tribu à la liberté d’expression.

Les Mots du Monde face aux maux du monde, envers et contre toute morosité… Lisons !
Une cinquantaine d’auteurs parmi lesquels : Cécile Alix, Abdelaziz Baraka-Sakin, Kévin Bazot, Yves Beauchemin, Adrien Bloch, David Boratav, Lucile Bordes, Geneviève Brisac, Mircea Cărtărescu, Bernardo Carvalho, Sylvain Coher, Michael Collins, Álvaro Enrigue, Hélène Gaudy, Bernard Gilbert, Pierre-Henry Gomont, Loo Hui Phang, Çiler Ilhan, Serge Joncour, Etgar Kéret, Emma-Jane Kirby, Vénus Khoury-Ghata, Kris, Nathalie Legendre, Gila Lustiger, Alain Mabanckou, Laurent Mauvigner, Cloé Mehdi, Edouardo Mendoza, Danielle Mérian, Tania de Montaigne, Jean-Baptiste de Panafieu, Ioana Pârvulescu, Michel Piquemal, François Place, Anthony Poiraudeau, Charles Robinson, Sean-J. Rose, Ahmed Saadawi, Ron Silliman, Pascal Vatinel, Laurence Vilaine, Serena Vitale, Éric Vuillard, Zérocalcare…
Près de 90 rendez-vous, grandes rencontres et moments d’échanges entre ces écrivains, quelques grands enjeux de nos sociétés.
Rendez-vous sur le site Atlantide 


Photo Marc

 "On m'a demandé d'expliquer ce qu'est la poésie
J'ai cherché dans les livres 
J'ai cherché dans mon cour battant
J'ai cherché dans les vieux albums où luit l'origine
J'ai cherché dans les yeux de mes enfants
dans les yeux interrogateurs et craintifs du chat
J'ai cherché dans le silence des chambres vides
Je me suis souvenu de quelques moments qui auraient pu être 
la source diaphane de la poésie
Mais nul d'entre eux ne disait simplement: c'est cela, la poésie
alors je me suis tourné vers la nature
La nature!
La pluie et les oiseaux de passage
Les arbres splendides comme des coupoles orientales
Les champs vaporeux dans l'air rose du soir
Et l'air bleu du matin
Qu'est-ce que la poésie?
Elle voletait bien de-ci de-là comme un criquet
mais sans se poser sur aucune goutte, aucun oiseau, aucun arbre
il m'est venu à l'esprit une chanson
La chanson n'expliquait rien de plus que le reste
il m'est venu à l'esprit une exaltation ressentie autrefois dans une forêt
sur le flanc d'une puissante montagne
Cette exaltation n'était pourtant guère la poésie
J'ai allumé une cigarette
J'ai bu un peu d'arak de chez nous
et alors que j'étais en train de renoncer à pouvoir expliquer la poésie
le soleil de l'après-midi a touché un pan de mur
un orchestre tzigane est passé dans la rue
il a fait froid autour de moi à cause d'un courant d'air
le téléphone muet depuis le matin a soudain sonné
et tout cela était parfaitement la poésie"

Emmanuel Moses "Ce qu'est la poésie"
extraits de: "Sombre comme le temps" Editions Gallimard




 





   photo: Paco
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...