citation extraite du film de John Huston: "Asphalt jungle" (Quand la ville dort)-
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j'ai lu également un article de Esther Benbassa- sénatrice d'EELV du Val -de- Marne
publié dans le Huffington Post-
"Les déclarations de notre Premier Ministre
publiées par Le Figaro
de ce jeudi 24 juillet évoquent les remontrances de ces instituteurs
d'antan prompts à taper sur les doigts de leurs élèves lorsqu'ils ne
faisaient pas ce que le maître demandait.
Pour M. Valls, un élu ne
saurait participer à des manifestations autorisées susceptibles, selon
lui, de se terminer par "des slogans et des actes antisémites". Cette
mise en garde vient après que le même M. Valls a rudement critiqué, à
l'Assemblée, les quelques élus EELV présents à la manifestation
pro-palestinienne de Barbès de samedi dernier, interdite, elle, par le
préfet de Paris, le Premier Ministre
visant alors notamment le maire EELV du IIe arrondissement de Paris, Jacques Boutault, présent pourtant sur les lieux en observateur plutôt qu'en participant.
L'honneur des élus et le rôle de l'Etat
Quel
sort sera donc réservé, aujourd'hui, par notre Premier ministre, aux
élus qui ont effectivement participé à la manifestation de mercredi,
organisée par des gens sérieux et responsables,
encadrée par un service de sécurité efficace,
manifestation dont le mot d'ordre, simple et clair, était "Pour une
paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens", et qui s'est
déroulée dans le calme,
sans être entachée par le moindre slogan ou incident antisémite?
De
quel droit M. Valls s'en prend-il à des élus -comprenant d'ailleurs des
socialistes- exerçant librement leur droit de manifester dans un cadre
autorisé et exempt de toute dérives antisémites? Veut-il le leur
interdire? Et veut-il finalement interdire toute manifestation organisée
contre les massacres en Palestine? Si c'est cela qu'il vise, autant
qu'il le dise clairement.
Je croyais naïvement que le rôle de
l'Etat, en ces matières, était d'abord et uniquement d'encadrer et de
sécuriser. Or l'Etat a déjà failli, à Barbès, à Sarcelles. Aucune
interdiction ne semble avoir pu arrêter les excités et les provocateurs.
Les organisateurs de la manif d'hier, eux, l'ont fait. Et si quelques
jeunes ont brandi des drapeaux qui ne sont assurément pas de mon goût,
cela fait partie des
menus incidents habituels dans toutes les manifestations.
Non, je n'ai pas de problème avec Israël
Je
suis élue de la République. Et juive. Et fière de l'être. Les miens ont
contribué, dès les années 1940, à la fondation de l'Etat d'Israël. J'ai
une soixantaine de membres de ma famille dans ce pays que je visite
régulièrement. J'ai servi, jeune fille, ce pays, parce que je croyais
que le sionisme visait seulement à donner une terre à ceux qui n'en
avaient pas, et qui avaient subi pendant des siècles l'antisémitisme et
les pogromes, et finalement la Shoah.
J'ai aussi vécu, en 1967,
les premiers jours de l'occupation de la Palestine, avec angoisse. Je
venais de Turquie où j'avais cohabité avec des chrétiens, des musulmans,
des juifs, et grandi dans l'amour de la France. Je ne savais pas haïr
et je n'ai toujours pas appris. Je n'étais pas pratiquante, mais j'avais
gardé de mon judaïsme, celui de mes parents, une certaine éthique. Ne
pas humilier, servir le pauvre, l'humble, le malade, ne jamais commettre
des actes que je pourrais me reprocher. Respecter l'Autre, et surtout
la vie de l'Autre.
Si je milite aujourd'hui pour les minorités,
si je me bats pour les droits humains et la liberté, c'est au nom de
cette éthique. Pour être à la hauteur des idéaux du peuple dont je suis
issue. Comme de ceux de la République dont je suis, au Sénat, une élue.
Ce combat, je l'ai aussi mené, et je le mène encore, comme professeur
d'histoire juive, à l'Ecole pratique des hautes études, essayant
d'enseigner aux jeunes et aux moins jeunes ce que j'ai appris moi-même
de maîtres plus savants que moi.
