Harry, s'il ne devait rester qu'une seule de toutes vos leçons, laquelle serait-ce?
-Je vous retourne la question.
-Pour moi, ce serait l'importance de savoir tomber.
-Je suis bien d'accord avec vous. La vie est une longue chute, Marcus. Le plus important
est de savoir tomber."
.../...
Un jeudi matin de la fin d'octobre, Harry Quebert introduisit son cours de la façon suivante:
"Mesdames et Messieurs, nous sommes tous très excités par ce qui se passe en ce moment à Washington, dans toute l'histoire des Etats-Unis d'Amérique, deux raisons ont été répertoriées pour mettre un terme à un mandat présidentiel :
être une crapule notoire, comme Richard Nixon, ou mourir.
Et jusqu'à ce jour, neuf Présidents ont vu leur mandat interrompu pour l'une de ces deux causes:
Nixon a démissionné et les huit autres sont morts, dont la moitié assassinés.
Mais voilà, qu'une troisième cause pourrait s'ajouter à cette liste: la fellation.
Le rapport buccal, la pipe, la slurp slurp, la sucette.
Et chacun de se demander si notre puissant Président, lorsqu'il a le pantalon sur les genoux, reste notre puissant Président.
Car voici pour quoi l'Amérique se passionne: les histoires sexuelles, les histoires de morale. L'Amérique est le paradis de la quéquette.
Et vous verrez, d'ici quelques années, personne ne se souviendra plus que Monsieur
Clinton a redressé notre économie désastreuse, gouverné de façon experte avec une majorité républicaine au Sénat ou fait se serrer la main à Rabin et Arafat.
Par contre, tout le monde se souviendra de l'affaire Lewinski, car les pipes, Mesdames et Messieurs, restent gravées dans les mémoires. Alors quoi, notre Président aime se faire pomper le noeud de temps en temps.
Et alors? il n'est surement pas le seul.
Qui, dans cette salle aime aussi ça?"
A ces mots, Harry s'interrompit et scruta l'auditoire. Il y eut un long silence: la plupart des étudiants contemplèrent leurs chaussures. Jared, assis à côté de moi, ferma même les yeux pour ne pas croiser son regard. Et moi, je levai la main. J'étais assis dans les derniers rangs et Harry, me pointant du doigt, déclara à mon intention:
-Levez-vous, mon jeune ami. Levez-vous pour que l'on vous voie bien et dites-nous ce que vous avez sur le coeur.
Je montais fièrement sur ma chaise.
-J'aime beaucoup les pipes, professeur. Je m'appelle Markus Goldman et j'aime me faire sucer. Comme notre bon Président.
Harry baissa ses lunettes de lecture et me regarda d'un air amusé. Plus tard, il me confiera: "Ce jour-là, lorsque je vous ai vu, Markus, lorsque j'ai vu ce jeune homme fier, au corps solide, debout sue sa chaise, je me suis dit: nom de Dieu, voici un sacré bonhomme."
Sur le moment, il me demanda simplement:
-Dites-nous, jeune homme, aimez-vous vous faire sucer par les garçons ou par les filles?
-Par les filles, professeur Quebert. Je suis un bon hétérosexuel et un bon Américain. Dieu bénisse notre Président, le sexe et l'Amérique.
L'auditoire, médusé, éclata de rire et applaudit. Harry était enchanté. Il expliqua à l'intention de mes camarades.
-Vous voyez, désormais plus personne ne regardera ce pauvre garçon de la même manière. Tout le monde se dira: celui-ci, c'est le gros dégueulasse qui aime les gâteries. Et peu importent ses talents, oeu importent ses qualités, il sera à jamais "Monsieur Pipe". (Il se tourna à nouveau dans ma direction.)
Monsieur Pipe, pouvez-vous nous indiquer maintenant pourquoi vous nous avez fait de telles confidences alors que tous vos autres camarades ont eu le bon goût de se taire?