Si j'ai manifesté hier, c'est
aussi pour dire que s'opposer à la politique de M. Netanyahou n'est pas
le pré carré de je ne sais quelle « confession » (musulmane). C'est pour
crier, avec force, avec tant de gens qui me ressemblent et qui ne me
ressemblent pas, au-delà de nos appartenances réelles ou supposées à une
religion ou à un parti, contre les violences et les massacres subis par
les Palestiniens. J'étais là, oui, parce que je viens d'un peuple qui a
souffert, et que je ne veux pas qu'un autre souffre à son tour, au nom
d'un nationalisme extrême et d'espoirs messianiques vains et dangereux.
Faux prophètes
Monsieur
Valls se prend pour un prophète. Il avait vu venir depuis longtemps "ce
nouvel antisémitisme". Puis-je lui rappeler, comme historienne des
juifs, que les prophètes -les vrais- avaient le courage de ne pas hurler
avec les loups, de prendre des risques, de se retrouver seuls, face au
pouvoir?
Le ton pseudo-"prophétique" de M. Valls, qui n'est que
calcul politique, me déplaît au plus haut point. Cherche-t-il à éviter
au parti socialiste ce que M. Jospin n'avait pas su éviter: le reproche
de ne pas avoir pris l'antisémitisme montant au sérieux? Cherche-t-il à
ébranler aussi, une fois de plus, l'équilibre des forces à gauche?
Cherche-t-il à séduire je ne sais quel électorat? Inquiétants calculs,
assurément. Qui expliquent peut-être également la déclaration initiale,
peu mesurée et outrageusement pro-israélienne, de M. Hollande concernant
le conflit en cours.
Cette déclaration, on ne le dira hélas
jamais assez, a indéniablement donné un coup de fouet malvenu aux
antisémites convaincus ou de circonstance, qui y auront trouvé un alibi.
Loin de contribuer à combattre l'antisémitisme et à assurer la sécurité
de la population juive, de telles postures mettent au contraire de
l'huile sur le feu. Etait-ce le rôle des plus hauts représentants de
l'Etat?
M. Valls, chef de la communauté juive ?
Les
sorties intempestives de M. Valls font partie de sa personnalité. Mais
elles ne doivent pas se faire au prix de la liberté des élus. Parler
comme s'il était le chef de la communauté juive ne sied pas, me
semble-t-il, à un Premier ministre. Celui-ci doit délivrer une parole de
responsable politique, sobre, soucieuse du bien commun et de la paix
publique. C'est ce qu'on lui demande. C'est tout ce qu'on lui demande.
Je
n'ai hélas pas lu les "oeuvres complètes" (sic) de notre Premier
Ministre, et je ne les connais pas. Puis-je cependant lui dire qu'il n'y
a pas, contrairement à ce qu'il suggère, de "nouvel" antisémitisme?
Seulement un antisémitisme tout court, qui s'exprime hélas parfois haut
et fort, sans complexe, qui prend parfois les habits trompeurs de
l'antisionisme, et qui trouve parfois un exutoire dans la défense des
Palestiniens.
Antisémites, les manifestants d'hier ?
Il
n'en reste pas moins que ceux qui manifestaient hier et qui
manifesteront demain, dans leur immense majorité, ne sont pas
antisémites. Ils pleurent les morts à Gaza. Ils se révoltent contre le
silence des Occidentaux, l'asymétrie des situations et des forces,
l'occupation, le blocus, et tant de vies sacrifiées dans une guerre qui
est, quoi qu'on dise, une guerre d'occupation.
Imagine-t-on que
j'ai la moindre "sympathie" pour le Hamas, qui a pris en otage les
Palestiniens de Gaza qui n'ont nulle part où fuir, qui met Israël sous
une pluie de roquettes lancées à l'aveugle, sur les populations civiles?
Croit-on que je ne déplore pas la mort des jeunes soldats israéliens
tombés dans une guerre vaine, qui, depuis 2008, se répète tous les trois
ans? Que je n'ai pas d'empathie pour les endeuillés d'Israël? Et que je
ne songe pas à tous ceux qui, en Israël, doivent faire face à des
alertes toutes les dix minutes?
Simplement, ma famille n'est pas
allée construire cet Israël-là, celui des ultras, qui rêvent du Grand
Israël, celui qui coûte la vie à tant de Palestiniens et à tant
d'Israéliens, les premiers payant -de très loin- le plus lourd tribut.
Les massacres de Gazaouis, les corps déchiquetés, les enfants et les
femmes assassinés, les décombres des maisons détruites, les populations
déplacées, la misère et la détresse hantent mes nuits. Je suis
désespérée.