-Parce qu'au paradis de la quéquette, professeur Quebert, le sexe peut vous perdre mais il peut vous propulser au sommet. Et à présent que tout l'auditoire a les yeux rivés sur moi, j'ai le plaisir de vous informer que j'écris de très bonnes nouvelles qui paraissent dans la revue de l'université, dont des exemplaires seront en vente pour cinq petits dollars à l'issue de ce cours
A la fin du cours, Harry vint me trouver à la sortie de l'amphithéâtre. Mes camarades avaient dévalisé mon stock d'exemplaires de la revue. il m'en acheta le dernier.
-Combien en avez-vous vendu? me demanda-t-il.
-Tout ce que j'avais, soit cinquante exemplaires.
Et on m'en a commandé une centaine, payés d'avance.
Je les ai payés deux dollars pièce et les ai revendus à cinq. Je viens donc de me faire quatre cent cinquante dollars. Sans compter qu'un des membres du bureau directeur de la revue vient de me proposer d'en devenir rédacteur en chef. il dit que je viens de faire un coup de pub énorme pur le journal et qu'il n'a jamais vu une chose pareille.Ah oui, j'allais oublier: une dizaine de filles m'ont laissé leur numéro de téléphone. Vous aviez raison, nous sommes au paradis de la quéquette. Et il appartient à chacun de nous de l'utiliser à bon escient;
Il sourit et me tendit la main;
-Harry Quebert se présenta-t-il.
-Je sais qui vous êtes, Monsieur. Je suis Marcus Goldman. Je rêve de devenir un grand écrivain, comme vous. J'espère que ma nouvelle vous plaira.
Nous échangeâmes une solide poignée de main et il me dit:
-Cher Marcus, il ne fait aucun doute que vous irez loin.
.../..."
Joël Dicker-extraits de: "La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert"-Editions De Fallois-
photos Camille P.
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LiFE (Saint-Nazaire)
Base des sous-marins - Alvéole 14
Boulevard de la Légion d'Honneur
44600 Saint-Nazaire
Exposition du 9 janvier au 15 mars 2015
Conférence le 4 février 2015 à 19h00
"De
la Bretagne à la côte basque, de la Vendée à l’Alsace, Denis Rouvre a
fait depuis deux ans un tour de la France, celle des villes comme des
campagnes, emmenant dans sa roue des Français qu’il a photographiés et
interrogés, produisant une installation sur la question de l’identité
qui mêle images et voix. À l’heure de la mondialisation et,
simultanément, de la tentation sectaire du repli, il a demandé à chacun
d’entre eux qu’est-ce qu’être français aujourd’hui. Denis Rouvre a
rencontré des centaines de femmes et d’hommes, il a vu dans ces
personnages ordinaires des héros extraordinaires et les a éclairés sur
fond noir, comme dans les portraits de la Renaissance, leur conférant
ainsi la noblesse de ceux qui sont maîtres, parfois sans le savoir, de
leur royaume. Il a donné la parole à tous ces Français que l’on ne
consulte pas d’habitude, ces anonymes dont le corps, les postures, les
mots, tantôt offensifs, tantôt hésitants, définissent une géographie à
échelle humaine, un territoire où l’homme se tient debout, quelles que
soient les frontières."
Natacha Wolinski-source
Qu'est-ce qu'être français?
"Mon identité...Est ce que j'en ai une?
Je n'en sais rien. Je ne me suis jamais posé cette question: ce sont les autres qui renvoient cette notion.
Il faut toujours être quelqu'un ou quelque chose. Qui je suis?
Je suis à la fois l'histoire de mon père et l'histoire de ma mère,
la couleur de mon père et la couleur de ma mère,
l'accent de mon père et l'accent de ma mère,
le colombo de mon père et le cassoulet de ma mère."
-Christine Saint-Phlour-
photos Denis Rouvre
"Et si l'on vous posait cette question à vous, "qu'est ce qu'être Français, que répondriez-vous?
-Après avoir lu les 450 réponses, je ne peux plus y répondre. en fait, je savais dès le début, c'était une mauvaise question. Une question qui n'apporte pas de réponse. Qui n'a pas de réponse... "
extrait de l'interview de Denis Rouvre par Marie Bulteau pour le journal Estuaire