En dépassant les frontières de 1967, on a commis le pire
Je
suis naturellement l'adversaire du Hamas et de ce qu'il incarne. Mais
j'affirme qu'un jour, si une paix doit se conclure, le Hamas devra être à
la table des négociations. Je ne vois pas d'autre moyen pour que cette
guerre, faite de part et d'autre pour des intérêts politiques, finisse
par s'arrêter.
Je ne puis évidemment accorder le moindre soutien à
un gouvernement d'Israël dominé par le Likoud, qui continue à
coloniser, et qui bafoue, aux yeux du monde, l'éthique ancestrale des
juifs d'Israël et de diaspora. Mes amis, mes proches défilent aussi en
Israël contre cette politique suicidaire, contre les massacres à Gaza,
contre cette violence à répétition, au nom de l'occupation de quelques
kilomètres carrés de plus. En dépassant les frontières de 1967, on a
commis le pire.
M. Valls, l'ancien ami des Palestiniens
Je
rappelle à M. Valls qu'il tenait dans le passé, chaque année, une
manifestation qui s'intitulait les "Six Heures pour la Palestine", qu'il
avait accueilli chaleureusement, en 2002, Leïla Shahid, alors déléguée
de la Palestine en France, pour le jumelage d'Evry-Ville nouvelle avec
le camp de Khan Younès, et qu'en 2002, encore, à la tribune de la
Mutualité, il dénonçait "la colonisation qui viole le droit
international." Cela aurait-il été expurgé de ses "oeuvres complètes"?
Il est vrai, aujourd'hui, que défendre les Palestiniens ne sied guère à
un présidentiable. Je n'en dirai pas plus, par respect pour la fonction
de Premier ministre.
Monsieur Valls, votre rôle, votre devoir,
c'est de dépasser le communautarisme et les petits calculs politiques
(et peut-être, grands, bientôt...). C'est de veiller à apporter le calme
dans ce pays en tenant des discours dignes d'un Premier Ministre.
Barbès, Sarcelles : des émeutes de banlieue
Et
c'est aussi de savoir entendre, derrière l'antisémitisme que vous
dénoncez à raison, l'écho des rancoeurs bien réelles de quartiers
populaires pour lesquels vous n'avez rien fait, enterrant qui plus est
notre "politique de la ville". Ces gens attendaient beaucoup de ce
gouvernement, ils avaient voté PS. Les explosions de Barbès et de
Sarcelles sont aussi des "émeutes de banlieue".
La rage qui monte
contre le gouvernement se retourne en prenant les juifs pour cible, des
juifs identifiés à tort au pouvoir. Ce scénario est ancien, bien connu,
de ceux du moins qui ont quelques notions d'histoire juive. C'est à
vous de le casser, ce scénario. Mais vous ne le ferez pas avec vos
points de vue binaires, au contraire. Si vous voulez protéger les juifs
de France, dispensez des discours clairs, mesurés, en un mot:
"républicains".
Non, les écologistes n'ont pas de "problème avec Israël"
Et
renoncez à ces médiocres attaques contre les partis qui se trouvent à
la gauche du PS, dont les écologistes, qui font pourtant partie de votre
majorité, en les classant, pour les disqualifier, dans la catégorie de
ceux qui auraient "des problèmes avec Israël".
Vous oubliez que
ce sont des démocrates comme nous qui contribuent à apporter du crédit
(et du calme) à ces manifestations, en expliquant, en dialoguant, et en
servant de paratonnerres aux possibles dérives antisémites. Et quand je
dis nous, ce n'est pas seulement aux écologistes que je pense, mais bien
à tous ces partis à la gauche du PS qui défilaient hier et qui ont
permis, avec d'autres, que la manifestation se déroule dignement. C'est
pour cette raison que je salue aussi les députés PS qui marchaient avec
nous. Qu'il y ait ici ou là quelques extrémistes peu regardants sur leur
façon de s'exprimer, c'est le sort commun de tous les partis, dont le
rôle est aussi de structurer et de cadrer.
Un peu de calme,
Monsieur le Premier ministre, et surtout de sagesse, avant que la
situation ne se dégrade davantage. Consacrez plutôt vos efforts à
imposer le cessez-le-feu en Israël et à Gaza. Ça vous sortira de votre
communautarisme..."
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Z'et chez les "Cailloux" un article de Rémi: "D'une résistance à d'autres, la bande de Bayonne"